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sens net & suivi dans ce qu’il dit à ce sujet, & les différentes leçons que l’on a tirées des manuscrits, ne suffisent pas encore pour le faire entendre. On va tâcher cependant de traduire la fin du chapitre, & l’on n’hésitera pas à y faire un ou deux changemens, qui seront assez justifiés par la clarté qu’ils feront naître dans l’explication de Jules Africain.

« Je m’étonne assez souvent, dit-il, de la facilité que les signaux nous procurent d’écrire tout ce que nous voulons ; voici ce qui se pratique. On choisit d’abord des lieux propres à donner & à recevoir les signaux. On y détermine le côté gauche, le côté droit, & l’entre-deux de ces côtés ; ensuite on distribue les lettres de l’alphabet, & on en fait passer du côté gauche un certain nombre, par exemple, celles qui sont depuis l’alpha jusqu’au theta ; les suivantes, depuis l’iota jusqu’au pi demeureront dans le milieu, & le reste de l’alphabet sera tout entier du côté droit. Lorsqu’on veut désigner l’alpha, on n’allume qu’un signal du côté gauche, deux si c’est le beta, trois si c’est le gamma. Lorsque c’est l’iota qui doit être indiqué, on leve un signal entre le côté gauche & le côté droit ; dans l’entre-deux du terrein où doivent s’exécuter les opérations, on en leve trois si c’est le lambda, & on fera la même chose pour marquer les lettres comprises dans la troisieme distribution, sans avoir aucun égard à la valeur numérale des lettres ; car par exemple, on n’ira point lever cent signaux pour désigner la lettre rho, parce que dans les nombres le rho vaut cent. Il faudra qu’il y ait un concert bien établi entre ceux qui donnent, ou ceux qui reçoivent le signal, & qu’il y ait des gens chargés d’écrire. Tel est le discours de Jules Africain ».

Il ne nous apprend rien de plus particulier, si ce n’est quelle étoit la matiere de ces signaux. « Il faut avoir fait provision, dit-il, de bois sec, de chaume, de branches d’arbres & de paille ; si l’on enduit ces matieres de graisse, elles rendront beaucoup de flamme, & une fumée épaisse que l’on verra monter au ciel par tourbillon ».

Jules Africain nous assure que les Romains usoient de signaux, tels qu’il les a expliqués ; aussi remarque-t-on dans Tite-Live, dans Vegece, & dans la vie de Sertorius par Plutarque, quelques occasions où les généraux romains avoient eû recours à ce moyen de se parler de fort loin les uns aux autres ; mais il suffit de citer ces auteurs, sans rapporter les faits dans un plus grand détail. Mém. de littér. tome XIII. (D. J.)

Signaux, c’est dans l’Art militaire différentes manieres de faire connoître à une troupe ou une armée, les mouvemens qu’on veut lui faire exécuter, & à ceux qui sont du même parti, ou de la même armée, le moyen de se reconnoîre les uns & les autres.

Ces signaux sont de trois sortes. Les vocaux ainsi appellés de la voix humaine qui les forme ; les demi-vocaux qui se font par le tambour, la trompette, le canon, &c. & les muets qui se font par les différens mouvemens des drapeaux & des étendars.

Il y a d’autres signaux muets qu’on fait mettre sur les habits des soldats, pour qu’ils se reconnoissent dans la mêlée ; par exemple, de la paille ou du papier au chapeau, la chemise par-dessus l’habit dans les camisades. Voyez Camisade.

Des corps séparés peuvent aussi se reconnoître par la fumée pendant le jour, & par le feu pendant la nuit. Une armée, par exemple, qui s’avance au secours d’une place assiégée, peut annoncer son arrivée par des feux allumés, lorsqu’elle occupe quelques endroits de la campagne, d’où ces feux peuvent être vus de la place.

« Toutes les évolutions & les mouvemens qui se pratiquent parmi le fracas des armes, dit le savant commentateur de Polybe, ne sauroient être commandées par la voix ; on devroit les faire au son du tambour, pourvu que les évolutions fussent distinguées par les différens roulemens. Qu’on ne me parle pas de l’exercice au son du tambour, tel qu’on le fait aujourd’hui, il est trop ridicule, puisque les évolutions ne sont pas distinguées. Je dis donc que dans une affaire générale ou dans un combat, le bruit des autres tambours, celui du canon, les décharges continuelles de l’infanterie, & les cris militaires, empêchent de distinguer les commandemens qui ne sont pas les mêmes par-tout, à cause des différens cas qui arrivent. Il me paroît qu’il seroit mieux d’introduire deux corps de chasse par régiment, dont les différens sons distingueroient les diverses évolutions & les manœuvres qu’il faudroit faire, & auxquels il seroit bon d’accoutumer les soldats à la maniere des anciens. Cet instrument est de tous, celui qui fait un plus beau bruit de guerre, & qui me semble digne d’être mis à un autre usage, qu’à servir à animer les chiens ». Traité de la colonne, par M. le chevalier de Folard.

Les ennemis se servoient des signaux par le feu, pour s’avertir réciproquement des différens événemens qui arrivoient pendant la guerre, & même pour commencer le combat. « Ce signal de guerre avoit précédé l’usage des trompettes. Un prêtre couronné de lauriers précédoit l’armée avec une torche allumée à la main. Les ennemis l’épargnoient presque toujours dans la chaleur de la bataille. De-là est venue l’ancienne façon proverbiale d’exprimer une défaite complette. Le porte-flambeau même n’a pas été épargné. De-là vient encore, avec assez de vraissemblance, l’usage de représenter la discorde avec des torches ardentes. » Théatre des Grecs, par le P. Brumoi, l. IV. in-12, p. 238.

Polybe nous a laissé une digression fort curieuse sur les signaux par le feu. On la trouve dans le sixieme vol. du commentaire sur cet auteur, par M. le chevalier de Folard, p. 139. M. Rollini a aussi donné cette même digression dans son histoire ancienne, p. 162, du huitieme vol. de l’édition in-12 de cet ouvrage. (Q)

Signaux, (Marine.) ce sont des instructions qu’on donne sur mer par quelque marque distinctive. Il y a deux sortes de signaux ; des signaux généraux, & des signaux particuliers. Les premiers concernent les ordres de batailles, de marches, de mouillage & de route ; les seconds les volontés du commandant pour tous les capitaines de chaque vaisseau en particulier, & réciproquement les avis que donnent au commandant les capitaines des vaisseaux. On se sert pour cela le jour, de pavillons de diverses couleurs, de flammes & de gaillardets ; & la nuit de canons, de pierriers, de fusées, & de fanaux ou feux. Dans un tems de brume, on fait usage de trompettes, de la mousqueterie, des pierriers & du canon, & on employe ces signaux, selon qu’on est convenu réciproquement ; & de quelque maniere qu’on les fasse, pourvu qu’ils soient clairs, faciles à distinguer & à exécuter, ils sont toujours bons. Pour avoir cependant une idée de la maniere dont on se parle sur mer, par signes, je vais rapporter un projet universel de signaux, que le P. Hôte a donné dans son art des armées navales, p. 421, & dont la plûpart sont pratiqués sur les vaisseaux. Je dois dire auparavant, que les signaux qui sont reçus par-tout, c’est un baril d’eau pendu à l’extrémité de la vergue d’un vaisseau, lorsqu’on a besoin de faire aiguade ; & une hache attachée au même endroit, quand on veut faire du bois.