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démontre néanmoins la nécessité du concours du principe gras pour la génération de ce sel. Le sel volatil est le dernier produit que donne par l’action du feu toute partie d’un animal récente & saine, ou bien l’urine qu’on n’a point fait putréfier. Le sel volatil ne peut être retiré des autres substances sans addition ; ou bien il est le premier produit qu’on en retire grace à la volatilité qui lui est propre, comme on voit dans la distillation des feces humides du moût, qu’on a laissé putréfier dans un vaisseau fermé lorsqu’on les distille.

Ainsi, suivant les principes de Stahl, il n’y a point d’alkali volatil formé par la nature, mais tous les sels de cette espece se produisent par le feu ou par la putréfaction. Wallerius, dans sa minéralogie, tome I. p. 345 & 346, objecte que dans ce système il pourroit y avoir encore un sel volatil naturel, puisqu’il y a du feu sous la terre ; qu’il se fait une putréfaction à sa surface & dans son sein, & que la destruction & l’altération des corps sont aussi naturelles que leur formation.

On a cru long-tems qu’il existoit un sel volatil tout formé, principalement dans les plantes antiscorbutiques ; mais Cartheuser, dans sa matiere médicale, tome I. p. 288. & suiv. a réfuté ce sentiment, il a remarqué que la vapeur âcre & piquante que ces plantes exhalent n’est point du tout celle des esprits urineux, mais qu’elle ressemble à l’odeur acide & légerement balsamique, que répand l’esprit de sucre lorsqu’il est récent. Il rapporte une expérience curieuse de M. Burghaut, qui, en mettant parties égales de suc de joubarbe & d’esprit de vin rectifié, obtient un coagulum ; de la comparaison duquel, avec l’offa de Vanhelmont, il concluoit que la joubarbe renferme un sel très-volatil semblable au sel urineux. Mais M. Cartheuser prouve par plusieurs expériences que le suc de joubarbe renferme un sel acidulé plus ou moins volatil, un peu enveloppé d’une substance tenace, muqueuse & gommeuse ; il reconnoît que le suc de joubarbe, mêlé avec l’esprit-de-vin, se coagule en une masse semblable à de la crême de lait, ou à de la pommade très-blanche, mais il assûre que le mélange de ce suc avec une liqueur alkaline fixe, ou avec l’esprit de sel ammoniac, forme un coagulum semblable à quelques légeres différences près ; les liqueurs acides ne produisent point dans ce suc de précipitation, ni d’altération singuliere. M. Cartheuser ne dit rien de particulier sur la formation du coagulum de l’expérience de M. Burghaut, qui est un savon acide, puisqu’on ne peut admettre de qualité alkaline dans de l’esprit-de-vin ; & ce savon est très remarquable par sa volatilité, qui l’emporte même, dit-on, sur celle du camphre.

Le dernier auteur qui a soutenu l’existence du sel alkali volatil tout formé dans certaines plantes, est M. Wallerius dans ses notes sur Hierne ; mais ses expériences sont niées par M. Vogel, inst. chim. n°. 605.

Nous avons supposé plus haut que le sel marin subit une véritable putréfaction ; elle est sensible dans l’expérience de Henckel, qui assure, intr. à la min. pag. 119, 120, qu’après avoir fait une décoction épaisse du kali geniculatum dans de l’eau, il en partit non-seulement une odeur semblable à celle des excrémens humains, mais encore il s’y forma des vers. Ces deux phénomenes prouvent assez une putréfaction, & par conséquent une volatilisation, dont il y a lieu de conclure que la cause a été le sel marin qui est abondamment contenu dans la soude. On sera moins surpris de la putrescibilité du sel marin, si l’on fait attention à celle des eaux les plus pures, qui est démontrée par les expériences de M. Marggraaff rapportées à l’article . M. Marggraaff a observé que dans la putréfaction de la meilleure eau de pluie (putréfaction sensible au bout d’un mois, &

qui suppose que cette eau renferme des parties huileuses & mucilagineuses), il se produit une grande quantité de limon verdâtre semblable à celui qui couvre la surface de l’eau, lorsqu’on dit qu’elle fleurit. Les effets de cette putréfaction sont très-sensibles dans les lacs dont on rapporte qu’ils fleurissent & verdissent en été. Lorsque cette matiere verdâtre est produite, les poissons sont malades, & meurent souvent, & l’on remarque en même tems à la surface des eaux une matiere huileuse qu’on voit aussi sur la mer, & qui exposée au soleil est luisante, & forme comme des vagues sur cette surface. Voyez l’hydrologie de Wallerius, pag. 61.

Le sel ammoniac des substances animales est decomposé & dégagé par la coction de ses substances ; on conçoit par-là comment les chairs déjà corrompues, & sur le point d’être dissoutes par la putréfaction, y tombent trois fois plus tard, si on vient à les cuire ; il n’est pas nécessaire de supposer que le miasme putride est forcé par la coction d’entrer dans une nouvelle mixtion ; ce miasme n’existe pas toujours, & son opération n’est pas aisée à concevoir.

On sait que le vin mis dans un vase infecté d’un peu d’autre vin corrompu, tombe très-vite dans l’état de putréfaction, dans qu’on puisse l’en empêcher, & sans passer par l’état moyen de vinaigre. Pour rendre raison de ce phénomene, Stahl a recours à une analogie très-particuliere de mobilité qui fait que les particules du ferment putride s’attachent uniquement à celles qui leur ressemblent, & qui trouvent une égale résistance dans la figure des corpuscules qu’elles doivent rencontrer ; on voit que tout cela est fort obscur.

De ce que nous avons dit sur la putrescibilité du sel marin, on explique aisément pourquoi le sel marin en petite dose hâte manifestement & augmente la corruption, comme M. Pringle l’a observé d’après Beccher ; on sait que le sel marin arrête la putrefaction, lorsqu’on l’emploie dans une plus grande proportion, quoique sa vertu antiseptique soit beaucoup moindre que celle des autres sels, comme M. Pringle l’a remarqué : mais alors il agit par un effet différent qui est de durcir la chair.

Le même auteur a observé que les sels alkali-volatils, quoiqu’ils soient produits par la putréfaction, ont le pouvoir de la retarder de même que les alkalis fixes. Il faut remarquer que ceux-ci étant ajoutés en grande quantité à des matieres qui fermentent, en arrêtent la fermentation, sans doute parce qu’ils en absorbent l’acide, mais en même tems en alterent la nature, au point que ces matieres ne sont plus susceptibles d’une autre fermentation que de la putride. Voyez Boerhaave, chim. pag. 116. M. Pringle a très-bien fait connoître par ses expériences (traité sur les substances septiques & antiseptiques, pag. 222 & suivantes), que les substances putrides animales ont la vertu d’exciter une fermentation vineuse dans les végétaux ; on concevra aisément ce phénomene, si l’on considere que la différence du mouvement de fermentation d’avec celui de putréfaction, n’est que dans la nature du sujet même ; c’est ainsi, dit Sthal, que la même opération de la distillation ne retire point une eau pénétrante & spiritueuse d’un bois verd, ainsi que des aromates.

M. Pringle, ibid. pag. 291, n’explique pas heureusement la vertu septique de la craie & des substances testacées, lorsqu’il l’attribue à ce qu’elles absorbent l’acide des corps animaux ; car si cela étoit, les corps alkalis & la chaux devroient être bien plus septiques ; mais la vraie raison en est la même qui fait que le vin & le vinaigre concentrés se corrompent fort vite, si on les édulcore avec de la craie. L’addition de cette terre maigre accélere la putréfac-