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qui, après l’avoir fait poignarder, lui fit bâtir un temple, & y établit des prêtres flamines en son honneur. Cela fit que sa memoire ne fut pas flétrie, & que le sénat n’osant le juger, il ne fut pas mis au rang des tyrans, comme Commode, qui le méritoit moins que lui. Mém. de Littérat. tom. XVIII. ind. 4. pag. 144. (D. J.)

Philadelphie, pierres de, (Hist. nat.) les murs de Philadelphie, ville de l’Asie mineure, sont bâtis d’une pierre qui renferme des concrétions semblables à des os, ce qui a donné lieu à une fable qui dit que les Turcs, après s’être rendus maître de cette ville, la fortifierent avec les os des chrétiens, dont ils éleverent des murailles.

PHILÆ, (Géog. anc.) ville d’Egypte, proche de la cataracte du Nil, selon Ptolomée, l. IV. chap. v. Il y avoit aussi une île de même nom ; & c’est dans cette île que la ville étoit bâtie, selon Séneque, liv. IV. quest. nat. c. ij. Le Nil, après s’être répandu dans de vastes déserts, & y avoir formé divers marais, se rassemble au-dessus de Philæ, île escarpée de tous côtés. Deux bras du fleuve font cette île, & se réunissant au-dessous, ne forment plus qu’un seul lit, qui est le Nil, & qui en porte le nom. (D. J.)

PHILAKI, s. m. (Ant. grecq.) nom que les Grecs modernes donnent à la prison publique de Misistra : c’est la même prison où le roi Agis finit malheureusement ses jours. Ces sortes de lieux changent peu d’usage, sur-tout quand ils sont près d’un tribunal souverain, comme celui-ci l’étoit autrefois des Nomophylaces, & comme on dit qu’il l’est encore aujourd’hui du Mula. Quoique ce soit un réduit effroyable, il n’y en a point de plus renomme chez les auteurs. Strabon rapporte qu’il s’appelloit cœades, & pour nous figurer un cachot, il le représente comme une caverne. Dion, Chrysostome. Eustathius, Suidas, & plusieurs autres, en ont parlé ; mais aussi c’étoit la prison de Sparte. Plutarque m’attendrit sans cesse, quand je relis dans sa vie d’Agis, de quelle façon ce jeune roi & les deux princesses Archidamia & Agésistrata moururent dans cette petite prison. Elle est située près de la rue du grand Bazar, cette fameuse rue qu’on appelloit autrefois Aphétaïs, & qu’Ulysse contribua tant à rendre célebre, quand elle lui servit de carriere, pour disputer à la course la possession de Pénélope contre ses rivaux. Icarius, pere de cette belle lacédémonienne, voyant plusieurs amans qui la recherchoient, incertain du choix, leur proposa des jeux de course dans ce même lieu, & promit Pénélope pour prix de la victoire qu’Ulysse eut la gloire de remporter. En reconnoissance de cet avantage, il consacra dans Sparte trois temples à Pallas, sous le nom de Céleuthée. (D. J.)

PHILANDRE, PHILANDER, OPOSSUM, s. m. (Zoologie.) animal très-remarquable d’Amérique. Il a été fort mal décrit par divers auteurs sous le nom de maritacaca, carigoi, opoza, caregueia, jupatuma, tlaquatzin, sarigoi, semi vulpa, marsupiale, &c.

C’est un animal de la grosseur d’un gros chat. Sa tête est faite comme celle d’un renard. Il a le nés pointu, & la mâchoire supérieure plus longue que l’inférieure. Ses dents sont petites, mais semblables à celles du renard, excepté qu’il en a deux grandes comme le lievre au haut du museau ; ses yeux sont petits, ronds, & pleins de vivacité. Ses oreilles sont grandes, lisses, douces, droites, comme celles du renard, minces, & comme transparentes. Il a comme le chat des moustaches noires, & d’autres poils de même espece sur la face & au-dessus des yeux ; sa queue est ronde & d’un pié de long, pleine de poil à son insertion ; ensuite toute chauve, de couleur en partie noire, & en partie d’un brun cendré ; ses piés de derriere sont beaucoup plus longs que ceux de

devant ; ils ressemblent à des mains, & ont chacun cinq orteils armés d’ongles blancs & crochus ; l’orteil de derriere est le plus long, ainsi que dans les singes. Son dos & ses côtés sont de couleur noirâtre avec un mélange de gris, & d’un faux jaune sur le ventre.

L’opossum répand une odeur puante comme le renard ; il se nourrit de cannes de sucre, & d’autres végétaux ; il mange aussi les oiseaux qu’il va prendre jusque sur les arbres, & imite souvent les ruses du renard pour piller la volaille.

Mais ce qui le distingue de tous les autres animaux du monde, c’est le sac ou la poche dans laquelle la femelle fait entrer ses petits lorsqu’elle met bas ; alors le petit opossum n’est pas plus gros qu’une noix, quoique destiné à l’être autant qu’un chat. Ce sac est placé sous le ventre près des jambes de derriere. Les petits s’y trouvent à l’abri jusqu’à ce qu’ils soient en état de se tirer d’affaire ; & quand ils commencent à être forts, ils en sortent, & y rentrent librement pendant quelques semaines. Enfin lorsqu’ils sont grands, la mere les en chasse pour toujours, comme font les femelles des autres animaux, à l’égard de leurs petits. L’opossum mâle a, de même que la femelle, cette espece de poche sous le ventre, & prend de tems-en-tems sur lui le soin d’y porter ses petits, pour les tirer d’un danger pressant, & soulager sa femelle.

Cette poche singuliere mérite bien que nous la décrivions. C’est un corps membraneux assez mince, quoique composé de plusieurs membranes ; il y a quatre paires de muscles qui servent à la resserrer & à l’étendre, à ouvrir & à fermer l’ouverture. Deux os particuliers à cet animal, & qui sont placés dans cette partie de son corps, servent à l’insertion des muscles dont nous venons de parler. La poche paroît être en partie musculeuse, & en partie glanduleuse, car elle a la double action de mouvement & de secrétion. L’intérieur de cette poche est tapissé de quelques poils, qui sont çà & là, couverts d’une matiere jaune & gluante, produite par diverses petites glandes dont la poche est semée ; cette matiere cérumineuse est d’une odeur forte & désagréable.

Le sac de l’opossum, outre sa tunique glanduleuse & musculaire, est pourvu d’une troisieme tunique vasculaire, dans laquelle les vaisseaux sanguins décourent en grand nombre.

L’opossum sent aussi mauvais pendant qu’il est en vie que le putois, & même davantage. Cette odeur virulente vient principalement de la matiere contenue dans sa poche, qui est d’une nature si semblable à celle du sac de la civette, qu’après avoir été exposée à l’air pendant quelques jours, elle perd son odeur forte, & devient un parfum des plus agréables, approchant de celui de la civette.

La structure des jambes, des piés & des ongles de l’opossum, semble lui avoir été donnée pour grimper avantageusement sur les arbres ; & c’est aussi ce qu’il exécute avec beaucoup de vîtesse.

Enfin, la nature a employé une méchanique admirable dans les épines ou crochets, qui sont au centre du côté inférieur des vertèbres de sa queue. Les trois premieres vertebres n’ont point d’épines ; mais on les voit dans toutes les autres. Elles sont placées justement au milieu & à côté de chaque jointure. Je crois qu’on ne sauroit rien imaginer de plus propre à cette fonction que de le suspendre par la queue ; car la queue étant une fois tournée autour d’une branche, soutient aisément le poids de l’animal par le moyen de ces épines crochues ; cette action ne demande qu’un peu de travail dans les muscles pour courber ou fléchir la queue.

J’aurois beaucoup d’autres choses curieuses à ajou-