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leur laissant la jouissance entiere séparée des bénéfices particuliers.

Tout ce qu’un religieux acquiert dans les emplois dont il est chargé, appartient à l’abbé & au monastere ; mais si le religieux est pourvu d’un bénéfice cure, son pécule ou côte morte doit être distribué aux pauvres de la paroisse & à la fabrique. Telle est la jurisprudence du parlement de Paris. Il y a cependant des arrêts du grand-conseil qui adjugent ce pécule du religieux curé à son monastere. Voyez le traité du pécule par Gerbais, la biblioth. can. les mémoires du clergé. (A)

PECULIER, ere, adj. m. & f. (Lang. franç.) c’est un de ces mots expressifs que nous avons laissés perdre, & qui ne se trouvent que dans nos anciens auteurs. Henri Etienne est du nombre de ceux qui s’en servent le plus souvent ; il l’a répandu par-tout dans son apologie pour Hérodote. Je me contente de cet exemple, « il est à présumer que les siecles qui précédent le nôtre ont eu leur lourderie propre & péculiere ». (D. J.)

Péculier, (Jurisprud.) se dit de celui qui a un pécule, comme un esclave péculier, peculiatus ; il en est parlé au digeste, liv. XII. tit. l. II. §. 4. l. II. §. 2. (A)

PECULIUM, Voyez Pecule.

PÉCUNE, s. f. (Littérat.) S. Augustin en a fait une divinité réelle des Romains, quoique Juvenal qui devoit être mieux instruit que l’auteur de la cité de Dieu, eût dit : « Funeste richesse ! Tu n’as point de temples parmi nous ; mais il ne nous manque plus que de t’en élever & de t’y adorer, comme nous adorons la paix, la bonne foi, la vertu, la concorde ».

PECUNIA, (Droit romain.) suivant les jurisconsultes romains, le mot pecunia signifie non-seulement l’argent comptant, mais encore toutes sortes de biens, meubles & immeubles, droits même ou prétentions ; voyez pour preuve, le Digeste, liv. L. citre de la signification des mots & des choses. Ulpien, Hermogène, &c. (D. J.)

Pecunia, se prend quelquefois, dans les anciens livres de droit anglois, pour le bétail, & quelquefois pour d’autres biens ou marchandises, de même que pour de la monnoie ou de l’argent. Voyez Biens que l’on posséde en propre.

Lorsque Guillaume I. réforma les lois d’Edoward le confesseur, il fut ordonné que viva pecunia, les biens vivans, c’est-à-dire le bétail, ne seroit acheté ou vendu que dans les villes, & qu’en présence de trois témoins jugés capables.

Ainsi dans le grand terrier d’Angleterre, le mot pecunia se prend fort souvent pro pecude, de même que pâture ad pecuniam villæ.

Pecunia ecclesiæ se prenoit autrefois pour les biens de l’église, soit en fonds, soit en meubles.

Pecunia sepulchralis… c’étoit anciennement un argent que l’on payoit au prêtre, à l’ouverture d’un tombeau ou d’une fosse pour le bien & le repos de l’ame du défunt ; & que les anciens Anglo-Saxons appelloient la part de l’ame & animæ symbolum.

PÉCUNIAIRE, adj. (Gram. & Comm.) ce qui concerne la pécune ou l’argent monnoyé ; on appelle amendes pécuniaires, celles qui se payent en argent monnoyé. C’est par ces sortes d’amendes qu’on punit la contrebande & les contraventions, soit aux reglemens des manufactures, soit aux statuts des communautés des Arts & Métiers. Dictionn. de comm.

PÉCUNIEUX, adj. (Gram. & Comm.) celui qui a beaucoup d’argent comptant ; ce terme est toujours usité, quoique le mot pécune d’où il est dérivé ne soit plus d’usage. Id. ibid.

PÉDA, (Géog. anc.) par Tite-Live, liv. II. ch. xxxix. Pedum, ville du Latium, dont il dit que Co-

riolan s’empara. Pline, liv. III. ch. v. met les Pédaniens, Pedani, au nombre des peuples dont les villes étoient tellement détruites, qu’on n’en voyoit pas même les ruines. On croit communément que Péda étoit entre Tivoli & Palestrine. (D. J.)

PEDŒUS, (Géog. anc.) fleuve de l’île de Cypre. Ptolomée, l. V. c. xiv. place son embouchure sur la côte orientale de l’île, entre le promontoire Padalium & Salamis. Au lieu de Pedœus, les interpretes de Ptolomée lisent Pediœus. (D. J.)

PÉDAGNE, s. m. terme de mer ; c’est une espece de marche-pié sur lequel en voguant, demeure toujours le pié du forçat qui est enchaîné. (D. J.)

PÉDAGOGUE, s. m. (Littérat.) les Grecs & les Romains appelloient pédagogues, les esclaves à qui ils donnoient le soin de leurs enfans pour les conduire par-tout, les garder & les ramener à la maison. C’est pourquoi dans le Phormion de Terence, Phædria qui n’avoit d’autre consolation que de suivre sa maîtresse, sectari in ludum, ducere & reducere, est appellée pédagogue ; on trouve dans Gruter plusieurs inscriptions antiques de ces pédagogues, dont la fonction ne consistoit guere que dans ce genre de surveillance. Nous avons étendu en françois avec assez de raison la signification du mot pédagogue, en donnant ce nom à un maître chargé d’instruire, de gouverner un écolier, & de veiller sur sa conduite ; mais en même tems par le peu de cas que nous faisons de l’instruction de la jeunesse, il est arrivé qu’on est obligé d’ajouter quelque épithete à ce mot pour le faire recevoir favorablement.

Pédagogue, (Critiq. sacrée.) παιδαγωγός, au propre, maître, précepteur, conducteur d’enfans. S. Paul dit aux Galat. iij. 24 & 25. La loi étoit un pédagogue, &c. métaphore qui signifie que la loi a donné aux Juifs les premieres connoissances du vrai Dieu, & les a conduit à J. C. ensorte qu’à présent nous ne sommes plus comme des enfans, sous l’empire de la loi. Le même apôtre dit dans la 1. ép. aux Corinthiens, 4. 15. pour leur rappeller les sentimens qu’ils lui devoient. Quand vous auriez dix mille maîtres, παιδαγωγούς en J. C. vous n’avez pas néanmoins plusieurs peres. S. Paul étoit le pere des Corinthiens, non seulement parce qu’il leur avoit enseigné le premier la doctrine de l’Evangile, mais aussi parce qu’il formoit leur ame, & les instruisoit avec une affection paternelle ; ce que ne faisoient pas les autres docteurs qui étoient venus vers eux après lui. (D. J.)

PÉDAIRE, Sénateur (Antiq. rom.) on nommoit sénateurs pédaires, les jeunes sénateurs qui suivoient un sentiment ouvert par les anciens, & se rangeoient de leur avis. Les sénateurs pédaires étoient ceux qui n’avoient point passé par les magistratures curules, comme ceux qui avoient eû cet honneur opinoient les premiers : les pédaires ne formoient point ordinairement d’avis, & se contentoient de marquer leur opinion, en se rangeant du côté de celui dont ils suivoient le sentiment, ce qui s’appelloit pedibus in sententiam ire ; aussi disoit-on qu’un avis pédaire étoit une tête sans langue.

Je dis que ces sénateurs n’opinoient point ordinairement, parce que cet usage a eu ses exceptions. On lit dans une lettre de Cicéron, que Servilius le fils, qui n’avoit encore été que questeur (ce qui étoit le premier degré de magistrature) opina, & que sur son avis, on ajouta un article au sénatus-consulte.

Ce Bassus, cité par Aulu-Gelle, dit que les sénateurs pédaires alloient au sénat à pié, au lieu que les autres s’y faisoient porter dans leurs chaises curules ; cela se peut, mais outre l’autorité de Varron & de Festus, il paroît par Cicéron, que tous les sénateurs alloient au sénat à pié ; ceux qui étoient incommodés s’y faisoient porter en litiere, & César même lorsqu’il fut dictateur, n’y alloit point autrement.