Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/963

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reconstruit sans ornemens en 1715. Il contient une pompe foulante & aspirante pour élever les eaux, & en fournir tant au jardin des Tuileries, qu’ailleurs.

La place Dauphine qui est située à la pointe de l’île du palais, vis-à-vis le cheval de bronze, est de figure pyramidale. Les maisons qui la forment furent élevées en 1606, peu d’années après la naissance de Louis XIII. & on la nomma place Dauphine, à cause du titre de dauphin que ce prince avoit alors. On a ouvert de ce côté-là une entrée pour le palais. Cette place & les quais qu’elle a de chaque côté, savoir, le quai des Orfevres, & celui des Morfondus, ont été pris dans un grand terrein, qui faisoit autrefois une partie des jardins du palais, lorsque les rois y tenoient leur cour.

L’église de Notre-Dame, métropolitaine de Paris, est très-ancienne ; mais nous ignorons si la cathédrale de cette ville dans les premiers tems, étoit saint Etienne-des-Grès ou saint Marcel : nous savons seulement que sous les enfans de Clovis, elle étoit à-peu-près où elle est encore aujourd’hui, & que sous le regne de Louis le Débonnaire, il y avoit dans le parvis de Notre-Dame, du côté de l’Hôtel-Dieu, une église de saint Etienne, où se tint un concile en 829. Il en restoit encore des murs du tems de Louis le Gros, que ce prince, dans ses lettres au sujet des limites de la voirie des évêques de Paris, appelle muros veteris ecclesiæ sancti Stephani ; c’étoit probablement l’ancienne cathédrale, appellée du nom de saint Etienne dans plusieurs auteurs.

Cette partie de la cité, ne s’étendoit pas plus loin que saint Denis-du-Pas & l’archevêché ; car ce qu’on nomme le terrein, connu du tems de saint Louis sous le nom de la motte-aux papelards, paroît s’être formé des décombres & des immondices, qu’occasionna la construction du vaste bâtiment de l’église de Notre-Dame. Quant à l’autre partie opposée, elle ne s’étendoit que jusqu’à la rue de Harlai. Au-delà étoient deux îles, l’une plus grande vis-à-vis des Augustins, & l’autre plus petite au bout du quai de l’Horloge. La position de ces deux îles est marquée dans un ancien plan de Paris en tapisserie, dont M. Turgot, prevôt des Marchands, a fait l’acquisition pour la ville.

Je reviens à l’église de Notre-Dame : le roi Robert ne la trouvant pas assez belle, entreprit de la rebâtir, mais elle ne fut achevée que sous le regne de Philippe Auguste ; l’architecture en est toute gothique. Les dedans en sont fort obscurs ; le chœur est orné de tableaux de la main de Jouvenet, représentant la vie de la Vierge à qui l’église est dédiée. Le grand autel a été exécuté par les ordres de Louis XIV. pour accomplir le vœu de son pere. Les anges de métal, de grandeur naturelle, ont été jettés en fonte en 1715 par Roger Schabot ; la croix d’argent & les six chandeliers sont de Claude Balin, fameux orfevre.

L’Hôtel-Dieu situé auprès de Notre-Dame, & qui devroit être hors de la ville, est le plus grand hôpital de Paris ; on y a vû trois à quatre mille malades, qu’on met alors trois & quatre ensemble dans un même lit, pratique d’autant plus funeste, qu’elle multiplie les causes de mort pour ceux qui réchapperoient s’ils étoient seuls dans un lit. On attribue la fondation de cet hôpital à saint Landry, évêque de Paris, qui vivoit sous Clovis II. en 660. De l’autre côté de l’Hôtel-Dieu, est un hôpital des Enfans-Trouvés, rebâti dans ce siecle. Tout ce quartier qu’on appelle la cité, est rempli de rues étroites, & de plusieurs petites églises fort anciennes.

Le palais qui a été autrefois la demeure de nos rois, fut abandonné aux officiers de justice par Philippe le Bel, qui vouloit rendre le parlement sédentaire. Ce prince, pour donner plus d’espace à l’édifice, fit bâtir la plûpart des chambres, & tout l’ouvrage fut achevé en 1313. Cependant il est certain qu’il y avoit de

grands bâtimens avant ce tems-là. Clovis y avoit tenu sa cour ; & saint Louis, qui y fit un plus long séjour que les autres rois, y avoit fait faire plusieurs ouvrages. La grande salle a été bâtie sur le plan d’une autre très-ancienne, dans laquelle les statues des rois de France étoient placées tout à l’entour. C’étoit le lieu où ils recevoient les ambassadeurs. Ils y donnoient des festins publics à certains jours de l’année, & même on y faisoit les noces des enfans de France. Cette salle qui fut réduite en cendres an commencement du dernier siecle, est présentement voutée de pierres de taille, avec une suite d’arcades au milieu, soutenue de piliers, autour desquels il y a de petites boutiques occupées par des marchands. La grand’chambre est à côté de la grande salle, & fut bâtie sous saint Louis, qui y donnoit les audiences publiques. Louis XII. la fit réparer comme elle est. La Tournelle, qui est la chambre où l’on juge les criminels, est celle où couchoit saint Louis.

La sainte Chapelle est une église bâtie par le même roi, & dont l’ouvrage fut achevé en 1247. Saint Louis y établit un maître chapelain, qu’on nomme aujourd’hui trésorier, lequel a comme les évêques la qualité de conseiller du roi en tous ses conseils, & le privilege d’officier pontificalement, à l’exception de porter la crosse. Cette église ne dépend que du saint-siege, & assurément elle devroit ne dépendre que du roi.

A quelque distance du palais, est le pont Notre-Dame, le plus ancien & le premier qu’on ait bâti de pierres. Il fut achevé tel qu’on le voit à-présent en 1507, sur les desseins d’un cordelier de Vérone, nommé Joannes Jucundus, qui entreprit l’ouvrage aux frais de l’hôtel-de-ville. Il est chargé de chaque côté, de maisons ornées sur le devant de grands thermes d’hommes & de femmes, qui portent des corbeilles pleines de fruit sur leurs têtes.

Au milieu de ce pont, on a dressé deux machines qui élevent de l’eau de la riviere pour la commodité des quartiers de la ville qui en sont éloignés. Les vers suivans de Santeuil y sont gravés en lettres d’or sur un marbre noir :

Sequana, cum primùm reginæ allabitur urbi,
Tardat præcipites ambitiosus aquas.
Captus amore loci, cursum obliviscitur, anceps,
Quò fluat, & dulces nectit in urbe moras.
Hinc varios implens, fluctu subeunte, canales,
Fons fieri gaudet, qui modò flumen erat.
Anno M. DC. LXXVI.

Le petit-Pont ainsi nommé, a été plusieurs fois détruit & refait ; les maisons qu’on avoit bâties dessus en 1603, furent détruites en 1718, desorte qu’on a rétabli ce pont sans y reconstruire de maisons.

A côte du pont Notre-Dame, & sur le même canal, on trouve le pont au Change, appellé de ce nom, à cause qu’il y avoit autrefois un grand nombre de changes, ou de changeurs, dans les maisons qui étoient dessus ; ces changeurs faisoient une maniere de bourse dans cet endroit. Ce pont qui étoit de bois, ayant été consumé en 1639 par un furieux embrasement, on le rebâtit solidement de pierres de taille, & on éleva dessus deux rangs de maisons, dont les faces sont aussi de pierres de taille.

A l’autre bout du pont au Change, au coin du quai des Morfondus, est l’horloge du palais, sur laquelle on regle les séances du parlement.

Le pont saint Michel est aussi proche du palais, à l’opposite du pont au Change. Il y a grande apparence qu’il a pris son nom de la petite église de saint Michel, qui est dans l’enclos de la cour du palais, vis-à-vis de la rue de la Calandre. Il a été construit sous le regne de Louis XIII. tel qu’on le voit aujourd’hui, & chargé de maisons de briques & de pierres de taille.

Voilà tout Paris parcouru. J’ai néanmoins oublié