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pluie & le vent ne demandent pour être observés que l’usage des sens ; la girouette bien mobile & située sur un toît ou un clocher bien élevé, sert à déterminer la direction des vents. Il y a quelques machines propres à en évaluer la force, mais elles sont fautives & très-peu d’usage, & ne valent jamais, comme l’a remarqué M. Jurin, le simple usage des sens. On se sert aussi, pour savoir la quantité de pluie tombée dans un mois ou un an, d’un vaisseau cubique ou cylindrique élevé & placé dans un endroit isolé dont on connoît exactement la capacité, & qui est divisé en pouces & en lignes ; & pour éviter dans ce cas toute erreur que pourroit introduire l’évaporation, il faut avoir soin ou de mesurer tous les jours, ou de prendre des précautions pour empêcher l’eau tombée de s’évaporer. Voyez tous ces articles particuliers.

L’observateur muni de tous ces instrumens, peut les consulter à différentes heures de la journée : il y en a d’assez patiens, d’assez scrupuleux pour ne pas laisser passer une ou deux heures sans aller examiner les variations qui peuvent être arrivées dans l’état de leurs mesures. Ces détails minutieux peuvent avoir quelqu’utilité en Physique ; mais pour l’usage medicinal, trois observations par jour sur le thermometre, savoir le matin, à midi & le soir, autant ou même moins sur le barometre & l’hygrometre, sont très-suffisantes. Du reste, on ne peut donner là-dessus aucune regle rigoureuse ; les changemens considérables qu’on peut appercevoir, doivent décider dans bien des cas. On a construit des tables suivant lesquelles on peut disposer les observations qu’on aura faites : l’académie royale des Sciences fait imprimer tous les ans un livre intitulé la connoissance des tems,

où l’on trouvera une table commode pour ces observations. La société des medecins d’Edimbourg a regardé ces observations comme un objet intéressant, digne de l’application de ses membres. A la tête de chaque volume qu’elle donne au public, on voit une table très-exacte des observations météorologiques, & une description assez détaillée des maladies qui ont regné pendant ce tems ; & on a fait fort judicieusement précéder ces observations d’une description de la ville d’Edimbourg qui a paru, disent les éditeurs, nécessaire, parce que sa situation & d’autres particularités peuvent influer sur la disposition de l’air ou occasionner des maladies. Essais & observat. tom. I. préface. L’auteur du journal de Medecine a rendu cet ouvrage plus intéressant & plus utile, en y joignant aussi des observations météorologiques faites sur le plan de celles d’Edimbourg, & suivies d’un exposé trop court des maladies épidémiques, & auxquelles il manque la description ou la carte topographique de Paris & des environs, avec une notice des vents les moins salutaires. Recueil périodique d’observations de Medecine, &c. Janvier 1757, tome VI. & suiv. La table dont se servent les medecins d’Edimbourg est composée de huit colonnes ; la premiere contient le jour du mois, dont le nom est mis au-dessus de la table ; la seconde les heures ; la troisieme le barometre ; la quatrieme le thermometre ; la cinquieme le hygroscope ; la sixieme la direction & la force du vent ; la septieme les variations du tems ; la huitieme enfin, la quantité de pluie tombée dans le vaisseau. Nous transportons ici, pour donner une idée plus claire de cette table, les premieres lignes qui renferment les observations faites le premier de Juin 1731.
Juin 1731.
Jour. Heures. Barometre.
Pouces.
Thermometre.
Pouces.
Hygroscop.
Pouces.
Vent.
Direct. Force.
Tems Pluie dans le
vaisseau.








1 9 mat. S.-O. 6d. S. 1d Beau. 0 Pouces.
5 soir. S.-O. 6d. S. 0d Couvert. 0 Pouces.

Les observations que nous venons de proposer ne peuvent nous instruire que des qualités physiques de l’atmosphere. Il y a lieu de croire qu’il ne seroit pas moins important de connoître la nature des corps hétérogenes, des miasmes vicieux qui la remplissent & l’infectent. Les observations & les expériences chimiques sont les seuls moyens que nous ayons pour parvenir à cette connoissance : déjà elles nous ont appris qu’un acide universel étoit répandu dans l’air, que cet acide étoit le vitriolique, & qu’il étoit plus abondant dans certains pays, comme dans les montagnes des Pyrénées ; que sur les côtes de la mer l’acide marin domine ; que les mouffetes devoient leurs mauvais effets le plus souvent à une surabondance d’acide sulphureux, volatil, constaté par la noirceur de l’argent & du verre de Saturne, &c. On pourroit s’assurer encore mieux & plus utilement de l’état de l’air dans les maladies épidémiques, si on analysoit la pluie, la grêle, la rosée, la neige, &c. si on exprimoit des linges imbibés de ces eaux dans quelque liqueur ; si on exposoit à l’air des fils de soie teints de différentes couleurs. Les Chimistes connoissent que l’air est infecté de miasmes arsénicaux, lorsqu’ils voient les métaux des mines voisines devenir friables & s’en aller en poussiere, & le cuivre acquérir l’éclat de l’argent. Nous proposons ces vûes, que nous présumons pouvoir être utiles à quelque chimiste éclairé qui veuille bien sacrifier une partie de son tems à l’intérêt public : il en résulteroit de-là une nouvelle preuve des avantages que la Medecine

même pratique peut tirer de la chimie bien dirigée. M. Broussonnet, illustre medecin de Montpellier, a répondu d’une maniere très-satisfaisante à cette belle question, qui lui fut proposée avec plusieurs autres aussi intéressantes, lors de la dispute d’une chaire dans l’université de Montpellier en 1759, savoir si on peut par les moyens chimiques découvrir les différens états de l’air, & de nuisible le rendre salutaire. L’extrème briéveté du tems accordé dans ces sortes d’occasions, ne l’a pas empêché de discuter savamment & de résoudre exactement ces deux questions. On peut voir le recueil de ses theses, imprimé à Montpellier en 1759 ; l’on ne s’appercevra pas en les lisant qu’elles ont été composées & imprimées, suivant l’usage, en moins de douze jours.

Enfin, pour completter les observations météorologiques, il me paroît qu’on devroit avoir égard à l’état du ciel, y joindre quelques observations astronomiques : l’influence des astres est une question qui a eu assez de célébrité chez les anciens pour mériter d’être vérifiée. Plusieurs célebres medecins modernes y sont revenus (voyez cet article au mot Influence), & nous avons prouvé qu’il y avoit assez de réel dans cette prétention pour faire soupçonner qu’il peut y avoir de l’utile, & qu’il ne manque pour l’en retirer que des observations bien suivies. Hippocrate a recommandé & cultivé lui-même ce genre d’observations ; il marque soigneusement au commencement des épidémies, l’état du ciel tel qu’il le connoissoit, le lieu du soleil, la situation des pleïades, de l’arcture,