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* ALCIDON ; c’est le nom que les Fleuristes donnent à une des especes d’œillets piquetés. V. Œillet.

* ALCIS, nom sous lequel Minerve étoit adorée chez les Macédoniens.

* ALCMAER (Géog.) ville des Provinces-Unies dans le Kennemerland, partie de la Hollande septentrionale. Long. 22. 10. lat. 52. 28.

ALCMANIEN, adj. (Bell. Lett.) dans la poësie Latine, c’est une sorte de vers composé de deux dactyles & de deux trochées, comme celui-ci,

Virgini|bus pue|risque|canto. Horat.

Ce nom vient d’Alcman, ancien poëte Grec, estimé pour ses poësies lyriques & galantes dans lesquelles il employoit fréquemment cette mesure de vers. (G)

ALCOHOL. Voyez Alkool.

ALCORAN ou AL-CORAN, s. m. (Théol.) C’est le livre de la loi Mahométane, ou le livre des révélations prétendues & de la doctrine du faux Prophete Mahomet. Voyez Mahométisme.

Le mot alcoran est arabe, & signifie à la lettre livre ou collection, & la premiere de ces deux interprétations est la meilleure ; Mahomet ayant voulu qu’on appellât son alcoran le livre par excellence, à l’imitation des Juifs & des Chrétiens, qui nomment l’ancien & le nouveau Testament, l’Écriture, הכתוב, les livres, τά βίϐλια. Voyez Livre & Bible.

Les Musulmans appellent aussi l’alcoran, אלפרקאן, alforkan, du verbe פרק, pharaka, diviser ou distinguer, soit parce que ce livre marque la distinction entre ce qui est vrai ou faux, licite ou illicite, soit parce qu’il contient des divisions ou chapitres, ce qui est encore une imitation des Hébreux, qui donnent à différens livres le même nom de פרקים, perakim, c’est-à-dire, titres ou chapitres, comme פרקיאבות, chapitres des Peres. פרקיאליעזר, chapitres du R. Eliezer : enfin ils nomment encore leur alcoran alzeehr, avertissement ou souvenir, pour marquer que c’est un moyen d’entretenir les esprits des Croyans dans la connoissance de la loi, & de les y rappeller. Dans toutes les fausses religions, le mensonge a affecté de se donner les traits de la vérité.

L’opinion commune parmi nous sur l’origine de l’alcoran, est que Mahomet le composa avec le secours de Batyras hérétique Jacobite, de Sergius Moine Nestorien, & de quelques Juifs. M. d’Herbelot, dans sa Bibliotheque orientale, conjecture qu’après que les hérésies de Nestorius & d’Eutychès eurent été condamnées par des Conciles œcuméniques, plusieurs Evêques, Prêtres, Religieux & autres, s’étant retirés dans les deserts de l’Arabie & de l’Egypte, fournirent à cet imposteur des passages défigurés de l’Écriture-Sainte, & des dogmes mal conçus & mal réfléchis, qui s’altererent encore en passant par son imagination : ce qu’il est aisé de reconnoître par les dogmes de ces anciens hérétiques, dispersés dans l’alcoran. Les Juifs répandus dans l’Arabie n’y contribuerent pas moins ; aussi se vantent-ils que douze de leurs principaux Docteurs en ont été les auteurs. Quoiqu’on n’ait pas de certitude entiere sur le premier de ces sentimens, il paroît néanmoins plus probable que le second ; car comme il s’agissoit en donnant l’alcoran de tromper tout un peuple, le secret & le silence, quelque grossiers que pûssent être les Arabes, n’étoient-ils pas les voies les plus sûres pour accréditer la fraude ? & n’étoit-il pas à craindre que dans la multitude, il ne se rencontrât quelques esprits assez éclairés pour ne regarder pas comme inspiré un ouvrage auquel tant de mains auroient eu part ?

Mais les Musulmans croyent comme un article de foi, que leur Prophete, qu’ils disent avoir été un homme simple & sans lettres, n’a rien mis du sien dans ce livre, qu’il l’a reçû de Dieu par le mi-

nistere de l’Ange Gabriel, écrit sur un parchemin

fait de la peau du bélier qu’Abraham immola à la place de son fils Isaac, & qu’il ne lui fut communiqué que successivement verset à verset en différens tems & en différens lieux pendant le cours de 23 ans. C’est à la faveur de ces interruptions qu’ils prétendent justifier la confusion qui regne dans tout l’ouvrage, confusion qu’il est si impossible d’éclaircir, que leurs plus habiles Docteurs y ont travaillé vainement ; car Mahomet, ou si l’on veut son copiste, ayant ramassé pêle-mêle toutes ces prétendues révélations, il n’a plus été possible de retrouver dans quel ordre elles ont été envoyées du Ciel.

Ces vingt-trois ans que l’Ange a employées à apporter l’alcoran à Mahomet, sont, comme on voit, une merveilleuse ressource pour ses sectateurs : par-là ils sauvent une infinité de contradictions palpables qui se rencontrent dans leur loi. Ils les rejettent pieusement sur Dieu même, & disent que pendant ce long espace de tems il corrigea & réforma plusieurs des dogmes & des préceptes qu’il avoit précédemment envoyés à son Prophete.

Quant à ce que contient l’alcoran, ce que nous en allons dire avec ce qu’on trouvera au mot Mahometisme, suffira pour donner une idée juste & complete de la Religion Mahométane.

On peut rapporter en général toute sa doctrine aux points historiques & dogmatiques : les premiers avec quelques traces de vérité, sont mêlés d’une infinité de fables & d’absurdités : par exemple, on y lit qu’après le châtiment de la premiere postérité des enfans d’Adam, qu’on y nomme le plus ancien des Prophetes, Noé avoit réparé ce que les premiers avoient perdu ; qu’Abraham avoit succédé à ce second, Joseph au troisieme ; qu’un miracle avoit produit & conservé Moyse ; qu’enfin Saint Jean étoit venu prêcher l’Evangile ; que Jesus-Christ, conçu sans corruption dans le sein d’une Vierge, exemte des tentations du demon, créé du soufle de Dieu, & animé de son Saint Esprit, étoit venu l’établir, & que Mahomet l’avoit confirmé. En donnant ces éloges au Sauveur du Monde, que ce livre appelle le verbe, la vertu, l’ame & la force de Dieu, il nie pourtant sa génération éternelle & sa divinité, & mêle des fables extravagantes aux vérités saintes de notre Religion ; & rien n’est plus ordinaire que d’y trouver à côté d’une chose sensée les imaginations les plus ridicules.

Quant au dogme, les peines & les récompenses de la vie future étant un motif très-puissant pour animer ou retenir les hommes, & Mahomet ayant affaire à un peuple fort adonné aux plaisirs des sens, il a cru devoir borner la félicité éternelle à une facilité sans bornes de contenter leurs desirs à cet égard ; & les châtimens, principalement à la privation de ces plaisirs, accompagnée pourtant de quelques châtimens terribles, moins par leur durée que par leur rigueur.

En conséquence il enseigne dans l’alcoran qu’il y a sept Paradis ; & le livre d’Azar ajoûte que Mahomet les vit tous, monté sur l’alborak, animal de taille moyenne, entre celle de l’âne & celle du mulet. Que le premier est d’argent fin, le second d’or, le troisieme de pierres précieuses, où se trouve un Ange d’une main duquel à l’autre il y a soixante & dix mille journées, avec un livre qu’il lit toujours : le quatrieme est d’émeraudes ; le cinquieme de crystal ; le sixieme de couleur de feu : & le septieme est un jardin délicieux arrosé de fontaines & de rivieres de lait, de miel & de vin, avec divers arbres toûjours verds, dont les pepins se changent en des filles si belles & si douces, que si l’une d’elles avoit craché dans la mer, l’eau n’en auroit plus d’amertume. Il ajoûte que ce Paradis est gardé par des Anges, dont les uns ont la tête d’une vache, qui porte des cornes, les-