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épouse cherchai une indigne vengeance dans le sacrifice de son honneur abandonné à un misérable ? Perfide, il saura les projets ; il les saura, et je serai vengée.

STUKELY.

Allez le défier de ma part ; allez lui dire que j’aime sa femme, et qu’elle ne peut être à moi tant qu’elle appartiendra à son stupide époux : allez, et soyez veuve, afin que je puisse vous présenter mon hommage sans honte, et vous, l’accepter sans blâme.

MADAME BEVERLEY.

Le lâche ! le lâche ! il insulte mon Beverley ! il prononce son nom, et il ne frissonne pas ! Je vois ta frayeur ; je connais ta lâcheté ; mais je suis femme et faible ; mais j’aime mon époux, et malgré moi je m’effraye pour lui… Va, sors, sache te taire ; Je te le conseille pour toi-même… Qui est-ce ? (Lucy entre.) Monsieur, vous m’obligerez de sortir.

STUKELY.

Je serais fâché de vous déplaire plus longtemps. (Lucy et Stukely sortent.)

MADAME BEVERLEY.

Et il y a un ciel ! un Dieu ! un vengeur du crime ! un lieu destiné aux scélérats ! et la terre ne s’entr’ouvre pas ! Dieu ! tu veux qu’il soit abandonné à son propre cœur ; j’y consens : tu lui accordes du temps ; tu veux, avant que de consommer sa perte par l’endurcissement, qu’il puisse apaiser ta colère par son repentir. Je souscris à ta volonté. (Lucy rentre.)

Lucy, suivez-moi. Viens, mon enfant, viens entendre le malheur de ta pauvre maîtresse, et mêler tes larmes aux siennes. Viens ; mais sache et n’oublie pas que le bien et le mal viennent d’en haut ; que Dieu n’a pas détourné son regard de celui même qui souffre sans l’avoir mérité, qu’il frappe quelquefois avec le plus de violence sur celui qu’il aime le plus ; et que, soit qu’il afflige ou qu’il fasse prospérer, il récompense toujours.