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JARVIS.

Ma maîtresse a donc entendu ? J’en suis fâché !

BEVERLEY.

Jarvis, que vous voyez, s’est engagé à le satisfaire.

STUKELY.

Je ne le souffrirai pas. On n’a qu’à lui dire que je passerai.

JARVIS.

Sincèrement, monsieur ? Que Dieu soit loué et qu’il vous récompense.

BEVERLEY.

Généreux Stukely, ami comme il y en a peu ; si ton bonheur égalait ta vertu, bientôt la fortune n’aurait plus de torts.

STUKELY.

Vous me surfaites. Jarvis, allez à William. Il pourrait revenir et recommencer ses clameurs.

JARVIS.

Monsieur rentrera-t-il chez lui ? Il y a là des âmes qui se brisent en l’attendant. Daignera-t-il s’en ressouvenir ? (Il sort.)

BEVERLEY.

Je voudrais être mort.

STUKELY.

Ou reclus dans quelque cellule obscure et mélancolique, comptant entre tes doigts les grains d’un chapelet, couvert d’un drap mortuaire, gémissant et invoquant la miséricorde de Dieu pour les trépassés. Ah ! ah ! ah ! sois homme. Laisse à la vieillesse ou à la fièvre le soin de te dépêcher. Il faut voir si la fortune nous a tourné le dos ; il n’est pas dit que ce soit pour toujours.

BEVERLEY.

Nous en avons été trop maltraités.

STUKELY.

Il est vrai qu’elle a fait de son pis ; mais est-ce une raison de se tenir pour terrassés, et de rester les bras croisés ? Renvoyons le désespoir à ceux qui sont sans argent ; c’est leur lot. Si l’or brille, soyons gais. Enfants de la fortune, il est vrai que notre mère est folle ; mais parce qu’elle en use mal quelquefois avec nous, faut-il s’abandonner soi-même et se décourager ?