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n'a plus rien qui la touche. Un goût sombre pour la solitude est en tout ce qui lui reste. Constance n'est pas mieux traitée que moi. Si Rosalie nous cherche encore , c'est pour nous éviter l'un par l'autre ; et pour comble de malheur, ma sœur même ne parait plus s'intéresser à moi.

Dorval : Je reconnais bien là Clairville. Il s’inquiète, il se chagrine, et il touche au moment de son bonheur.

Clairville : Ah ! mon cher Dorval , vous ne le croyez pas. Voyez.

Dorval : Je ne vois dans toute la conduite de Rosalie que des inégalités auxquelles les femmes les mieux nées font le plus sujettes et qu'il est quelquefois si doux d'avoir à leur pardonner. Elles ont le sentiment si exquis; leur âme est si sensible ; leurs organes font si délicats, qu'un soupçon, un mot , une idée, suffit pour les alarmer. Mon ami, leur âme est semblable au cristal d'une onde pure et transparente où le spectateur tranquille de la Nature s'est peint. Si une feuille, en tombant, vient à en agiter la surface tous les objets sont vacillants.

Clairville affligé : Vous me consolez Dorval, je suis perdu. Je ne sens que trop que je ne peux vivre sans Rosalie ; mais quel que soit le sort qui m'attend, j'en veux être éclairci avant l'arrivée de son père.

Dorval :

En quoi puis-je vous servir ? 

Clairville : Il faut que vous parliez à Rosalie.

Dorval : Que je lui parle !

Clairville : Oui mon ami. Il n'y a que vous au monde qui puissiez me la rendre. L'estime qu'elle a pour vous me fait tout espérer.

Dorval : Clairville que me demandez-vous ? A peine Rosalie me connaît-elle ; et je suis si peu fait pour ces sortes de discussions.

Clairville :