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chercher ailleurs les conseils d’artistes étrangers, plus en renom. Polygnote avais été formé d’abord par son père Aglaophon 1[1], lequel instruisit aussi dans la peinture un autre de ses fils, Aristophon 2[2] : c’est peut-être de celui-ci qu’était fils un second Aglaophon, peintre également, qui vivait au Ve siècle 3[3]. Le premier maître de Parrhasios avait été son père Événor 4[4]. Pausias de Sicyone était l’élève de son père Bryès 5[5]. Nicomachos était l’élève de son père Aristide 6[6] ; à son tour il forma son frère Ariston et son fils Aristide 7[7], lequel fut le maître de ses deux fils, Ariston et Nikéros 8[8]. Des sculpteurs apparaissent dans des familles de peintres : Eumarès d’Athènes, le vieil enlumineur du Ve siècle, était le père du statuaire Anténor 9[9]. Panainos avait pour frère Phidias 10[10]. Polygnote, Micon. Euphranor, Protogène, Aelion, sont représentés comme ayant pratiqué la sculpture 11[11].

L’éducation d’un peintre coûtait cher, quand elle était dirigée par un étranger. Pamphilos ne se faisait pas payer moins d’un talent : telle est du moins la somme qu’il exigea d’Apelle et de Mélanthios 12[12]. Selon toute vraisemblance, c’était un forfait. Ce fut du reste un érudit que Pamphilos d’Amphipolis, et, par excellence, un professeur. Ses connaissances en littérature étaient très étendues ; il avait fait une étude approfondie de la science des nombres et de la géométrie, sans lesquelles il prétendait qu’il n’y a pas de peinture 13[13]. C’est grâce à lui que, à Sicyone d’abord, ensuite dans toute la Grèce, la peinture sur bois, proprement sur tablettes de buis (graphice in buxo, dit Pline), fut enseignée aux enfants libres 14[14]. Nous ne savons pas s’il avait écrit quelque traité concernant son art. Pour d’autres nous sommes mieux renseignés : Mélanthios avait laissé des conseils sur les proportions (praecepta symmetriarum). Euphranor un ouvrage sur les proportions et sur les couleurs 15[15]. Certains peintres avaient débuté par la philosophie Clisthénès et Ménédémos, qui ne semblent pas d’ailleurs avoir laissé de trace profonde dans l’art, sont cités parmi les disciples de Platon 16[16]. Enfin, n’oublions pas qu’Euripide avait été peintre dans sa jeunesse 17[17].

A côté de ces curieux, de ces savants, disciples des hommes les plus renommés parmi leurs contemporains, d’autres se formaient eux-mêmes. Protogène fut longtemps très pauvre, et les critiques anciens ne lui connaissent pas de maître. Une légende voulait que, jusqu’à l’âge de cinquante ans, il eût peint des navires 18[18]. Il n’en fut pas moins le grand artiste que l’on sait, et un théoricien habile : on avait de lui un traité sur la peinture et sur les formes (περί σχημάτων) en deux livres 19[19]. Un certain Erigonos, qui broyait les couleurs dans l’atelier de Néalkès, devint lui-même un peintre si éminent, qu’il forma un élève célèbre, Pasias 20[20].

Des femmes cultivèrent la peinture. Hélène, fille de Timon d’Égypte, avait peint la Bataille d’Issus, qu’on vit plus tard à Rome dans le temple de la Paix, sous Vespasien 21[21]. Néalkès de Sicyone avait appris la peinture à sa fille Anaxandra 22[22], etc. (cf. fig. 3653. 3656).


Les Grecs ont connu les concours de peinture. Peut-être l’habitude de signer les œuvres était-elle déjà courante à ce moment. Nous ignorons quand s’établit cet usage. L’Ilioupersis de Polygnote, à Delphes, portait une épigramme attribuée à Simonide qui commençait par ces mots : Γράφε Πολύγνωτοζ 23[23]. Plus tard, les peintres à l’encaustique signèrent leurs tableaux en employant la formule ό δείνα ένέκαυσε, dont Nicias le premier parait s’être servi 24[24]. En ce qui concerne les concours, ils avaient lieu dans les grands jeux de la Grèce ; du moins les plus anciens furent institués à Corinthe et à Delphes, et les premiers concurrents qui y prirent part furent Panainos et Timagoras de Chalcis. Panainos fut vaincu par son rival à Delphes 25[25]. Un concours plus célèbre est celui où Parrhasios l’emporta sur Zeuxis 26[26]. Vers le même temps, sans doute, il faut placer l’échec infligé dans l’île de Samos par Timanthe à Parrhasios, qui avait représenté les chefs achéens refusant à Ajax les armes d’Achille 27[27]. Il résulte des textes, notamment d’un texte d’Elien 28[28], que Timanthe avait traité le même sujet, ce qui ferait supposer que dans certains cas, sinon toujours, on donnait à développer un thème. C’est, semble-t-il, dans ces conditions que Timanthe encore et Colotès de Téos se trouvèrent concurrents, et que Timanthe fut déclaré vainqueur une seconde fois pour la façon pathétique dont il avait traduit la douleur d’Agamemnon dans le tableau du Sacrifice d’Iphigénie 29[29].

Quelques peintres se plaisaient à soumettre librement leurs œuvres au jugement du public. Ainsi faisait Apelle, et l’on connait l’histoire de ce cordonnier qui, passant devant un tableau exposé parle maître, critiqua la manière dont s’y trouvait rendue une chaussure. Apelle, caché près de là, entendit l’observation et corrigea son erreur ; mais le lendemain, le cordonnier s’étant permis de critiquer la jambe, il sortit de sa cachette et l’apostropha rudement. Quelle que soit la valeur de cette anecdote, c’est d’elle qu’est né le proverbe Ne sutor supra crepida 30[30].

Il était naturel qu’un art qui avait cette importance aux yeux du public, rapportàt à ceux qui le cultivaient. Et de fait, d’assez bonne heure nous constatons que la peinture coûte cher. Il est difficile de ne pas voir une exagération, ou quelque erreur d’interprétation, dans le témoignage de Pline affirmant que le roi Candaule avait payé son poids d’or le tableau de Boularchos qui représentait le Combat des Magnètes 31[31]. Mais il parait certain que Cimon de Cléonni, par les progrès qu’il fit faire à son art, lui donna plus de prix, et gagna avec sa peinture plus que ses devanciers n’avaient pu faire avec la leur 32[32]. Les fresques de Micon au Poecile lui furent payées, tandis que Polygnote, pour sa part dans la décoration du même portique, ne voulut rien recevoir 33[33]. Plus tard, nous voyons un véritable traité passé par le tyran d’Élatée. Mnason, avec Aristide : un Combat contre les Perses, commandé par le tyran, devra contenir cent figures, et chaque figure sera payée dix mines 34[34]. Un Attale achète cent talents un tableau du même peintre dont le sujet nous est inconnu 35[35]. Nicias refuse de vendre

  1. 1 Suid. s. v. Πολύγνωτος.
  2. 2 Plut. Gorg. p. 448 B ; Io. p. 532 E.
  3. 3 Overbeck, Schriftqu. N° 1130-1135.
  4. 4 Plin. Hist. nat. XXXV, 60 ; Harpocr. s. v. Παρράσιοζ.
  5. 5 Plin. Hist. nat. XXXV, 123.
  6. 6 Id. Ibid, 108.
  7. 7 Id. Ibid. 110.
  8. 8 Id. Ibid. 111.
  9. 9 Insc. att. I ; Supplem. 373 81 ; Collignon, Hist. de la sculpt. gr. I, p. 365 sq.
  10. 10 Paus. V, 11, 6 ; Plin. Hist. nat. XXXV, 54 et XXXVI, 177.
  11. 11 Plin. Hist. nat. XXXIV, 85 ; Paus. VI, 6, 11 ; Plin. Hist. nat. XXXV, 128 ; Id. Ibid. 106 ; Id. XXXIV ; Id, Ibid. 50.
  12. 12 Plut. Arat. 13 ; Plin. Hist. nat. XXXV, 76.
  13. 13 Plin. Ibid.
  14. 14 Id. Ibid.
  15. 15 Vitruv. VII, praef. 14 ; Plin. Hist. nat. XXXV, 129.
  16. 16 Diog, Laert. II, 125.
  17. 17 Suid. s. v. Ευριπίδηζ ; Vit. Eurip. Westermann, p. 134, 15.
  18. 18 Plin. Hist. nat. XXXV, 101.
  19. 19 Suid. s. v. Πρωτογένηζ.
  20. 20 Plin. Hist. nat. XXXV, 143.
  21. 21 Ptolem. Hephaest. ap. Phot. Bibl. p. 482.
  22. 22 Clem. Alex. Strom. IV, 124.
  23. 23 Paus. X, 27, 4 ; cf. Am. Hauvette, De l’authenticité des épigr. de Simonide, p. 137.
  24. 24 Plin. Hist. nat. XXXV, 28.
  25. 25 Id. Ibid. 58.
  26. 26 Id. Ibid. 65.
  27. 27 Id. Ibid. 71 ; Athen. XII, p. 543 E.
  28. 28 Var. hist. IX, 11 ; cf. Overbeck, Schriftqu. p. 329.
  29. 29 Quintil. II, 13, 13 ; Cic. Orat. XXII, 74 ; Valer. Maxim. VIII, II, text. 6 ; Eustath. ad Il. p. 1343, 60.
  30. 30 Plin. Hist. nat. XXXV, 54-85.
  31. 31 Id. Ibid. 55.
  32. 32 Aelian. Var. hist. VIII, 8.
  33. 33 Plin. Hist. nat. XXXV, 58.
  34. 34 Id. Ibid. 99.
  35. 35 Id. Ibid. 100.