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ou indépendantes, pilastres, entablements, etc., qu’on y voit prendre une importance de plus en plus grande, figurant autant de motifs qui semblent s’éloigner toujours davantage du fond, laisser entre eux et lui plus d’espace, plus d’air. En d’autres termes, ce qui d’abord avait tenté les peintres, c’était la richesse et la variété des matières dont étaient incrustées les parois. Maintenant ils sont plus ambitieux, ils veulent simuler par la couleur l’architecture intérieure des palais hellénistiques, les colonnades qui en supportent le plafond, les jours sur le dehors qui s’y ouvrent à une certaine hauteur. Ce style architectonique marque un pas décisif vers l’emploi des fausses perspectives comme élément essentiel du décor. Une dégénérescence fatale de ce style devait créer celui qu’on est convenu d’appeler le style ornemental, dans lequel les éléments architectoniques perdent leur réalisme, s’amincissent, se compliquent, se parent, empruntant leur parure à la faune et à la flore, reproduisant l’élégance grêle du métal, s’élançant en l’air pour ne rien soutenir, véritable architecture de réve, spirituelle et maniérée, avec un fond de bon sens qui trahit la Gréce 1[1].

Fig. 5660. – Cavalie (peinture de Paestum).


Un des grands mérites des peintures pompéiennes consiste dans les tableaux qui y sont répandus. Beaucoup de ces parois des intérieurs ont reçu, en dehors de leur décoration linéaire, des compositions qu’on a essayé de classer suivant leur tendance. Quel qu’en soit le sujet, scènes mythologiques, historiques, se rapportant à la vie de chaque jour, les unes sont traitées avec un certain idéalisme, les autres se rapprochent beaucoup plus de la nature 2[2]. Et si nous regardons aux sujets, rien n’est plus intéressant pour nous que leur variété. Certains grands tableaux de l’époque grecque, tels que le Sacrifice d’Iphigénie, Achille à Skyros, Persée délivrant Andromède, Hercule étouffant les serpents, etc., nous sont surtout connus par les imitations, les copies lointaines, les interprétations que nous en trouvons à Pompéi 3[3]. Tout un genre, le paysage, qui se développe si tardivement chez les anciens, est représenté, dans l’art pompéien, par d’innombrables spécimens, qui permettent d’en étudier de très près l’esprit. Il en est de méme de la caricature ; pour ne citer que quelques exemples, on connalt l’image


d’Enée sauvant son père Anchise 4[4], les Combats de Pygmées contre des grues ou des coqs 5[5], etc. Ces travestissements atteignaient la vie privée ; on en jugera par ce tableau (fig. 5661) de l’atelier d’un peintre (officina) devant lequel pose son modèle 6[6]. Et non seulement il y a là, au point de vue de l’art une source d’enseignements singulièrement féconde, mais au point de vue de l’histoire proprement dite, les peintures de Pompéi sont on ne peut plus instructives : elles reflètent tout un côté de l’esprit alexandrin, la mièvrerie, le sentimentalisme, le romanesque de cet esprit, son goût des petites gens, sa préférence pour les scènes familières de la vie, etc. 7[7]. C’est une mine inépuisable d’observations concernant la période hellénistique.

Les opinions ont beaucoup varié sur la technique des peintures pompéiennes. Voici, d’après le long et minutieux examen qu’en a fait O. Donner, les conclusions les plus probables : 1° l’immense majorité de ces peintures a été exécutée par le procédé de la fresque, et cette constatation s’applique aussi bien aux fonds, qu’aux ornements peints sur ces fonds, aux figures isolées, aux tableaux ; 2° les peintures à la colle et à la détrempe sont

Fig. 5661. — Caricature d’un atelier de peintre (Pompéi).


extrêmement rares à Pompéi ; 3° on n’y trouve pas trace d’encaustique 8[8].

IV. Peintres et amateurs de peinture. — La famille, l’éducation d’un certain nombre de peintres nous sont connues. Il existait des familles d’artistes, où la pratique de l’art se transmettait de génération en génération. C’est le père qui était le premier maître ; on allait ensuite

  1. 1. On peut citer, à titre de spécimen, les fig. 2525 et 2526 (domus).
  2. 2 Helbig, Unters. uber die Campan. Wundm. p.68 sq.
  3. 3 Helbig, Wandgem. 1304, 1297, 1183 sq., 1123.
  4. 4 Arch. Zeit. 1872, p.120 sq. ; Helbig, Unters. p. 28.
  5. 5 Helbig, Ibid. p. 69.
  6. 6. Mazois, Palais de Scaurus, p. 118. pl. VII ; O. Jahn, O. cit., pl. V, 6 et 62, p. 304 ; H. Blümner, Op. cit. IV, p.422, fig. 71.
  7. 7. Helbig, Unters. p. 122 sq.
  8. 8 O. Donner, en tête de Helbig, Wandgem. p. 1 sq. ; cf. Raoul Rochette, Choix de peint. de Pompéi (Pas, 1848) ; Niccolini, Le Case ed imonumenti di Pompéi (Naples, 1854 sq.) ; Helbig, Wandgem. Campan. avec préface de O. Donner, Die ant. Wandmalereien in techn. Besiehung (Leipzig, 1868) ; Helbig, Untersuch. über die Campan. Wandmalerei (Leipzig, 1873) ; Presuhn, Die pompeian. Wandecorationen (Leipzig, 1882) ; Mau, Pompéi. Beitraege, Berlin, 1879 ; Id. Gesch. der décor. Wandmalerei in Pompeji (Berlin, 1882) ; Id. Wandschrim und Bildtraeger in der Wandmalerei, dans Rom. Mittheil. 1902, p. 179 sq. ; E. Petersen, Ant. Architekturmalerei, ibid. 1903, p. 87 sq.