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Les fonds sur lesquels étaient exécutées les œuvres de la grande peinture étaient en général des fonds de bois. C’est sur des panneaux de bois (σανιδεζ) que Polygnote avait peint son Hioupersis du Poecile 1[1]. Les décors d’Agatharque paraissent de même avoir été exécutés sur bois. Au temps de Néron, l’usage existait sans doute depuis longtemps de peindre sur toile 2[2], et à la fin de l’Empire, cet usage devient courant 3[3].

C’est d’ailleurs une question qui a été longtemps débattue, que celle de savoir à quel moment précis les Grecs ont conçu et pratiqué le tableau indépendant, se suffisant à lui-même (πίναί, tabula) 4[4]. Il semble que d’assez bonne heure ils aient eu l’habitude de consacrer dans les temples des πίνακεζ votifs qui n’étaient autres que de petits tableaux peints : Aristote fait allusion à un de ces tableaux qui nous reporte vers le milieu du Ve siècle, et qu’on voyait sans doute dans le temple de Dionysos à Athènes : il représentait un chorège entouré de son chœur 5[5]. Ce qui parait certain, c’est que, du jour où la peinture cessa de servir uniquement à la décoration, le tableau indépendant fut de plus en plus en faveur. Ce moment parait coïncider avec le temps où florissaient Zeuxis et Parrhasios.

Les Grecs ont connu l’emploi du chevalet (όκσίβαζ) (fig. 5654, 5656, 5661) qui permet de placer, pour l’exécution, à la hauteur voulue les tableaux de dimension restreinte 6[6]. Le panneau tout préparé dans l’atelier de Pro-

Fig. 5651. – Tableau à volets.


togène, sur lequel Apelle trace une ligne si délicate, a bien l’air d’être posé sur un chevalet 7[7]. L’artiste, pour juger des effets produits, se reculait à quelque distance 8[8]. Les anciens ont également pratiqué le cadre probablement dès le IVe siècle av. J, -C. Un portrait sur bois, peint à la cire, trouvé dans un tombeau du Fayoum 9[9], est encadré dans quatre montants de bois munis intérieurement de deux rainures ; dans la première à partir du fond s’engage le bord, taillé en biseau, du chassis qui retient le portrait. Les peintures de Pompéi 10[10], quelques-unes aussi de celles qui ont été conservées a Rome 11[11], offrent des représentations de cadre ; on y trouve même le cadre à volets, c’est-à-dire garni de battants à


charnières qui pouvaient se rabattre sur le tableau pour le protéger (fig. 5651 et 5652).

On ne saurait dire si les Grecs ont connu la fresque telle que l’ont exécutée les modernes, c’est-à-dire le procédé d’après lequel on peint au pinceau de poils sur l’enduit encore frais d’une paroi (κονίαμα) 12[12]. Mais ils semblent, d’assez bonne heure, avoir pratiqué la détrempe, qui consiste à délayer les couleurs dans une substance qui les lie, et à les étendre sur une surface préparée
Fig. 5652. – Cadre à volets.
avec la même substance 13[13]. L’anecdote de Protogène figurant par hasard l’écume qui devait sortir de la gueule du chien d’Ialysos, en jetant de dépit sur son tableau une éponge imprégnée de différentes couleurs, peut être considérée comme un sérieux témoignage en faveur de cette conjecture 14[14]. Mais le procédé le plus usité pour les tableaux de petite dimension était l’encaustique. L’invention en était attribuée à Polygnote 15[15]. Il est probable qu’elle date de plus tard. Quelques-uns en faisaient honneur à Aristide 16[16]. C’est Pamphilos d’Amphipolis qui le premier s’illustra dans ce genre 17[17]. Le procédé consistait à liquéfier sur une palette en métal, préalablement chauffée, des pains de cire de différentes couleurs, puis étaler, à l’aide d’un pinceau, la cire ainsi fondue. Mais comme, en refroidissant, elle se figeait rapidement, on reprenait, avec un fer chauffé, les touches déposées, et on les liait soigneusement. C’était l’opération difficile par excellence, à laquelle on donnait le nom de καύσιζ. Les fers qui y étaient employés (καυτηρια) avaient des formes diverses. Un de ceux qui rendaient le plus de services, le κέστρον, se composait d’une tige terminée pur une spatule très propre à étaler les cires colorées et à en marier les différents tons. Ce qui fait le principal intérêt des portraits du Fayoum (fig. 3646), c’est que la plupart ont été peints à l’encaustique, et que, beaucoup mieux que ne peuvent le faire les textes, ils nous instruisent du détail de ce procédé 18[18]. La plupart, d’ailleurs, présentent un mélange de l’encaustique et de la détrempe : les visages, en général, y sont peints à l’encaustique à l’aide du κέστρον, quelquefois avec des reprises au pinceau ; les vêtements y sont, le plus souvent, exécutés a la détrempe 19[19].

Nous connaissons fort mal l’attirail d’un peintre grec. En dehors des καυτηρια, de l’éponge (σπογγιον) et du pinceau (γραφίζ, γραφείον, chez les Latins penicillus) 20[20], sur la nature duquel, comme on l’a vu plus haut, règne une grande incertitude, nous ne savons à peu près rien des instruments qu’il employait. Nous ignorons même s’il avait recours à la palette, du moins telle que nous la connaissons. Ce qui porterait à le croire, ce sont les représentations de palettes que contiennent quelques peintures gréco-romaines (fig. 3633) 21[21]. Ces palettes sont sans trou ; elles

  1. 1 Synes. Epist. 135.
  2. 2 Plin. Hist. nat. XXXV, 51 ; cf. Letronne, Lettres d’un antiquaire à un artiste, p. 495.
  3. 3 Boet. Arithm. Proepf.
  4. 4 Raoul Rochette, Peintures antiques inédites, Paris, 1836 ; Letronne, Op. cit. ; H. Blümner, Op. cit. IV, p. 430 sq.
  5. 5 Aristot. Polit. VIII, 6, p. 1341 a ; cf. R. Reisch, Griech. Weingeschenke, p. 118.
  6. 6 Poll. VII, 129 ; cf. Hauser, dans Jahreshefte de Vienne, 1905, p. 141.
  7. 7 Plin. Hist. nat. XXXV, 81 : Tabulam… in machina aptatam una custodiebat anus.
  8. 8 Eurip. Hec. 807.
  9. 9 Fl. Petrie, Hawara, Biahmu and Arsinoe, chap. vi.
  10. 10. Mus. Borbon. VII, 59 ; Zahn, Die schönste Ornam. II, 24, 53, 73 ; III, 68 ; Niccolïni, Case di Pomp. 1, 4, 5, 8 ; Terme stab. VIII ; Case di Cast. e. Poll. VI ; Ornati d. parete, I, 4, 5, 8 ; Dietrich, Pulcinella. p.162.
  11. 11 Voir domus, fig. 2516 ; Mon. d. Inst. XII, pl. V et IX ; Ann. d. Inst. 1877, pl. R-S.
  12. 12 La question de la fresque est encore une de celles qui ont soulevé de nombreuses discussions. Voir Letronne, Op. cit. p. 365 sq.
  13. 13 H. Blümner, Op. cit. IV, p. 4.
  14. 14 Plin. Hist. nat. XXXV, 102-103.
  15. 15 Ibid. 122.
  16. 16 Ibid.
  17. 17 Ibid. XXXV, 123.
  18. 18 Voir sur l’encaustique, O. Donner, Ueber Technisches in der Malerei der Alten, insbes. in deren Enkaustik (Munich, 1885) ; Jahrbuch d. Inst. Sez. rom. 1899, p. 131. ; Cros et Henry, L’encaustique et les autres procédés de peinture chez les anciens (Paris, 1884) ; H. Blümner, Op. cit. IV, p. 442 sq.
  19. 19 Richter et Von Ostini, Katal. zu Th. Graf’s Gal. ant. Portraeis. Vienne, 1903.
  20. 20 H. Blümner, Op. cit. IV, 425.
  21. 21 Ant. d’Ercolano, VII, I ; Mus. Borb. VII, 3 ; O. Jahn, Handwerk und Handelsverkehr, pl. v, 5 ; Helbig, Wandgemälde, n. 1444 (Atlas, pl. iv) ; cf. O. Donner, Die erhalt. ant. Wandmal. in technisch. Beziehung, p. cix, fig. 29.