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contraire, le sanglier qui pend à l’autre extrémité est peint en noir rougeâtre ; un noir plus franc souligne la hache et les cheveux du chasseur, ainsi que certaines parties de son costume, lequel admet aussi le rouge vineux et le jaune clair. Un champ à peine teinté d’ocre sert de fond à la figure. C’est déjà, malgré la médiocrité des ressources, une polychromie véritable. Les stèles

Fig. 5643 – Métope d’argile peinte (Thermos)


peintes, en marbre, et certaines plaques d’argile révèlent un art analogue. La stèle de Lyséas (fig. 3644) 1[1], celle d’Antiphanès 2[2], le gracieux portrait d’éphèbe trouvé aux environs du cap Sunium 3[3], la plaque d’argile provenant de l’Acropole et qui représente un combattant aux chairs coloriées en jaune foncé, d’un intérêt capital pour l’histoire de la peinture (fig. 5643) 4[4], le disque de marbre qui porte l’effigie du médecin Aineios (fig. 3965) 5[5], attestent l’emploi universel, dans la grande peinture, des silhouettes claires. Un peu avant l’époque à laquelle appartiennent les monuments que nous venons de citer, un sensible progrès avait été accompli : il consistait à peindre en blanc la chair des femmes, pour marquer plus nettement la différence entre elles et les hommes. C’était encore une technique égyptienne, dont on rapporte l’introduction en Grèce au peintre Eumarès d’Athènes, qui vivait dans la première moitié du VIe siècle 6[6].

Mais le grand rénovateur archaïque de la peinture est Cimon de Cléonai. Avec lui diminue d’importance le procédé du silhoueltage ; il observe directement la nature, et, vivant à une époque d’athlétisme, contemporain de Pisistrate et de la réorganisation des Panathénées, où les exercices du corps tiennent une si grande place, il étudie particulièrement le nu, imagine les raccourcis (κατάγραφά), marque les articulations, fait


saillir les reines, donne au cou plus de souplesse, à la tête plus d’expression ; en même temps, dans les figures drapées, il indique avec soin les plis de la draperie 7[7].

Le véritable essor de la peinture date du premier tiers du Ve siècle. Après la seconde guerre médique, Athènes devient la capitale intellectuelle de la Grèce : tous les arts y fleurissent, la peinture au premier rang. Polygnote, contemporain de Cimon, l’homme d’Etat 8[8], y perfectionne les inventions de Cimon de Cléonai, tout en y apportant sans doute la technique
Fig. 5644. – Stèle de marbre peint.
de l’école de Thasos, sa patrie, où semblent, comme dans les îles, en général, s’être conservées certaines pratiques de !a peinture mycénienne. Il reproduit dans le vêtement la transparence des étoffes, coiffe les figures de femmes de bandeaux multicolores ; surtout il varie l’expression des visages, ouvre les bouches, y laisse apercevoir les dents, marque sur les traits l’épouvante, la douleur 9[9]. En même temps, il peint de grands ensembles décoratifs, qui témoignent d’une audace et d’une habileté singulières dans la composition. Il exécute dans le portique de Peisianax, qui devient le Portique peint ou Poecile, une Ilioupersis 10[10]. En collaboration avec Micon, il orne de peintures l’intérieur du Théseion, ainsi que le sanctuaire des Dioscures 11[11]. Il travaille aussi pour d’autres villes qu’Athènes : A Delphes, il peint dans la Lesché des Cnidiens une Ilioupersis et une Nékya, que Pausanias, qui les vit encore intactes au IIe siècle de notre ère, décrit en détail 12[12]. Il représente, dans le temple d’Athéna Arcia à Platée. Ulysse de retour à Ithaque, au milieu des prétendants morts ou expirants 13[13]. Il exécute pour Thespies de grandes fresques décoratives dont le sujet nous est inconnu, et qui furent plus tard maladroitement restaurées par Pausias 14[14].

Micon et Panainos inaugurent la peinture d’histoire 15[15]. Ils peignent ensemble dans le Poecile la Bataille de Marathon 16[16]. Micon, dans le même portique, représente Thésée combattant les Amazones 17[17]. Il collabore à la décoration du Théseion en y reproduisant quelques-uns des exploits du héros national des Athéniens, notamment la Visite de Thésée à Amphitrite et à Poséidon 18[18]. Il contribue avec Polygnote à orner de tableaux le temple des Dioscures 19[19]. Au point de vue technique, on lui doit un usage plus libre et plus hardi des lignes de terrain servant à

  1. 1 Athen. Mitth. IV, pl. i.
  2. 2. Brueckner, Ornement und Form der att. Grabstelen, pl. i, n. 1 ; Conze, Att. Grabreliefs, pl. xiii.
  3. 3. Bull. de cor. hell. 1884, pl. xiv ; Gonze, Op. cit. pl. vi, 2.
  4. 4. Έφημ. άρχ. 1887, pl. vi.
  5. 5. Jahrb. 1897, pl i.
  6. 6. Plin. Hist. nat. XXXV, 56. La forme Eumaros, donnée par Pline, parait être inexacte. Le sculpteur Anténor, qui était fils de ce peintre, est désigné de la manière suivante dans une dédicace célèbre (Inscr. att. I, Supplem. 373, 91) : Άντήνωρ Εύμάρουζ.
  7. 7. Plin. Hist. nat. XXXV, 56 ; cf. Klein, Euphronios, 2e éd. p. 46 ; Studniczka, Jahrb. 1887, p. 156 sq. ; Holwerda, Ibid. 1890, p. 258 sq. ; P. Girard, Peint. ant. p. 141 sq. ; Hartwig, Meietersch. p. 154 et sq. ; E. Pottier, Le dessin par ombre portée, p. 385 sq. ; Catalog. vas. antiq. du Louvre, p. 583, 843.
  8. 8. Plut. Cim. 4.
  9. 9. Plin. Hist. nat. XXXV, 58 ; cf. Aristot. Polit. VIII, 5, 7 ; Id. Poet. 6 ; Aelian, Var. hist. IV, 3. Peut-être la grande peinture du vie siècle antérieur aux guerres médiques avait-elle déjà le souci des effets de ce genre (P. Girard, Le cratère d’Orvieto et les jeux de physionomie dans la céram. gr., Mon. gr. 1897, p. 10 sq.) ; Pottier, Catalog., p. 850, 1067, 1084.
  10. 10 Paus 1, 15, 2.
  11. 11 Harpoer, s. v. Πολύγνωτοζ.
  12. 12 Paus. X, 25-31 ; cf. C. Robert, Die Nekyia des Polygnot, Die Ilioupersis des Polygnot ; Schoene, Zu Polygnots Delph. Bildern (Jahrb. 1893, p. 187 sq.) ; Th. Schreiber, Die Nekyia des Polygnotos in Delphi (Gestschr. f, J. Overbeck, Leipzig, 1393, p. 184 sq.) : Weizsäcker, Polygnots Gemaelde in der Lesche der Knidier in Delphi, Stuttgart, 1895.
  13. 13 Paus. IX, 4, 2 ; P. Girard, Peint. antiq., p. 165.
  14. 14 Plin. Hist. nat. XXXV, 123.
  15. 15 A vrai dire, elle existait avant eux, mais à l’état d’exception. Cf. le tableau de Boularchos, mentionné plus haut, et celui de Mandroclés de Samos figurant le Passage du Bosphore par l’armée de Darius (Hérod. IV, 88).
  16. 16 Paus. I, 15, 3 ; cf. C. Robert, Die Marathonschlacht in der Poikile und weiteres über Polygnot.
  17. 17 Paus. I, 15, 2.
  18. 18 Id. I, 17, 2-3 ; cf. Eng. d’Eichthal et Th. Reinach, Poèmes choisis de Bacchylide, p. 60 sq.
  19. 19 Paus. I, 18, 1.