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tout secours nous fait défaut. Grâce aux stèles peintes, peu nombreuses et qui ont beaucoup souffert. mais qui nous reportent au Ve et même au VIe siècle av. J.-C. 1[1], grâce aux peintures décoratives que nous ont conservées les sépultures étrusques 2[2], grâce aux fresques de Pompéi, aux panneaux ornés de paysages ou de vues d’édifices, de scènes mythologiques ou familières, tels que cens qu’on a trouvés dans ces dernières années à Boscoreale 3[3], grâce aux portraits gréco-égyptiens du Fayoum 4[4], nous pouvons nous représenter, dans une certaine mesure, ce que fut la peinture en Grèce aux différentes époques de son développement.

A côté de ces monuments, qui sont de la peinture proprement dite, sinon de la grande peinture, il en est d’autres qui sont seulement apparentés à l’art du peintre, c’est-à-dire qui l’imitent, qui s’en inspirent, qui en reproduisent la composition et, en partie, la technique, mais librement : ce sont les innombrables spécimens de la céramique que possèdent aujourd’hui tous les grands musées, ainsi que les monuments qui ont plus ou moins d’affinité avec celte industrie, tels que les sarcophages de Clazomène 5[5], tels encore que ces tablettes votives fabriquées à Corinthe, si instructives dans leur état fragmentaire 6[6], ou la série peu riche, mais si importante, des plaques funéraires d’argile peinte 7[7]. Ces divers objets sont décorés suivant les procédés usités pour les vases, mais ils ont sur ceux-ci l’avantage d’offrir des surfaces planes, qui les rapprochent des œuvres de la grande peinture, celles notamment qui concouraient à l’ornementation de certains édifices. D’une manière générale, la céramique tout entière [figlinum opus, si l’on entend par ce mot l’industrie de l’argile, quels qu’en soient les produits, contribue à nous éclairer sur la peinture à proprement parler ; si les scènes qu’elle reproduit sont une source inépuisable d’enseignements pour la connaissance de la mythologie et des croyances et pour celle des mœurs, elles sont aussi « les documents les plus sûrs et les plus nombreux qui soient parvenus jusqu’à nous pour reconstituer l’histoire de la peinture en Grèce 8[8] ».

Il faut enfin, à ces sources monumentales, ajouter les nombreux textes qui se rapportent aux peintres ou à leurs œuvres. Pline l’Ancien, Pausanias, Lucien, Élien, Athénée, etc., nous ont laissé sur ce sujet de précieux témoignages, dont nous devons tenir grand compte 9[9]. On voit par ce rapide aperçu qu’il est possible de suppléer


à l’absence des originaux, et que, si nous nous trouvons, à l’égard de la peinture antique, dans une infériorité documentaire où nous ne sommes pas à l’égard des autres arts, il est faux de prétendre que nous n’avons aucun moyen de nous figurer ce qu’elle fut.

I. La peinture chez les Grecs. — L’histoire des arts en Grèce, ou, si l’on veut, dans le monde gréco-oriental, remonte, comme on sait, beaucoup plus haut aujourd’hui qu’il y a trente ans, par suite des découvertes retentissantes faites à Troie, à Santorin, à Tirynthe, à Mycènes, en Béotie, en Thessalie, en Crète, etc. Ces découvertes ont révélé l’existence d’une civilisation très brillante, à laquelle on ne sait encore quel nom donner. Faut-il l’appeler carienne, phénicienne, ou la désigner du non vague de mycénienne, en souvenir des fouilles qui en ont livré les premiers spécimens vraiment surprenants ? Doit-on la qualifier d’égéenne ou de crétoise, comme quelques archéologues l’ont proposé ? Nous n’avons pas ici à trancher la question. Ce qui parait certain, c’est que la race ou les races auxquelles il semble qu’on doive la rapporter, n’étaient pas grecques 10[10] ; du moins l’élément grec parait n’y avoir été mêlé que faiblement. Or ces peuples préhistoriques avaient une peinture, qui n’est assurément pas morte avec eux, mais qui est si différente de celle de l’époque proprement hellénique, qu’on doit la regarder plutôt comme une préface que comme la forme primitive d’un art qui se serait développé après elle, suivant les principes dont elle l’aurait pénétré. Quelques mots sur cette peinture que, faute de mieux, nous nommerons mycénienne, nous serviront d’introduction au tableau des étapes successives de la peinture grecque.

La peinture mycénienne. — Il se trouve que, par suite des fouilles récentes, nous possédons sur la peinture mycénienne des documents assez nombreux. La couleur, chez ces peuples d’une culture très avancée, jouait son rôle dans la décoration des édifices. On a découvert, dans une maison préhistorique de Santorin, les restes d’un enduit peint qui revêtait les parois intérieures et, semble-t-il, aussi le plafond ; un des motifs qui y figurent est cette fleur en volute au feuillage lancéolé, qui décore certains vases également trouvés dans l’Île 11[11]. A Mycènes, le palais était orné de peintures dont les unes paraissent avoir été des frises d’un effet purement décoratif (bandes parallèles semées de losanges, de lignes courbes ou

  1. 1. Cf. Loeschcke, Athen. Mittheil. 1879, p. 36 sq., 289 sq., pl. I et II ; Milchhoefer, Ibid. 1880, p. 164 sq., pl. VI ; Ibid. 1890, p. 353 ; Gurlitt, Bemalte Marmorplatten in Athen (Aufsätze E. Curtius gewidmet, Berlin, 1884, p. 151 sq.) ; E. Pottier, Bull. De corr. Hell. 1884, p. 459 sq. pl. XIV ; Conze, Att. Grabreliefs, Berlin, 1890 et années suiv. ; H. Dragendorff, Zwei altatt Malereien aus Marmort (Jahrb. 1897, p. 1 sq. pl. I et II).
  2. 2. Ant. Denkm. II, pl. XLI-XLIII, cf J. Martha, L’art étrusque, p. 421 sq.
  3. 3. Niccolini, Le case ed i monumenti di Pompei, Naples, 1854 et années suiv. ; Helbig, Wandgem. Campan. précédé de O. Donner, Die ant. Wandmalereien in techn. Beziehung, Leipzig, 1868 ; Helbig, Untersuch. über die campan. Wandmalerei, Leipzig, 1873 ; Presuhn, Die pompeian Wanddecorationen, Leipzig, 1882 ; Mau, Pompeji in Leben und Kunst. leipz., 1900 ; P. d’Amelio, Pompeji, Dipinti murali scelli, Naples, 1902 ; B. Odescalchi, Le pitture di Bosco Reale (Nuov. Antol. 16 mars 1901) ; F. Barnabei, La villa pompeiana di P. Fannio Sinistore scop. presso. Boscoreale, Rome, 1901, etc.
  4. 4. Graul, Die ant. Portraetgemaelde aus den Grabstaetten des Faijum, Leipz. 1888 ; Ebers, Eine Gallerie ant. Portraits, Berlin, 1869 ; Wilcken, Jahrb. 1889, Arch. Anzeig. p. 1 ; Catal. de la galerie de portraits antiques appartenant à M. Th. Graf, Bruxelles, 1889 (cf. l’éd. allemande, Vienne, 1903, et l’Album publié à Vienne par Th. Graf, sans date, sous ce titre : Portraits antiques de l’époque grecque en Égypte) ; El. Petric, Hawara, Biahmu and Arsinoe, Londres, 1889, chap. VI (par Cecil Smith) ; P. Hermann, Jahrb. 1892, Arch. Anzeig. p. 167 sq. ; Ebers, Ant. Portraits, die hellenist. Bildnisse aus dem Fajjum, Leipz., 1893 ; Ant. Denkm. II. pl. XIII, etc.
  5. 5. E. Pottier, Bull. de corr- hell. 1890, p. 376 sq. pl. II, et 1892, p. 340 sq. ; A. Joubin, Ibid. 1895, p. 69 sq. pl. I et II ; De Sarcoph. Clazom., 1901 ; S. Reinach, Rev. des ét. gr. 1895, p. 161 sq. (pl.) ; Kjellberg, Jahrb, 1904, p. 151 ; 1905, p. 188 ; Ant. Denkm. I, pl. XLIV-XLVI, et II, pl. XXV-XXVII ; E. Pottier, Catal. vases ant. du Louvre, 2e part. p. 495 (bibliogr.). p. 496 sq. etc.
  6. 6. Furtwängler, Vasensamml. im Antiq. zu Berlin, I, p. 47 sq. ; Ant. Denkm. I, pl. VII et VIII ; II, pl. XXIII, XXIV, XXIX, XXX, XXXIX, XL ; Pernice, Jahrb. 1897, p. 9 sq. ; E. Pottier, Catal. 1re part. p. 448.
  7. 7. . . 1887, pl. VI, et 1888, pl. XI ; Rayet et Collignon, Hist. de la Céram. gr. p. 148 sq. ; Collignon, Gaz. arch. 1888, p. 227 sq. pl. XXXI ; Ant. Denkm. II, pl. IX-XI.
  8. 8. E. Pottier, Catal. 1re part. p. 13 (A quoi sert un musée de vases ant.) ; cf. Ibid. p. 247 sq. ; Ibid. 2e part. p. 573 sq. (La peint. industrielle et la grande peinture) ; Doucis ch. I (Comment les dessins de vases représentent l’histoire de la peintre grecque).
  9. 9. Overbeck, Ant. Schrift. quellen zur Gesch. der bild. Künste bei den Griechen Leipzig, 1868 ; cf. Furtwängler, Plinius u. seine Quellen über d. bild. Künste (Jahrb. f. cl. Philol. IX, Suppl. p. 1 sq.) ; C. Robert, Philol. Untersuch. 1867, p. 83 et 121 ; Studniczka, Jahrb. 1887, p. 148 sq. ; Klein, Stud. zur griech. Malergesch. (Arch. epigr. Mitth. aus Oesterreich, XI, p. 193, et XII, p. 85) ; Holveerda, Jahrb. 1890, p. 255 sq. ; E. Bertrand, Études sur la peinture et la critique d’art dans l’antiquité, Paris, 1893, p. 223 sq. ; K. Jex-Blake - E. Sellers - H. L. Urlichs, Plin. Chapters on the hist. of art, Londres, 1896 ; A. Kalkmann, Die Quellen der Kunstgesch. des Plinius, Berlin, 1898.
  10. 10. E. Pottier, Catal. 1re part. p. 200 sq.
  11. 11. Perrot, Hist. de l’art, VI, p. 151 ; P. Girard, Peint. ant. p. 95 sq.