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nent comme une limite au pouvoir du dictateur la défense de sortir d'Italie. Mais ce fut un scrupule religieux dont se couvrit l'intérêt de la noblesse pour diminuer l'usage de la dictature à une époque où les plébéiens y étaient admis. Cela n'empêcha pas en 505 de Rome, ou 249 av. JC., pendant la première guerre punique, le dictateur Atilius Catalinus de conduire une armée extra Italiam ; ce qui fut mentionné comme un fait plutôt sans précédents qu'illégal.

La dictature ne finissait pas de plein droit par l'expiration du terme légal de six mois, fixé par la loi primitive de dictatore creando ; il obligeait seulement ce dictateur à abdiquer son imperium, sous peine d'être regardé comme aspirant à la tyrannie (crimen affectati regni) ; un tel fait eût donné lieu à l'application de la loi Valeria Publicola, qui consacrait aux dieux, avec sa fortune, celui qui tentait de s'emparer de la royauté (qui occupandi regni consilium inisset). Mais jamais on n'eut besoin de recourir à cette sanction, et les dictateurs abdiquèrent toujours avant la fin de leurs six mois d'exercice. Il nous reste à parler de la décadence de cette magistrature républicaine.

Après la fin de la lutte des deux ordres, c'est-à-dire après la loi Hortensia (467 de Rome ou 297 av. JC.), le besoin d'un dictateur rei gerendae ou seditionis sedendae causa ne se fit plus sentir. Au contraire, l'extension du domaine de la république paraissait devoir rendre plus nécessaire l'usage de la dictature belli gerendi causa ; mais le sénat évita ce moyen extrême par l'augmentation du nombre des préteurs, ou par la prorogatio imperii. Le dernier exemple de dictateur de ce genre se présenta en 538 de Rome après la bataille de Cannes, dans la personne de Junius Pera. Ainsi l'oligarchie nobiliaire laissa tomber cette institution qu'avait créée l'aristocratie patricienne.

Ce ne fut point la dictature républicaine que Sylla rétablit en 672 de Rome ou 82 av. JC., lorsqu'il se fit décerner par l'interrex Valerius Flaccus et confirmer par le peuple le titre de dictator reipublicae constituendae causa ; c'est-à-dire une autorité sans limite, qui devait durer jusqu'à l'achèvement de la constitution nouvelle. En outre cette loi lui donnait la juridiction criminelle sans appel ut quidquid L. C. Sylla fecisset, id ratura esset... ou ut dictator quem vellet, in dicta causa impune posset occidere. C'était véritablement un pouvoir nouveau, le type de l'imperatoria potestas, dans une ville où, depuis cent vingt ans, on n'avait pas vu de dictateur. Précédée par deux mois d'exécutions continuelles, la loi Valeria, outre la sanction des actes passés et futurs de Sylla, lui conférait nommément le droit de mettre à mort les citoyens sans jugement, de faire des lois, de fonder des colonies, de bâtir des villes et d'en détruire, de disposer des royaumes tributaires, de confisquer et de partager suivant son bon plaisir les propriétés publiques et particulières. Malgré cette dictature illimitée, les réformes de Sylla échouèrent complètement.

114 Dio, XXXVI. 17 ; XLU, ïl.

— 115 T. Liv. Epil. XIX : v. Lange, p. .153.

— 116 Pomp. fr. 1, ^ 18, Dig. I, 2, />'• orig. juris. : « huuc magistr.itum uoii er ;it fas ultra sextum iiK^usem retinere. »

— 117 V. sacratio capitis ; T. Liv. II, 9 ; Dion. V. 19 ; Hlul. Poplie. 11, lï : LangL-, p. 431 et 348.

— 118 T. Liv. 111,29 : IV. 47 ; VI, 20.

— 119 Lange, p. 553.

— 120 T. Liv. XXII, 57 ; XXIII, 14.

— 121 App. Bell. civ. 98 ; PIul. Sulla, 33.

— 122 Cie. De leg. aç/r. III, 2 ; De legib. I, 15 : Pro Sex. Rose. 43 ; App. Bell, civ. I, 10, 100 : Éd. Lahoulaye, Lois crim. p. 122 : Becker, p. 179 : Cic. Ad Attic. IX, IS : Mommseu, Slaalsrechl, II, 683 et s. ; Liiiige. III, 144 et les auteurs cités par Willems, p. 209, note 2.

— 123 Vell. Hat. II, 28.

— 124 MMmée, Études, sur Vhist. rom. Paris, 1833, p. 203 et s. ; Drunian, Rom. Oescli. II, p. 476 ; Moranisen, Rùm. Gesch. II, 9 et 33< ;.

— 125 V. Éd. Laboulaye. Lois crim. p. 337 et s. : Walter. n» 249/

— 126 App. Dell. cio. II, 48 ; Dio C :iss. XI. I, 36.

— 127 App. Il, 106 : Dio Cass.

Lorsque Jules César, maître de Rome, se fit décerner par un préteur le titre de dictateur, en 705 de Rome ou 49 av. JC., pour l'abandonner bientôt, et le reprendre ensuite pour dix ans en 708, et comme dictator perpetuus en 710, ce fut encore une dictature anormale et inconstitutionnelle, comme l'indique Cicéron. En d'autres termes elle n'avait rien de commun, ni quant au fond, ni quant à la forme, avec la dictature républicaine. Après l'assassinat de César, la dictature, devenue odieuse au peuple romain depuis l'usurpation de Sylla, fut abolie par une loi que proposa le consul Antoine, en 710 de Rome ou 44 av. JC. Mais bientôt le second triumvirat rétablit sous une autre forme (triumviri reipublicae constituendae) le pouvoir absolu (711 de Rome, 43 av. JC.). Plus tard, Auguste, pressé par le peuple d'accepter le titre de dictateur, le repoussa avec des marques d'aversion. Le principat, en réunissant dans ses mains la plupart des magistratures républicaines et surtout l'imperium proconsulare, lui permettait de se passer d'une dénomination impopulaire.

II. Dictateurs spéciaux

On peut donner ce nom aux dictateurs qui n'étaient appelés qu'en vue d'une mission particulière, indiquée par le sénatus-consulte, chargeant les consuls de dicere dictatorem. Ils étaient du reste désignés dans la même forme que les dictateurs rei gerendae causa ou belli gerendi causa. Seulement la loi curiate proposée par l'un d'eux de imperio suo ne contenait pas sans doute des pouvoirs aussi étendus que la lex optima, relative à un dictateur ordinaire. De là Lange conclut que leur mission admettait, depuis la loi Valeria Horatia de 305, la possibilité d'un appel au peuple ou provocatio, mais qu'en pratique elle était inutile, puisqu'en général on ne confia pas de juridiction à ces dictateurs spéciaux.

Ces dictateurs avaient des licteurs comme les autres. Leur autorité finissait par une abdication, ainsi que celle du dictateur rei gerendae causa.

L'étendue de leurs attributions dépendait de la teneur de la lex curiata de imperio suo, et du but en vue duquel ils étaient nommés. Du reste, leur imperium était unique et irresponsable, mais comme il était établi imminuto jure, s'ils avaient voulu l'appliquer à d'autres objets, les tribuns, par la menace d'une intercessio, ou d'une accusation pour excès de pouvoir, les auraient forcés d'abdiquer. Reprenons dans l'ordre alphabétique les différentes espèces de dictateurs spéciaux auxquels les textes donnent un nom technique, mais en observant que cette liste n'est pas restrictive, car le sénat pouvait ordonner la nomination d'un dictateur pour toute affaire spéciale, par exemple pour rappeler un consul qui, sans autorisation, était entré dans une province étrangère.

Le plus important des dictateurs spéciaux est le dictator belli gerendae causa ; il était primitivement nommé avec un pouvoir illimité, et en même temps rei gerendae causa,

XLIII,l4etXLIV, 5, s .Saet. Jul. 76.

— 128 Ad Allie IX, 15.

— 129 Lange, .l«ei-M. I, p. 334 et III. UO, 476, 2’ éd. ; Moramsen, De C. c. diotatm-is, daus li’ e. i, I, p. 451-*o3, et Willems, p. 269, note 7 ; Becker, Allertii. II. 2, p. 179.

— 130 Cic. PUlipp 1. I ; Dio C ;iss. XLIV, 51 ; LIV. 1 ; T. Liv. Epil. CVVI : Plut. Aiilon. S.

— 131 Waller, Gesch. a’ 231.

— 132 Suet. Ûct. 52.

— 133 Dio Cass. LIV, I.

— 134 Mais Vimpe7’ium ne leur était pas concédé pour six mois, Tit. Liv. XXIII, 23 ; Karlowa, p. 214 ; Mommsen, II, 133.

— 135 Festus, s. i : optima lex.

— 136 A lterlli. I, p. 551.

— 137 T. Liv. XXII, 23.

— 138 Festus, s. v. opiima lex ; T. Liv. XXII, 23.

— 139 T. Liv. VII, 3, 4 ; IX, 26 ; Karlowa, p. 214 : Mommsen, II, 153 ; Willems. notes 4 et 8.

— 140 T. Liv. XXX, 24.

— 141 Ou en voit un en 536 de Rome, présider les comices consulaires (T. Liv. XXIII, 21) ; mais en vertu d’une disposition spéciale.