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fût pas un des magistrats curules ordinaires [1], dans le sens que Tite-Live donne quelque part à cette expression. Une clause de la loi curiate autorisait le dictateur à monter à cheval, aescendere equum [2], sans doute comme symbole de l’autorité militaire des rois [3].

Le dictateur ordinaire était nommé rei gerendae causa ou seditionis sedandae causa, pour gérer les affaires de la République, et la loi qui lui conférait l’imperium était dite optima lex [4], à la différence des cas où il était nommé un dictateur pour un objet spécial (voyez la IIe partie de cet article). La durée normale de la dictature rei gerendae causa était de six mois, et l’on n’a pas d’exemple [5] qu’un dictateur ait violé la loi en prolongeant ses pouvoirs au-delà de ce terme. Le plus souvent même il abdiquait avant ce délai, et s’il fut prescrit à Camille de ne pas le faire nisi circumacto anno, cela doit s’entendre d’un cas où il avait pris ses pouvoirs au milieu de l’année [6]. On trouve cependant aux Fastes capitolins la mention de deux années 429 et 444 de Rome [7], où ne figure qu’un dictateur, mais il y a là sans doute un expédient pour couvrir une erreur chronologique. Quant aux dictatures de Sylla et de Jules César, elles furent en dehors de toutes les règles constitutionnelles [8]. La dictature finissait par une abdication, souvent anticipée [9].

Attributions. En principe, on peut dire que le dictateur exerçait, pour six mois, le pouvoir royal dans toute son étendue [10] ; mais il ne pouvait se désigner de successeur.

Ce n’est pas assez de dire avec Cicéron [11] qu’il avait les droits de deux consuls, car ses prérogatives étaient presque indéfinies, sauf en ce qui concerne l’aerarium ou trésor public, dont il ne pouvait disposer sans l’autorisation du sénat [12]. Le pouvoir du dictateur (potestas dictatoria) différait du proconsulat [13], en ce que celui-ci ne s’exerçait que dans la province fixée au proconsul ; en outre en ce qu’il ne résultait pas d’une prorogatio imperii et ne pouvait être prolongé. Du reste la dictature était une magistrature légitime, puisqu’elle reposait sur une loi curiate, et sur la loi primitive de dictatore creando, mais elle était extraordinaria. La comparaison de la dictature avec le consulat fournit l’occasion la plus naturelle d’analyser les attributions du dictateur : celui-ci différait du consul en trois points principaux, outre la durée de son pouvoir : 1° par son unité, 2° par son indépendance du sénat, et enfin 3° par son irresponsabilité.

1° A la différence de la plupart des magistratures romaines, la dictature, image de la royauté, n’admettait pas de par potestas, la présence d’un collègue, ni par conséquent la possibilité d’une intercessio ; ce qui enlevait une garantie considérable aux citoyens. C’est tout à fait exceptionnellement qu’à côté d’un dictateur en fonctions, on en nomma un autre pour une affaire spéciale [14]. L’imperium regium du dictateur ne comportait pas, en effet, une autorité égale. Bien plus, il n’admettait point la coexistence d’un imperium indépendant quoique inférieur. C’est

54. T. Liv. XXXIX, 39, 40 : Becker, p. 174, 175.

— 52 T. Liv. XXIII. 14 ; Zon. VII, 13 ; Plut. Fab. 4 ; Lange, p. 551.

— 53 Dionys. X, 24 ; Prop. III, 4, 8.

— 54 Festus, s. u. ; Lange, p. 549 ; Becker, II, 2, p. 163 et 164 ; Willems, p. 266.

— 55 Cic. De leg. III, 3 ; T. Liv. III, 29 ; IX, 34 ; XXIII, 23 ; Ponip. fr. 1, § 18, Dig. De orig. jur. I, 2 ; Dio Cass. XXXVI, 17 ; XLII, 21 ; Zon. VII, 13.

— 56. Liv. VI, 1.

— 57 Becker, p. 164 ; Lange, p. 549 ; Niebuhr, Gesch. III, p. 221 ; Mommsen, II, 152, note 1.

— 58 Dio Cass. XLII, 21.

— 59 T. Liv. III, 29 ; IV, 34, 47, etc.

— 60 Cic. De rep. II, 32 ; Dion. V, 73 ; Zouar. VII, 13 ; Appian. Bell. civ. I, 99 ; Karlowa, I, p. 213, 214 ; Madvig, I, 491

— 61 De leg. III, 3.

— 62 Zonar. VII, 13.

— 63 Lange, I, p. 544 et 545.

— 64 T. Liv. XXIII, 22, 23 ; Plut. Fab. 9.

— 65 T. Liv. II, 18 ; Dion. V, 70 ; Polyb, III, 87, 8 ; Cic. De leg. III, 3 . pourquoi tous les pouvoirs des autres magistrats, excepté le magister equitum et les tribuns de la plèbe, étaient suspendus, dès l'investiture du dictateur : il ne faut pas aller jusqu'à dire, comme on le fait généralement, que leur autorité était éteinte. Becker, dont l'opinion a été suivie par Lange, a très bien démontré que ce pouvoir était seulement à l'état latent, puisqu'il revivait de plein droit sans autre formalité après l'abdication du dictateur. Celui-ci pouvait même expressément ou tacitement maintenir en exercice les autres magistrats, mais alors ils étaient considérés comme ses subordonnés, plutôt que comme agissant pro magistratu. Ainsi, en présence du dictateur, le consul, même maintenu en fonctions, ne pouvait conserver ses insignes ; c'est donc à tort que Mommsen voit en lui le collega major des consuls. Mais l'histoire nous montre souvent le dictateur et les consuls conduire en même temps des armées distinctes, des recrues levées par le dictateur prêter serment au consul, in consulum verba jurare ; un consul appelé à tenir les comices pendant la dictature même nommer un second dictateur pour une affaire spéciale. Il arriva plus d'une fois que, pendant un seul consulat, un dictateur fut nommé après l'abdication du précédent.

2° En outre, la dictature se distinguait de l'autorité consulaire, en ce que la première était plus indépendante de l'influence du sénat. Les consuls en effet avaient besoin, dans certains cas, du concours d'un sénatus-consulte, par exemple pour procéder à une quaestio extraordinaria, pour porter la guerre dans telle contrée, etc. ; il n'en était pas de même du dictateur, qui n'avait besoin d'une permission que pour tirer des fonds du trésor. Cette restriction qui n'atteignait pas les magistrats ordinaires, les consuls, était de nature à servir de garantie au sénat contre l'abus de l'autorité royale du dictateur ; c'était en outre un moyen puissant de le maintenir in auctoritate senatus, en entente cordiale avec le conseil suprême de l'Etat.

3° Irresponsabilité. Cette question comporte deux chefs principaux : 1° l'absence de recours au peuple, provocatio, contre les arrêts du dictateur, et 2° la défense de l'accuser, après son abdication, à l'occasion des actes de son autorité. Ces deux privilèges séparent profondément la dictature du consulat ; mais la question de savoir s'ils ont été maintenus pendant toute la république est fort controversée. Voyons successivement ces deux points. Il est incontestable que, jusqu'à la loi Valeria Horatia, rendue en 305 de Rome ou 449 av. JC., le dictateur jouit même dans Rome d'un imperium merum ou jus gladii. C'était la conséquence logique de la nature et du but du pouvoir dictatorial, comme aussi des termes de la loi primitive de dictatore creando, qui n'admettait pas les restrictions apportées par la loi Valeria Publicolae de 215 de Rome ou 509 av. JC., au pouvoir des consuls. Aussi le dictateur conservait-il, dans l'enceinte même du pome-

— 66 Plut. Anton. 8 ; Quaest. rom. 81.

— 67 Becker, p. 164 et s.

— 68 p. 516 ; voy. aussi Mommsen, Hist. rom. trad. franc. II, p. 14.

— 69 T. Liv. XXII, 31 ; Appian. Bell. Annib. 16.

— 70 T. Liv. VIII, 32 ; XXX, 24.

— 71 T. Liv. XXII, 31 ; Plut. Fab. 4 ; cf. Mommsen, II, 145-148 ; Willems, p. 267 ; Karlowa, p. 213.

— 72 T. Liv. II, 30 ; VIII, 29. Le dictateur avait le commandement supérieur.

— 73 T. Liv. II, 33.

— 74 T. Liv. XXIX, 23.

— 75 T. Liv. XXIII, 22.

— 76 T. Liv. VI, 38 ; IX, 7.

— 77 Éd. Laboulaye, Lois enim. p. 122.

— 78 Polyb. III, 87, 8.

— 79 Zonar. VII, 13 ; T. Liv. XXII, 23 ; Polyb. VI, 13, 2, 8.

— 80 T. Liv. II, 18 ; III, 20 ; Zonaras, VII, 13, 19 ; Dionys. V, 70 ; Cic. De legib. III, 3 ; J. Lyd. De mag. I, 36, 37 ; Pomp. De orig. Juris. fr. 1, § 18, Dig. I, 2.

— 81 Lange, p. 547 ; Becker, p. 167 ; Karlowa, I, p. 214.

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