Page:Dictionnaire de spiritualité, tome 1, Aa-Byzance, 1937.djvu/163

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’âme fidèle qui peut et doit, quel que soit son degré de sainteté, progresser jusqu’au bout de son temps d’épreuve.

Sur deux points seulement se manifestent des divergenees, et à leur sujet il est intéressant de déceler dans les théologiens antérieurs à Suarez, puis de suivre après lui le courant de sa pensée.

Le premier point concerne le mode d’accroissement de la grâce et des vertus.

Le second, l’instant où se produit cet accroissement, dans le cas où il est mérité par des actes de ferveur moindre.

Sur le mode d’accroissement, la doctrine suarézienne se présente expressément comme une conciliation de points de vue divers.

Le progrès de la charité dans une âme est à la fois : acquisition d’un degré nouveau réel et distinct, bien qu’en continuité de la charité déjà possédée (additio) ; emprise plus forte d’un même mouvement de charité sur l’âme ou la volonté qui en est le sujet (radica.io major) ; actuation plus parfaite des aptitudes obédientielles de l’ame ; réduction nouvelle de ses possibilités sous l’action élevante de Dieu (eductio nova formae) ; telle est (section 3, nº 3) la conclusion de sa 46ª Dispute Métaphysique, où, comme de coutume, « s’entend toute l’école ».

Au temps de saint Thomas, on était fort occupé de ce problème plus philosophique que théologique de l’accroissement des vertus et des habitus. Trois solutions principales s’opposaient (saint Bona venture en compte jusqu’à six : In 2, d. 14, a. 2, q. 2) : cesse, assez grossière d’une série de formes de plus en plus parfaites se succédant dans le même sujet, comme de vues de plus en plus mettes on représentant ´un tableau de plus en plus achevé se succédant sur un même écran ; celle d’une prise de possession plus entière du sujet, par recul et disparition progressive des obstacles et des tendances contraires ;. celle enfin d’addition proprement dite de nouveaux degrés.

C’est vers cette dernière qu’incline saint Bonaventure (1, d. 17, pars 2ª, art. unic., q. 2), c’est à elle que s’arrête Scot (1, d. 17, qq. 4 et 5) après discussion longue, subtile et serrée dont on perçoit chez Suarez les échos.

Saint Thomas insiste sur l’unité de la forme et du sujet. C’est moins la vertu qui grandit que le sujet vertueux qui croit en vertu, en qui la vertu se trouve affermie et mieux enracinée, ce qui du reste ne peut avoir lien sans un acoroissement réel et intrinsèque de la vertu même. Ceux qui ont imaginé un enracinement meilleur dans le sujet d’une vertu demeurant inchangée et c’est pourtant ce que Scot (1, d. 17, q. 5, nº 2) semble prêter à saint Thomas lui-même-n’ont pas su ce qu’ils disaient, entendez : n’ont rien compris à la doctrine de l’acte et de la puissance, ni à ce qu’est une forme dans un sujet. N’était-ce pas justifier par avance, en la motivant, la conclusion conciliante de Suarez ? - Depuis, les auteurs qui traitent en passant cette question un peu démodée, après avoir proposé les deux formules : per majorem radicationem et per additionem graduum, comme respectivement caractéristiques des positions thomistes et suaréziennes, choisissent suivant leurs préférences habituelles ; ou, plus sagement,