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1939
1940
SYRIE


Dictionnaire de géographie universelle, Paris, 18791895, art. Syrie. !

IV. Histoire. — L’histoire du pays que nous venons de décrire répond à sa constitution physique et à sa situation. L’ossature des montagnes le morcelle en bassins isolés, où de petits peuples ont vécu en de perpétuelles hostilités les uns contre les autres, ne faisant trêve à leurs luttes que sous le joug d’un maître étranger, contre lequel ils n’ont pas su s’unir, ne vivant d’une vie personnelle que dans l’intervalle des conquêtes qui les ont asservis. S’ils se liguent parfois ensemble, c’est pour se jeter dans les bras d’un ennemi, en voulant échapper à un autre. Les vieilles tribus araméennes forment dans les plaines qui avoisinent l’Euphrate des hordes turbulentes, contre lesquelles les conquérants assyriens auront souvent à lutter. Les Phéniciens se sont cantonnés entre le Liban et la mer. Après les peuplades chananéennes, les Israélites se sont enfermés dans les collines et les plaines au-dessous du Liban, dans le bassin du Jourdain. À l’est de l’Anti-Liban, Damas s’est étendue jusqu’aux confins du désert. Iduméens, Moabites, Ammonites, Amorrhéens, Héthéens ont occupé des lambeaux du pays et évolué dans la même orbite. À ce morcellement des peuples s’ajoute pour la Syrie un autre désavantage, sa situation, qui en fait comme le carrefour où la plupart des races militaires de l’ancien monde se sont choquées violemment. Resserrée entre la mer et le désert, elle offre aux armées la seule route facile pour passer d’Afrique en Asie, des bords du Nil aux rives de l’Euphrate et du Tigre. Elle est donc de ces régions qui sont vouées à la domination étrangère ; aussi subira-t-elle tour à tour le joug des puissantes nations qui l’entourent, Chaldée, Assyrie, Egypte, Perse, en attendant que les empires d’Occident s’en emparent. Son histoire n’est autre chose que le récit de ses luttes intestines et de ses servitudes successives. Nous la résumons à grands traits, en nous tenant spécialement aux Araméens-Syriens.

D’où sont venus les Araméens ? C’est encore une question discutée. Amos, IX, 7, les fait venir de Qîr, mais la situation précise de cette région n’est pas déterminée. Voir Cyrène 1, t. ii, col. 1176. On se demande même s’il ne faudrait pas plutôt lire ici Qêdâr. Cf. A. van Hoonacker, Les douze petits Prophètes, Paris, 1908, p. 212, 280. En tout cas, nous les trouvons assez haut dans l’histoire.

1° Premières conquêtes chaldéennes et égyptiennes.

— Les découvertes d’El-Amarna nous font nécessairement remonter à une longue suprématie de l’antique Chaldée sur la Syrie : la langue employée et l’état de choses décrit rendent manifeste l’influence prépondérante de Babylone sur les peuples situés entre l’Euphrate et la Méditerranée. Cf. M. Jastrow, On Palestine and Assyria in the days of Joshua, dans la Zeitschrift fur Assyriologie, Berlin, t. vii, 1892, p. 17 ; A. H. Sayce, Patriarchal Palestine, Londres, 1895, p. 55 sq. Aussi loin, en effet, que nous pouvons remonter dans l’histoire, nous trouvons la Syrie beaucoup plus dans l’orbite de l’empire chaldéen que dans celui de l’Egypte. Sargon d’Agadé et Naram-Sin s’attribuent la domination de l’Occident ; ils régnaient ainsi de l’Élam à la Méditerranée. Cf. Zimmern.-Winckler, Die Keilinschriften und das Alte Testament, Berlin, 1A02, p. 15. Un roi d’Élam, Kudur-Mabug, prend dans ses inscriptions le titre de « prince du pays d’Occident », et l’on sait que Chodorlahomor ou Kudur-Lagamar eut aussi la suzeraineté sur ces contrées, qui restèrent longtemps vassales de Babylone ou de Suse, suivant la prédominance de l’Élam ou de la Chaldée. Voir Chodorlahomor, t. ii, col. 711 ; Élah 8, t. ii, col. 1630. Cependant l’influence babylonienne, autant qu’on en peut juger, fut très intermittente. De son côté, l’Egypte, après avoir rejeté les Hyksôs, et alors que Babylone ne

pouvait plus soutenir sa domination séculaire, prit le chemin des régions syriennes, dont elle convoitait les richesses. De là les conquêtes de Thothmès III, d’Aménothès II, Séti I er, etc. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, t. ii, p. 255265, 291-292, 370-372 ; J. H. Breasted, Ancient Records ofEgypt, Chicago, 1906, t. il. À l’époque où les tablettes d’EI-Amarna ont été écrites, l’Egypte était maîtresse du pays, ayant imposé sa tutelle à tous les petits rois, depuis les Héthéens jusqu’aux Chananéens. Cependant les Héthéens qui, débordant de l’Asie Mineure, étaient venus s’installer dans le nord, provoquèrent parmi les indigènes un mouvement qui finit par rendre à la contrée une certaine indépendance. En même temps les Hébreux, secouant le joug égyptien, venaient s’établir en Chanaan. La décadence de l’Egypte et de la Babylonie avait permis ces événements.

2° Conquêtes assyriennes. — Mais bientôt l’Assyrie allait jeter les yeux du côté de l’occident. Déjà les rois Enlil-nirari (vers 1370-1345), Arik-dén-ili (vers 13451320), et Adad-nirari I « - (1320-1290) avaient eu à défendre leurs frontières contre des bandes araméennes, entre autres les Ahlamu. Cf. Inscription d’Adadnirari I er, dans Budge et King, Annals of the hings of Assyria, Londres, 1902, t. i, p. 4 sq. Téglathphalasarl er (vers 1115-1100) marcha lui aussi contre « les Ahlamu du pays d’Aram », mais ce fut pour aller plus loin et pousser sa conquête jusqu’aux pays de Hattu et d’Aniurru. Cylindre, col. v, 46 ; vi, 39-45 ; Obélisque brisé, iv, 39. L’Assyrie mettait ainsi la main sur des peuples qui avaient été auparavant sous la domination égyptienne ou héthéenne. Cependant, elle n’étendait pas encore son empire sur la Cœlé- Syrie, Damas et la terre de Chanaan, et les royaumes araméens de Soba, de Damas et de Befh-Rohob, en face des Héthéens affaiblis, consolidaient leur indépendance. Le roi avait même poussé trop loin ses conquêtes ; ses successeurs ne surent pas les maintenir. Sous ASur-rabi, les Araméens réussirent à reprendre la ville de Pitru, sur le Sagura, une des branches de l’Euphrate à l’ouest, et celle de Mutkinu, sur la rive opposée du fleuve. Salmanasar II s’en emparera de nouveau. Cf. Monolithe de Salmanasar II, col. ii, 36-38, dans Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, Berlin, 1889, t. i, p. 162165. Aëur-nasir-abal (884-860) entreprit, lui aussi, une campagne au pays de Hattu et la poussa jusqu’au Liban, recevant les tributs de Sangar, roi des Héthéens, de Lubarna, roi du pays de Patin, et, après avoir franchi l’Oronte, conquérant les villes du Luhuti, au-dessous de Hamath, sur la rive gauche du fleuve. Il vit ensuite les rois de la côte, de Tyr, Sidon, Byblos (Gutal-ai), etc., lui apporter leurs présents. Cf. Annales, col. iii, 65-92, dans E. Schrader, Keilinschr. Bibliothek 1. 1, p. 106-111.

Il n’est pas question dans cette marche triomphale des royaumes araméens situés à l’est de l’Anti-Liban. C’est que Damas prenait une importance de plus en plus grande. Un siècle auparavant, Razon, Bis d’Éliada, s’y était établi roi et rival d’Adarézer, prince de Soba ; il fut un des principaux adversaires de Salomon. III Reg., XI, 23-25. Les Araméens de Damas profitèrent aussi du schisme qui suivit la mort de Salomon pour se fortifier et consacrer leur indépendance ; leur appui fut recherché des deux royaumes d’Israël et de Juda. C’est ainsi qu’Asa réclama l’alliance de Bénadad contre Baasa, et le roi de Syrie vint ravager les contrées septentrionales d’Israël. III Reg., xv, 18-20 ; II Par., xvi, 2-4. Pour tous les détails de ces guerres entre Damas et les Hébreux, voir Damas, III, Histoire, t. ii, col. 1224. Celait Adad-idri (Bénadad II selon certains auteurs), qui régnait à Damas lorsque Salmanasar II (860-825) fit sa grande expédition en Syrie. Le monarque assyrien eut en face de lui une coalition de douze rois,