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SYRIE


n. description. — Pour mieux marquer les rapports qui existent entre la géographie et l’histoire, nous prenons ici la Syrie dans toute son étendue, laissant de côté VA ram-naharaîm ou la Mésopotamie et le territoire de certaines tribus araméennes enclavé dans la Babylonie.

1° La Syrie est constituée d’abord par la longue chaîne de montagnes qui, de l’Amanus aux collines méridionales de la Palestine, descend directement du nord au sud, parallèlement à la côte méditerranéenne. Elle comprend ensuite les plateaux et les plaines qui s’étendent à l’est, s’élargissant vers le nord pour suivre la courbe de l’Euphrate, se rétrécissant vers le sud pour éviter le désert. On peut distinguer dans la chaîne un noyau central, dont les massifs du nord et du midi ne sont que les prolongements. Ce noyau, c’est le Liban, avec la ligne parallèle de l’Antiliban, dont les hauts sommets dépassent tous ceux de la Syrie. Voir Liban, t. iv, col. 227 ; Anti-Liban, t. i, col. 664. Le Liban projette ses racines, au sud, dans les collines de Galilée, on peut dire même jusque dans l’arête montagneuse de la Palestine, au nord, dans le Djebel Ansariéh. L’Amanus, aujourd’hui Akma-Ddgh ou Elma-Ddgh, qui couvre la frontière septentrionale, appartient plutôt au système du Taurus, dont il est un contrefort avancé. Cette longue chaîne montagneuse descend en pentes plus ou moins raides vers le littoral, où il ne reste souvent qu’une étroite bande de terre, excepté vers le midi où la plaine s’élargit à mesure que la côte s’infléchit à l’ouest. Du golfe d’Alexandrette à Beyrouth, plusieurs pointes de terre, le Râsél-Khanzir, le Rds el-Bazit, le Rds Ibn-Hdni, le Rds esch-Schuka, laissent entre elles des baies assez profondes et abritent des villes comme Lataqiyéh, l’ancienne Laodicée, Tarabulus ou Tripoli. De Beyrouth au Carmel, la côte n’offre plus guère que quelques dents de scie, avec les ruines des villes phéniciennes, Sidon et Tyr, et la vieille cité d"Akka ou Saint-Jean-d’Acre. Mais, à partir du Carmel jusqu’à Gaza et la frontière égyptienne, les sinuosités s’effacent et l’on ne trouve plus que quelques criques ensablées. Ce rivage oriental de la Méditerranée a eu un rôle très important dans l’histoire du monde ancien. Voir Méditerranée (Mer), t. iv, col. 927 ; Phénicie, col. 228.

La chaîne bordière ne s’ouvre que pour livrer passage à certains fleuves qui viennent se perdre dans la Méditerranée, le Nahr el-Asi, ou Oronte, le Nahr el-Kebir, le Nahr el-Qasimiyéh, le Nahr el-Muqatta ou Cison. Le premier et le troisième de ces fleuves font partie d’un système hydrographique tout à fait remarquable. Quatre grands cours d’eau prennent naissance à peu près au même point pour s’en aller ensuite dans des directions absolument opposées, de manière à former la croix. Deux d’entre eux ont leur source près de Baalbek dans la plaine de Ccelé-Syrie. L’Oronte coule directement au nord, dans un lit profond, forme, en amont de Homs, un vaste lac, s’étale plus bas, au-dessous de Hamath, en marécages riverains, puis, contournant les contreforts du Casius, vient, par un brusque détour au sud-ouest, se jeter dans la mer. Le Nahr el-Leitani, qui prend ensuite le nom de Nahr el-Qasimiyéh, descend d’abord dans la direction du sud-ouest, longeant le flanc oriental du Liban, puis tourne à angle droit vers l’ouest pour atteindre son embouchure. Le Jourdain sort des flancs de l’Hermon et se précipite au sud vers la mer Morte, traçant son cours sinueux dans la longue et profonde vallée qui constitue un des traits caractéristiques de la Palestine. Voir Jourdain, t. iii, col. 1704. Enfin d’une des hautes crêtes de l’Anti-Liban s’échappe le Barada, le fleuve de Damas, qui, après avoir traversé la montagne, où ses eaux mugissent entre les parois des rochers, débouche dans la plaine et, se dirigeant vers l’est, va se perdre dans un grand

lac. Voir Abana, t. i, col. 13. On pourrait ajouter à cette dernière branche l’autre fleuve de Damas, le Nahr el-Auadj, qui, des pentes orientales de l’Hermon, s’en va, vers l’est, se jeter dans un lac marécageux. Voir PharphaR, col. 219.

Entre le cours inférieur de l’Oronte, l’Amanus et l’Euphrate, la région septentrionale de la Syrie, dont Alep est le centre, est un plateau généralement inculte et d’une certaine élévation. Cette élévation, de 330 à 380 mètres au-dessus du niveau de la mer, est cependant loin d’égaler celle des hautes plaines qui s’étendent plus bas, à l’orient du Jourdain. Damas est à 696 mètres d’altitude ; la hauteur moyenne des plaines du Hauran est de 500 à 600 mètres, celle des plateaux de Galaad et de Moab est encore supérieure. Entre le Liban et l’Anti-Liban, s’étend la grande vallée de Cœlé-Syrie, qui, après avoir suivi la direction nord-est sud-ouest se rattache ensuite à la grande faille de la vallée du Jourdain et de l’Arabah. Enfin, au-dessous de Damas, le pays est fermé par la chaîne volcanique des montagnes du Hauran et du Safa. Voir Palestine, 2, Région transjordane, t. iv, col. 1998.

2° Le climat de la Syrie diffère selon les latitudes, dont l’écart est sensible, et selon la division naturelle du terrain en pays bas et pays haut, plaines et montagnes. Pendant l’hiver, la chaîne de montagnes se couvre de neige, les terres inférieures n’en ont pas ou ne la gardent qu’un instant. On trouve en général un climat chaud sur la côte et les plateaux intérieurs, un climat tempéré dans la montagne ; sous ce dernier, l’ordre des saisons est presque le même qu’au centre de la France. Dans les plaines, l’été est souvent accablant, mais l’hiver est si doux que les orangers, les dattiers, les bananiers et autres arbres délicats croissent en pleine terre. Cependant l’hiver est plus rigoureux dans les parties du nord et à l’est des montagnes. On peut dire, en résumé, que la Syrie réunit sous un même ciel, et à de très petites distances, des climats différents : si les chaleurs de juillet incommodent sur la côte, il suffit de quelques heures pour trouver dans la montagne la fraîcheur de mars ou avril. Aussi les poètes arabes disent-ils que le Sannin, un des sommets du Liban, porte l’hiver sur sa tête, le printemps sur ses épaules, l’automne dans son sein, pendant que l’été dort à ses pieds. On comprend dès lors que la Syrie, avec un travail constant et intelligent, pourrait produire les richesses végétales des contrées les plus éloignées. A côté de parties incultes, elle en a aussi qui sont d’une extrême fertilité. Damas est entourée dejardinsoùl’on trouve tous les arbres fruitiers de l’Europe, dont les produits sont d’excellente qualité. Les plaines de l’Oronte donnent du froment, de l’orge, du dourah, du sésame et du coton ; celles du Hauran sont regardées comme le grenier de la Syrie. Sur les coteaux où s’étage la ville de Beyrouth, croissent des mûriers, des amandiers, des chênes verts, des figuiers, des oliviers, des lilas de Perse, des cyprès et quelques palmiers ; les figues ne le cèdent en rien à celles de la Provence et de la Calabre. Les montagnes, autrefois surtout, fournissaient un bois excellent. Les pâturages sont encore abandonnés aux troupeaux des nomades. — Pour la description complète du pays, on peut voir en particulier : E. Sachau, Reise in Syrien und Mesopotamien, Leipzig, 1883, avec cartes ; Elisée Reclus, L’Asie antérieure, Paris, 1884, p. 685-825 ; M. Blanckenhorn, Grundzûge der Géologie und physikalischen Géographie von Nordsyrien, Berlin, 1891 ; M. Hartmann, Beitrâge zur Kenntniss der Syrischen Steppe, dans Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xxii, 1899, p. 127-149, 153-177 ; t. xxiii, 1900, p. 1-77, 97-158, sans compter les nombreux ouvrages sur le Liban, Damas et la Palestine. Pour la population actuelle et la division territoriale, cf. Vivien de Saint-Martin,