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encore la limile entre l’Egypte et la Syrie. « Sibu s’enfuit comme un berger à qui on a dérobé son troupeau. » Annales, lig. 27-31 ; Fastes, lig. 25-26, dans Winckler, loc. cit., p. 6-7, 100-101. Sargon ne profita pas de l’avantage et s’arrêla au seuil de l’Egypte. Plus tard, il se vantera d’avoir étendu ses limites jusqu’au nahal Musri ou « Torrent d’Egypte ». Inscription des Barils, lig. 13, dans Place, Ninive et l’Assyrie, 1870, t. ii, p. 292.

Désormais il n’est plus question de Sibu dans les textes de Sargon, mais seulement de Piru de Musri ou Pharaon d’Egypte. En 715, parallèlement à Itmara de Saba et à Samsi, reine d’Arabie, Piru envoie un tribut à Sargon. Annales, lig. 97-99, dans Winckler> loc. cit. p. 20-21. Pour la fixation de cette date, cf. Olmstead, loc. cit. p. 10, note 40. Après six années de tranquillité, la Syrie s’agita de nouveau, en 713. Pour la date de 713 donnée par l’Inscription du Prisme, contre celle de 7Il donnée par les Annales, cf. Olmstead, loc. cit., p. 11, note 42, et p. 78, note 61. La ville philistine d’Azot était le centre du mouvement. Poussée par Piru, elle agissait sur Juda, Moabet Édom. Sargon envoya contre elle un tartan ou général. Is., xx, 1 ; Canon des Limmu, 998, dans Johns, Assyrian Deeds and Documents, 1898, t. ii, p. 69. La répression fut prompte. Iamani, le chef d’Azot, se réfugia en Miloukka (Ethiopie), c’est-à-dire dans l’Egypte, gouvernée alors par les Éthiopiens. Olmstead, loccit., p. 79, note 68. Il fut extradé et envoyé à Sargon. Azot pillée, ses habitants emmenés en captivité, on la repeupla avec des colons étrangers. Pour toute cette campagne : Annales, lig. 215-228 ; Fastes, lig. 90-109 ; Fragment de la campagne contre Ashdod, dans Winckler, loc. cit. p. 36-39, 114-117, 186-189. C’est en vertu de l’usage assyrien que Sargon, Annales, lig. 222, et Fastes, lig. 97, se vante d’avoir mené la campagne en personne. Jusqu’à la mort de Sargon, 705, la Syrie vécut en paix.

II. Identification de Sua. — 1° Le côté certain de l’idenlilication, c’est que Sua est un personnage de la vallée du Nil. À plusieurs reprises, mais surtout par son article Musri, Meluhha, Ma’in, I, dans Mittheilungen der vorderasialischen Gesellschaft, t. iii, 1898, p. 1-56, Winckler a tenté de prouver que Sibu n’aurait été que le tartan d’un certain Piru, roi, non d’Egypte, mais d’un grand royaume de Musri, royaume indépendant, situé dans un canton de l’Arabie Pétrée, quelque chose comme le Négeb ou la contrée des Nabatéens. Mais d’abord la Bible nomme Sibu « roi de Misraim », IV Reg., xvii, 4, tout comme Sésac, III Reg., xi, 40 ; xiv, 25, et l’on accordera bien que ce dernier était un roi égyptien. Bien mieux, Sibu, s’il était à Gaza en 720, avec une partie de ses. troupes, lultant aux côtés d’Hannon, ainsi que semblent le supposer les Annales, loc. cit., pourquoi, après la défaite, prend il avec son allié la route du sud-ouest, la route du Torrent d’Egypte et d’El-Arisch, au lieu de la route du sud-est vers Khalassa (Élusa), qui aurait été le vrai chemin dans l’hypothèse d’un Sibu tartan d’un roi du Négeb ? Si, comme le laisseraient croire les fastes, loc. cit., il n’avait pas encore rejoint Hannon, pourquoi les deux alliés se rencontrent-ils à Raphia, sinon parce que l’un venait du sud-ouest et que l’autre y courait, sur la grande route suivie de tous temps par les armées entre l’Egypte et la Syrie ? Les événements nes’expliquent donc que si Sibu est un Égyptien. Il faut en dire autant de Piru qui, à partir de 715, remplace Sibu dans les documents de Sargon. Piru est la transcription cunéiforme deper-aa, pharaon, et désigne le roi d’Egypte. A l’époque qui nous occupe, ce mot apparaît tantôt seul, tantôt avec le nom du roi, aussi bien dans les textes égyptiens que dans la Bible. De part et d’autre il est couramment employé comme nom propre. Voir Pharaon,

col. 191-192. Les Assyriens ne pouvaient l’ignorer. Eux-mêmes traitaient pareillement le mot ianzu qui en cassite signifie « roi ». C’est donc tout naturellement que Sargon désigne le roi d’Egypte par l’expression per-âa assyrianisée en Piru. D’autant mieux qu’au moment de la campagne d’Azot, l’action de l’Egypte en Syrie est très naturelle. Depuis 715, la 25e dynastie était montée sur Je trône avec l’Éthiopien âabaka. C’était un prince énergique, maître absolu de l’Egypte et dont le souci dut être de s’immiscer dans les affaires syriennes comme avaient fait ses devanciers, comme feront bientôt ses successeurs. L’Egypte fut toujours dans la situation d’un camp retranché ouvert aux attaques, principalement sur sa frontière nord-est. Par suite, à toutes les époques, elle s’efforça de maintenir ses lignes avancées aussi loin que possible sur le sol syrien. Le jour où ce rôle ne lui fut plus permis, l’étranger devint son maître, et ce maître à son tour, pour garder sa conquête, dut suivre la même politique. On ne voit donc pas pourquoi, à l’encontre des faits, on voudrait substituer à l’Egypte, pour l’espace compris entre 948 et 674, dans une région où les ruines

417. — Bulle d’argile de Sabacon (Sua) avec son sceau. D’après Layard, Nineveh and Babylon, p. 156.

les plus anciennes sont romaines et chrétiennes, un empire arabe, surgi à l’improviste, portant le même nom qu’elle, la supplantant dans ses intrigues contre l’Assyrie, puis s’en allant comme il était venu, pendant que l’Egypte reprenait sa course historique. Pour toute cette question, voir Olmstead, loc. cit., p. 56-71, note 34, qui démonte pièce à pièce la théorie de Winckler et écarte sans réplique les conséquences qu’on a voulu en tirer contre les récits bibliques. 2° On a rapproché Sua, Sève, Sibu de Sabaka^

( Mil ^fe If Sa-ba-ka, le Sabacon des Grecs, premier roi de la 25e dynastie (fig. 417). Oppert, Inscriptions assyriennes des Sargonides, 1862, p. 22 ; Grande inscription dupalais de Khorsabad, 1863-1865, p. 74-75 ; Mémoire sur les rapports de l’Egypte et de l’Assyrie, 1869, p. 12-14, reconnaissait dans le ka final de ce nom un article éthiopien, par conséquent un suffixe. Il a été suivi en cela par Brugsch, Ëgypt under the Pharaons, 1879, t. ii, p. 273, et par Pétrie, À History of Egypt, t. iii, 1905, p. 284. Ces auteurs n’ont donc pas de peine à retrouver Sua-Sibu dans ëabaka. A noter cependant que Steindorff, Beitrâge zur Assyriologie, i, p. 342, ne veut voir dans ka que la terminaison du datif-accusatif. D’autre part, W. M. Mûller, loc. cit., col. 4664, déclare impossible le passage du s égyptien à Vs sémitique. C’est là nn obstacle que, après l’avoir envisagé, ni Brugsch ni Pétrie n’ont pris au sérieux et Olmstead, loc. cit., p. 55, note 29, est de leur sentiment. Une difficulté plus grave est la chronologie. Sua apparaît déjà vers 725. Or, selon toute probabilité, c’est Bocchoris qui règne alors en Egypte et qui y régnera jusqu’en 715. On échappe à cette difficulté en faisant de Sua-Sibu un simple tartan, avec les