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1843
1844
SOPHONIE (LE LIVRE DE)


conjecture était exacte, comment Sophonie n’aurait-il tpas blâmé nommément le roi d’alors, qui aurait été le fameux Manassès ? — Concluons donc avec von Orelli, op. cit., p. 336 : « Le jugement porté par le prophète sur Jérusalem, avec ses divers partis d’adorateurs de Jéhovah, de Baal, de Moloch et des astres, avec ses prophètes sans conscience et ses prêtres arrogants, ses -chefs livrés au brigandage, et tous ses habitants qui refusent d’écouter la voix de la vérité et n’acceptent aucune discipline, tout cela… suppose trop de paganisme positif » pour que la réforme du roi Josias ait été alors complète. — Les néo-critiques attribuent très -arbitrairement à l’exil ou à la période subséquente, sans pouvoir s’accorder entre eux, les passages de Sophonie dont ils rejettent l’authenticité.

Y. Caractère et enseignement religieux du livre .de Sophonie. — Sans offrir rien de bien neuf et de bien saillant, ce petit oracle a cependant ses particularités intéressantes. Nous avons vu que « le jour du Seigneur » y tient une place considérable. Isaïe, ii, 12-21 ; xiii, 6, et tout d’abord Joël, ii, 1-2, etc., avaient fait valoir cette idée avant notre prophète ; mais il l’expose avec plus d’ampleur et plus de force, et c’est à lui que la belle prose Dies irrn dies Ma a emprunté plusieurs de ses images si expressives. Comme Isaïe, i, 3 ; vi, 13, etc., et comme Michée, iv, 7, il attire l’atten tion, iii, 12-13, sur l’humble « reste » qui, dans la cation théocratique, survivra au châtiment divin, et qui formera pour ainsi dire la base d’un nouveau peuple, celui du Messie. Il est toutefois entièrement muet sur la personne même du futur rédempteur d’Israël et du monde, quoiqu’il décrive admirablement, dans sa dernière page, le salut dont le Messie sera l’intermédiaire. D’après Sophonie comme d’après les autres prophètes, ce salut sera universel. Une extension extraordinaire du royaume de Dieu sur la terre sera le résultat final des jugements par lesquels tous les coupables sans exception auront été châtiés : les païens reconnaîtront et adoreront le vrai Dieu ; Jérusalem sera honorée de tous les hommes, comme la source de la vraie connaissance religieuse. Sophonie insiste avec une éloquence très pathétique sur les devoirs d’Israël envers son Dieu. On admirera toujours le ton simple, grave et austère de « a prédiction. Il semble avoir composé son livre sous l’impression très vive que Juda était mûr pour le châtiment, et que, si l’exécution de la sentence pouvait être retardée, il était moralement impossible qu’elle fût révoquée : 1a mesure de la culpabilité était comble ; déjà le bras du Seigneur s’étendait pour frapper un coup terrible sur les pécheurs, en quelque endroit qu’ils fussent. Sophonie insiste cependant d’une manière touchante sur la valeur purifiante et moralisatrice du châtiment. Cf. iii, 7-13. Il ne le cède point à Amos, non plus qu’à Isaïe, pour le courage avec lequel il dénonce les péchés de son peuple, et spécialement les scandales des grands : grâce à lui, nous apprenons à connaître le syncrétisme religieux, extrêmement blâmable, que les rois impies-Manassès et À mon avaient favorisé et encouragé, les emprunts idolâtriques et autres que le peuple de Dieu, pour son grand malheur, avait faits au peuple voisin. Tout cela est fort instructif et présente un excellent résumé de tous les oracles antérieurs. On conçoit qu’une telle prédication ait dû être un puissant auxiliaire pour la réforme religieuse de Josias. Voir B. Duhm, Die Théologie der Propheten, in-8°, Bonn, 1875, p. 222225 ; E. von Orelli, Die alttestamenlliche Weissagung von der Vollendung des Gotlesreiches, Vienne (Autriche), 1882, p. 357-362 ; Kirkpatrick, Doctrine of the Prophets, Londres, 1905, p. 255-268 ; P. Kleinert, Die Propheten Isræls in sozialer Beziehung, in-8°, Leipzig, 1905, p. 69-71. — Nous devons signaler aussi, comme un caractère propre à Sophonie, les échos, relativement fréquents, des livres plus anciens qui retentissent dans

son écrit. Cf. i, 13, et Deut., xxviii, 39 ; ii, 7, et Deut., xxx, 3 ; iii, 5, etDeut., xxxii, 4 ; iii, 7, etDeut., xxviii, 13 ; i, 7, et Hab., ii, 20, cf. Joël, i, 15, et Is., xiii, 3 ; i, 13, et Àm., v, ll ; i, 14-15, et Joël, ii, 1-2 ; i, 16, eivm., ii, 2 ; i, 18, etls., x, 23 ; ii, 8, 10, etls., xv, 8, cf. Am., i, 13 ; etc.

VI. Style. — Sophonie est assez ordinaire sous le rapport de la diction. On ne trouve dans ses pages ni la grâce ni la beauté de la plupart des prophètes qui avaient écrit avant lui. Son langage est correct ; c’est, quoi qu’on ait prétendu en sens contraire, pour nier l’authenticité de plusieurs passages, un hébreu pur et correct, sans aramaïsmes marqués. Le style est généralement clair ; mais, simple d’ordinaire et peu orné, il ne s’élève pas beaucoup au-dessus de la prose. Il est plus pathétique que poétique. Cependant, il ne manque ni de vigueur, ni de fraîcheur, ni de vie. Généralement peu riche en images et dénué d’originalité, il présente çà et là des figures remarquables ; entre autres les suivantes : i, 12, « Je fouillerai Jérusalem avec des lampes ; » « Les hommes qui reposent sur leur lie ; » i, 17, « Ils marcheront comme des aveugles. » Voir aussi ii, 1-2, 11, 13-15, etc. Les passages iii, 11-13 et 14-20, sont d’une grande beauté, En somme, si Sophonie n’est pas à la hauteur des prophètes du vme siècle sous le rapport du style, il possède néanmoins des qualités solides comme écrivain.

VII. Texte. — Le texte primitif du prophète a été en général bien conservé. On le voit par l’accord qui règne presque partout à son sujet entre les anciennes versions. Cet accord prouve qu’elles ont eu pour base un texte original à peu près identique, lequel différait à peine de celui de la Massore. Les divergences peuvent s’expliquer d’ordinaire par des erreurs de traduction. Voir L. Reinke, Der Prophel Zephanja, p. 15-40, et Bachmann, Zar Textkritik des Propheten Zephanja dans les Studien und Kritiken, 1894, p. 641. Les obscurités que l’on rencontre çà et là proviennent sans doute des copistes, qui auront maltraité le texte en ces endroits. Les corrections proposées par les néo-critiques, en particulier par Wellhausen, Schwally, Nowack, Marti, G. A. Smith, ne sont pas toujours heureuses.

VIII. Bibliographie. — 1° Commentateurs catholiques. — Voir S. Jérôme, Comment. inSoph.prophetam liber I, t. xxv, col. 1337-1388 ; Théodore de Mopsueste, Comment, in Sophon. prophel., t. lxvi, col. 444-473 ; Théodoretde Cyr, Interpret. Sophon. prophetx, I.lxxxi, col. 1837-1860 ; P. Ackermann, Prcphetx minores, Vienne, in-8°, 1830, p. 553-589 ; P. Schegg, Die kleinen Propheten ùbersetzt und erklârt, in-8°, Ratisbonne, 1851 ; 2e édition en 1862, 3* partie, p. 157-226 ; L. Reinke, Die messianische Weissagung des Zephanja, dans les Messianische Weissagungen, t. iii, Munster en Westphalie, 1861 ; Id., Der Prophet Zephanja, Einleitugn und Ûbersetzung nebst einem vollstândigen philol. krit. und historischen Kommentar, in-8°, Munster, 1868 ; A. van Hoonacker, Les douze petits prophètes traduits et commentés, in-8°, Paris, 1908, p. 498-537.

— 2° Commentateurs hétérodoxes. — J. A. Nolten, De prophetia Zephanjæ, in-8°, Francfort-sur-1’Oder, 1719 ; F. Adolphe Strauss, Vaticinia Zephanjse commentario illustrata, in-8°, Berlin, 1843 ; Kleinert, Obadjas, Jonas, Micha, Nahum, Habakuk, Zephanja, in-8°, Bielefeld, 1868, p. 159-184 ; Fergusson, The… Teslimony of tlie Prophet Zephaniah, dans le Journal of the Society of biblical Literature and Exegesis, 1883, p. 42-53 ; F. Buhl, Einige textkrit. Bemerkungen zu den kleinen Propheten, spec. zu Zephaniah, ii, 11, 14 ; iii, 17-20, dans la Zeitschrift fur alttestam. Wissenschaft, 1885, p. 182-184 ; C. von Orelli, Dos Bue h Ezechiel und die zwôlf kleinen Propheten ausgelegt, in-8°, Nordlingue, 1888, p. 336-347, 3e édit. 1898 ; F. Schwally, Dos Buch Ssefanja, dans la Zeitschrift fur die alttestam. Wissenschaft, 1890, p. 165-240 ; W. Schulz, Kommentar