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SOPHONIE (LE LIVRE DE)


ment d’auteur. — Parcourons rapidement les chap. n et m de Sophonie, pour montrer que tout s’y tient étroitement. De l’aveu de Kuenen, depuis le commencement du livre jusqu’à ii, 15, le discours prophétique « suit une marche régulière », de sorte qu’il n’y a aucune raison de mettre en cause l’authenticité de ii, 1-14. Les versets 1-3, souvent rejetés, se rattachent de très près au chap. I er, dont ils sont « la contre-partie presque nécessaire ». Driver, dans Cheyne, Encyclopxdia biblîca, t. iv, col. 5406. Les Israélites coupables sont invités, dans ce passage, à implorer la divine miséricorde, s’ils veulent échapper au châtiment. Il est rare, en effet, que les prophètes d’Israël se bornent à menacer, surtout lorsqu’il s’agit de leur peuple. Ils savent fort bien, comme le dit nettement Sophonie un peu plus loin, iii, 11-20, que le but des châtiments de Dieu n’est pas d’anéantir, mais de corriger, de purifier ; d’où il suit qu’on peut toujours essayer d’y échapper par le repentir. Cf. Is., iv, 4 ; Jer., vii, 5-7 ; xviii, 7 ; Joël, ii, 12 ; etc. — Le passage II, 4-17, où les nations étrangères sont menacées à leur tour du jugement divin, ne serait pas en harmonie, nous assure-t-on, avec le sentiment profond que Sophonie a manifesté plus haut (chap. I) de la culpabilité de ses compatriotes. Cette allégation est d’une faiblesse extrême. Les crimes de son propre peuple n’empêchent pas le prophète de constater aussi que les nations voisines sont gravement coupables ; en outre, nous l’avons vii, son but est précisément d’annoncer l’universalité du « jour du Seigneur ». Ajoutons que ceux qui suppriment les versets 8-10, relatifs aux Moabites et aux Ammonites, détruisent la symétrie de l’oracle lancé contre les païens : Moab et Ammon, situés à l’est de la Palestine, correspondent aux Philistins, qui habitaient à l’ouest, de même qu’Assur, au nord-est, correspond à l’Ethiopie du sud. Les versets 13-15 prédisent la ruine de Ninive, qui eut lieu vers 607 avant J.-C ; ils sont donc antérieurs à cette date et conviennent fort bien à l’époque de Sophonie. — Passons au chap. m. Kuenen se fait de nouveau l’avocat de notre prophète, et revendique pour lui la composition des y. 1-13. Ce passage, dit-il, forme la continuation naturelle du discours ; la pensée et le style démontrent qu’il appartient au même auteur que ce qui précède. « On ne peut, écrit de son côté Davidson, loc. cit., p. 102, proposer aucune objection raisonnable contre l’authenticité de iii, 1-7. » Il en est de même des ꝟ. 11-13, car « nous sommes ici dans la Jérusalem d’avant l’exil, sans aucune trace de la captivité et de ses expériences. » Driver, dans Cheyne, loc. cil. Ce passage présente donc « toutes les marques d’authenticité. » Les versets 11-13 décrivent la Jérusalem de l’avenir, purifiée par le châtiment ; il n’est pas étonnant que le ton n’y soit pas le même qu’aux versets qui précèdent. Le tableau qu’ils tracent est « en contraste, trait pour trait, avec la Jérusalem des jours du prophète, iii, 1-7. » Quant aux versets 8-10, « ils établissent la liaison entre 1-7 et 11-13. » Davidson loc. cit., p. 103. Restent les versets 14-20, rejetés d’une manière générale par les néo-critiques. Que leur reproche-t-on ? Simplement de présenter Jérusalem sous un nouvel aspect. Mais, dit M. Driver, An Introduction to the Literature of the O. T., 5e édit., p. 342-343, ils contiennent « un tableau d’imagination » ; or, « il reste à savoir s’il est suffisamment démontré que l’imagination de Sophonie était impuissante à le créer. » À coup sûr elle ne l’était pas, même indépendamment de l’inspiration, puisque des prophètes plus anciens avaient esquissé des peintures idéales du même genre, pour décrire l’avenir de gloire et de bonheur que Dieu réservait à la Jérusalem messianique, après qu’elle aurait été sanctifiée par l’épreuve. Cf. Is., iv, 2-6 ; ix, 1-7 ; xi, 1-16, etc. La répétition des mots « au milieu de toi », à travers les

différentes parties du chap. m — cꝟ. 3, 5, 11, 12, 15, 17 — semble hien insinuer, pour sa part, l’unité de style et d’auteur. — B) Par rapport au style, un exemple a déjà montré plus haut (col. 1840) à- quel point il faut se défier des affirmations émises à ce sujet par les néo-critiques. Il en est de même des. autres expressions qu’ils prennent, assez timidement, pour des aramaïsmes plus récents que Sophonie. Voir van Hoonacker, op. cit., p. 504. Le D r Kbnig, l’un des hébraïsants contemporains les plus en renom, assure, Einleilung in das A. T., p. 353-354, que rien, dans la style du livre, n’exige pour la composition une époque postérieure à l’exil. Au chap. ii, on s’appuie aussi, pour éliminer l’oracle contre Moab et Ammon, y. 8-11, sur ce fait qu’on ne retrouve point, dans ce passage, le rythme élégiaque qui est employé aux versets 4-7, 12-15. L’objection est bien superficielle, comme le dit M. Driver, dans Cheyne, loc. cit. De quel droit imposerait-on à l’auteur l’obligation de recourir à un rythme absolument uniforme ? — Aucune des difficultés soulevées de nos jours contre l’authenticité et l’intégrité du livre de Sophonie ne résiste donc à un examen sérieux. IV. L’époque de la composition. — Elle a été fixée plus haut (col. 1837) d’une manière générale. Nous avons à déterminer ici, dans la mesure du possible, la période du règne de Josias qui semble le mieux coïncider avec les données historiques du livre. Les interprètes ne, sont pas d’accord sur ce point. — Le gouvernement de Josias est divisé en deux phases très distinctes par un fait très important, sa grande réforme religieuse, qu’il entreprit en 621, la dix-huitiéme année de son règne, et qui mit fin à l’idolâtrie dans Israël. Cf. IVReg., xxii, 3-xxm, 27 ; II Par., xxxiv, 3-xxxv, 19. D’après l’opinion la plus commune — parmi ses partisans les plus récents, citons Kaulen, Keil, Kuenen, von Orelli, Wildeboer, Driver, Wellhausen, Cornill, Nowack, Davidson, Rudde

— c’est avant cette date que Sophonie aurait mis sa prophétie par écrit. Divers traits insérés dans ses descriptions, tout particulièrement au chap. 1 er, semblent, en effet, désigner clairement cette première phase. Nous pouvons même préciser davantage encore, et assigner la composition du livre à la période comprise entre la douzième et la dix-huitième année de Josias, car ce prince, monté sur le trône à l’âge de huit ans, IV Reg., xxii, 1 ; II Par., xxxiv, 1, fut d’abord impuissant pour lutter contre le mal, et c’est seulement à vingt ans qu’il put attaquer l’idolâtrie avec quelque succès. II Par., xxxv, 3. Or Sophonie, tout en supposant que le culte des faux dieux est encore en vigueurdans Juda et à Jérusalem, montre que des efforts ont déjà été tentés pour l’extirper. Voici quelques détailsdans ce double sens : i, 4, « les restes de Baal » ; i, 5, l’adoration des astres ; i, 6, l’apostasie des habitants de Jérusalem ; i, 8, des mœurs païennes jusque dans la famille royale ; i, 9, des pratiques superstitieuses ; i, 4, et iii, 1-7, la corruption des prêtres, des prophètes et de toutes les classes de la société. — Plusieurs critiques, entre autres, Schwally, Kleinert, Schulz, etc., pensent, au contraire, que le livre de Sophonie appartient à la seconde phase du gouvernement de Josias. Ils s’appuient en particuler sur le fait suivant : ii, 8, le prophète signale les « fils du roi » comme se livrant à l’idolâtrie ; , or, lorsque. Josias atteignit la dix-huitième année de son règne, ses fils aînés, Joakim et Joachaz, n’étaient âgés que de douze et dix ans. Cf. IV ; Reg., xxiii, 26, 31. C’est donc difficilement sur eux que retombe la menace divine. On répond à l’objection en disant que les mots « fils du roi » sont employés ici dans un sens large, et qu’ils désignent en général les princes de la famille royale. Cf. IV Reg., xi, 2. — Kônig, Einleitung in das Aile Testament, p. 352-353, retarde davantage encore la composition du livre, qu’il place durant les dix années qui suivirent la mort de Josias. Mais, si sa