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1839
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SOPHONIE (LE LIVRE DE)
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méchants (Vulgate, ruinx impiorum erunl) ; i, 4, les restes de Baal ; i, 5, ceux qui adorent sur les toits l’armée des cieux ; i, 9, tous ceux qui sautent par-dessus le seuil ; i, 10, des hurlements depuis la porte des poissons et des cris jusqu’à la ville basse ; i, 11, les habitants de MaktèS, etc. Il n’est pas un trait concernant soit Juda, soit les peuples voisins, qui ne convienne à un prophète écrivant sous le règne de Josias.

2° Les néo-critiques. — a) Leurs assertions. — Durant ces dernières années, ils n’ont pas manqué d’appliquer leurs principes destructeurs à cet écrit, qui était demeuré tellement indemne, que, naguère encore, Robertson Smith pouvait dire dans l’Encyclopsedia biblica de Cheyne, t. iv, col. 5402 : « L’authenticité et l’intégrité de la petite prophétie attribuée à Sophonie ne semblent pas pouvoir donner lieu à un seul doute raisonnable. » Voici le résumé de leurs négations et de leurs attaques ; elles ne portent actuellement que sur les chapitres II et iii, en attendant qu’elles atteignent aussi le chap. 1 er. Le rationaliste hollandais Oort fut le premier, croyons-nous, qui tenta d’entamer le livre de Sophonie : il contesta vivement l’authenticité de ii, 7-Il et de iii, 14-20. Voir les Goddelijke Bijdragen, 1865, p. 812-825. Le D’. B. Stade, Geschichte des Volkes Israël, Berlin, 1887, t. i, p. 644, rejette ii, 1-3, 11, et le chapitre m tout entier, lequel, d’après lui, serait certainement postérieur à l’exil. Le D r Schwally, Zeitschrift far die alttestamentliclte Wissenschaft, t. x, p. 665-680, n’attribue à Sophonie, indépendamment du chap. I er, que II, 13-15. À l’en croire, le passage n. 5-12, daterait de l’exil, et le chap. m serait d’une époque postérieure à l’exil. M. Schwally ne se prononce pas avec certitude sur ii, 1-4, qui pourrait bien, pense-t-il, appartenir à Sophonie. Wellhausen, Skizzen und Vorarbeilen, t. v, 3e édit., Berlin, 1898, p. 153-154, enlève au prophète le chap. ni en entier ; au chap. ii, il ne lui conteste que les ꝟ. 7 el 8-11, peut-être aussi les ꝟ. 23. Budde, Die Bûcher Habakkuk und Sophonia, dans les Studien und Kritiken, 1883, p. 393-399, affirme que le chap. ii, à part les ꝟ. 1-3, est d’une époque plus récente que Sophonie ; mais il accepte l’authenticité d’une grande partie du chap. iii, n’exceptant que les ꝟ. 9-10 et 14-20. Nowack, op. cit., p. 275, se range à peu près au même sentiment ; il essaie néanmoins de sauver du naufrage, au chap. ii, les vers. 3, 7 partiellement, 8-11, 12-15, où il voit cependant quelques remaniements tardifs. A. Kuenen, Hist.-kritische Einleitung in die Bûcher des Alten Testaments, trad. allemande, 2e partie, Die prophetischen Bûcher, Leipzig, 1892, p. 370-380, se montre relativement libéral, car il consent à regarder la presque totalité du livre comme l’œuvre de Sophonie ; il n’excepte guère que iii, 14-20. M. Cornill, Einleitung in das Alte Test., 3e éd., 1896, § xxxv, 3, accepte en gros les conclusions de Budde ; il croit à un remaniement tardif, « insignifiant » au chap. ii, plus considérable au chap. m. Le professeur Davidson, Nahum, Habakkuk and Zephaniah, p. 100103, malgré quelques hésitations au sujet de ii, 14-15, maintient l’authenticité du chap. n tout entier ; il sacrifie iii, 14-20, avec la plupart des exégètes protestants. MM. G. A. Smith, The twelve Propliets, t. ii, p. 42-45, et J. Selbie, article Zephaniah, dans Hastings, Dictionary of the Bible, t. iv, p. 976, rejettent, ce dernier « avec confiance », iii, 14-20, et aussi ii, 8-11, iii, 9-10. Wildeboer, Die Litteratur des Alten Testant., trad. allem., 1895, p. 190, 192-193, ne permet le doute que pour iii, 14-20. À ce’texte, M. Baudissin, Einleitung in das A. T., in-8°, 1901, p. 553-555, ajoute ii, 7 (en partie du moins) et 8-11. M. Marti, Das Dodekapropheton erklârt, 1904, p. 360, distingue les étapes suivantes pour la composition du livre : 1° La part authentique du prophète, datant de 627 ou 628 avant J.-C,

serait formée, d’après l’ordre nouveau que M. Marti établit entre les versets, de i, l a, 7, 2, 3°, 4, 5, 8, 9, 10 r 11, 12, 13, 14-17 (ou plutôt, 17° ) ; ii, 1, 2s 4, 5, 6, 7s 12-14. Encore eut-elle à subir plus d’un remaniement. 2° Le passage iii, 1-7, a été ajouté au v » siècle avant notre ère, peut-être même seulement au n> siècle, à l’époque des Machabées. 3° Le livre n’a été rédigé sous sa forme actuelle qu’à la fin du H" siècle. C’est alors qu’on a ajouté iii, 8, 10-13, 14-15, 17-19, et fait les petites insertions secondaires i, 3 b, 6, 8 a, 10% 12 a, 17 b r 18 ; ii, 2 b, 3, 7 1’, 8-10, 15. 4° Enfin, plus tard encore, on a introduit ii, 1, et iii, 9-10, sans parler de petites gloses et d’autres corruptions du texte.

b) Leurs misons sont encore plus faciles à résumer, , car elles sont uniquement de nature subjective, par conséquent très arbitraires. Il suffira d’en mentionner ici quelques-unes. Stade supprime tels passages, parce qu’ils lui « semblent » désigner une époque plus récente que celle de Sophonie. Kuenen rejette iii, 14-20, sous prétexte que l’auteur « ne pouvait pas parler ainsi » à ses contemporains. Budde exclut le même passage, , parce que, dans le reste du livre, Sophonie s’adresse à une Jérusalem rebelle et souillée de crimes, à laquelle il prédit les châtiments divins, tandis qu’à partir de ni, 14, il s’adresse à une Jérusalem transformée, pour l’engager à se livrer à l’allégresse, Dieu devant bientôt la rétablir et la délivrer de ses ennemis. Davidson trouve pareillement que « le ton jubilant » de ces versels contraste trop avec la sombre peinture de iii, 1-7, et aussi avec iii, 11-13. Pour Nowack, les passages iii, 9-10, 14-20, « supposent des situations… manifestement étangères à l’époque où Sophonie a exercé son ministère. » On a signalé aussi, dans le style, quelques aramaïsmes et l’emploi de plusieurs expressions qui n’auraient pas eu droit de cité dans la langue hébraïque au temps de Sophonie.

3° L’appréciation de ces raisons est faite de main de maître, non seulement par les commentateurs croyants, , mais aussi par les néo-critiques eux-mêmes. En effet, parmi ces derniers, les uns regardent comme authentique tel verset où telle série de versets que les autres condamnent, et il se trouve finalement que leurs théories se détruisent l’une l’autre, de sorte que notre petit livre demeure debout tout entier. — Mais il est aisé de répondre plus directement aux objections proposées. Elles se ramènent à deux principales, tirées d’abord du fond, puis de la forme de l’écrit de Sophonie. — A) En ce qui concerne le fond, on prétend découvrir dans l’oracle de Sophonie un certain nombre d’idées qui, par elles-mêmes, dénoteraient l’époque de la captivité de Babylone, et même une période postérieure à l’exil. Mais un exemple suffira pour montrer combien cette spécification, moralement impossible en principe, est arbitraire en fait. À la suite de Schwally, M. Selbie affirme, loc. cit., que l’emploi du mot’anav (Vulgate, mansuetus), Soph., ii, 3, exprime, « une notion qui n’avait pas encore reçu la signification morale et religieuse que lui donne notre livre. » L’assertion est inexacte, car des écrivains antérieurs se sont servis de cette expression dans un sens analogue. Cf. Num., xii, 3 ; Is., xi, 4 ; Am., viii, 4, etc. Aussi M. Davidson, loc. cit., p. 101, trouve-t-il à bon droit que l’argument est « spécieux », c’est-à-dire sans valeur. M. Selbie riposte qu’  « un sentiment instinctif peut être plus fort que la logique. » L’exégèse deviendrait-elle donc une affaire d’instinct ? — Les néocritiques prétendent encore qu’en plusieurs passages du livre de Sophonie la liaison est interrompue ; ce qui serait un signe infaillible d’interpolation, de remaniements malhabiles. Mais ils oublient que, dans les écrits des prophètes comme dans ceux des poètes, la. pensée prend souvent un nouvel essor, et que ce n’est point là un motif suffisant pour croire à un change-