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SION


Isaïe, viii, parle aussi de Jéhovah des armées « qui habite sur la montagne de Sion. » Il montre, xviii, 7, nn peuple mystérieux apportant des présents à Jéhovah des armées, « au lieu où le nom de Jéhovah des armées est invoqué, à la montagne de Sion. » Il distingue Sion de Jérusalem, en disant, xxiv, 23, que « Jéhovah des armées régnera sur la montagne de Sion et à Jérusalem. » De même Joël, ii, 32 (heb. iii, 5), annonce le salut « pour la montagne de Sion et pour Jérusalem. » Cf.. Joël, ii, 1 ; iii, 17 (heb., iv, 17). — Conclusion : S’il est vrai, comme nous l’avons dit, que, dans les livres poétiques et prophétiques, le mot Sion a un sens étendu qui s’applique à Jérusalem et à la communauté juive, il est incontestable aussi que l’expression « mont Sion » a un sens bien déterminé, et désigne la montagne où Dieu habitait, la colline du Temple.

E) Du reste, s’il peut y avoir difficulté pour ces livres, il faut s’incliner devant la clarté du I er livre des Machabées, où le mont Sion est cité huit fois. Après avoir battu Lysias à Béthoron, Judas s’empresse de purifier le Temple : « Alors Judas et ses frères dirent : Voilà nos ennemis brisés ; montons purifier les Lieux saints (ta âvta) et en faire la dédicace. Tout le camp se rassembla et ils montèrent au mont Sion (eîç ô'poçSitiv). Et ils virent le sanctuaire (xb à- ; ia<7^.a} désert, l’autel profané, etc. » I Mach., iv, S6, 37. Pour ajouter eDCore à la précision de ce texte, il est bon de remarquer ici que les Machabées n’avaient pas reconquis la ville tout entière ; les Syriens occupaient encore la citadelle ou Acra, d’où ils menaçaient le Temple. C’est pour cela que Judas et les siens, voulant se prémunir, « construisirent autour du mont Sion de hautes murailles et de fortes tours, afin que les gentils ne vinssent pas fouler aux pieds les saints lieux, comme ils l’avaient fait auparavant. » I Mach., iv, 60. Après une campagne en Ualaad, « ils montèrent sur le mont Sion avec joie et allégresse, et ils offrirent des holocaustes, parce qu’ils étaient heureusement revenus, sans perdre aucun des leurs. » I Mach., v, 54. Les sacrifices nous ramènent bien au Temple. Victorieux à leur tour, « ceux de l’armée du roi montèrent vers Jérusalem à rencontre des Juifs, et le roi établit son camp contre la Judée et contre le mont Sion. » I Mach., vi, 48. Ce verset est expliqué plus loin, jr. 51 : « Le roi établit son camp devant le lieu saint pendant beaucoup de jours, et il y dressa des tours à balistes, des machines de guerre, etc. » C’est donc le Temple qu’il assiégea, et où il entra : « Mais le roi entra sur le mont Sion, et il vit la force du lieu, et il viola le serment qu’il avait juré et donna l’ordre de détruire les murailles toutautour. » I Mach., vi, 62. Les Syriens étaient ainsi maîtres du Temple et de l’Acra. Aussi, vaincus par Judas à Capharsalama, les soldats de Nicanor « se réfugièrent dans la cité de David. Et, après ces événements, Nicanor monta au mont Sion, et quelques-uns des prêtres sortirent du lieu saint, accompagnés de plusieurs anciens du peuple, pour le saluer amicalement et lui montrer les holocaustes qui étaient offerts pour le roi. » I Mach., vu, 32-33. À son tour, Jonathas « commanda aux ouvriers de reconstruire les murailles et d’entourer le mont Sion de pierres carrées pour le fortifier. » I Mach., x, 11. Enfin, Simon, ayant définitivement conquis Jérusalem, « fortifia la montagne du Temple, située près de la citadelle. » I Mach., xiii, 53. En reconnaissance de ses services et de ceux de ses frères, on grava des tables d’airain « qu’on suspendit à des colonnes sur le mont Sion. » I Mach., xiv, 27. Après en avoir donné là copie, le texte sacré ajoute, ꝟ. 48 : « On décida de graver ce document sur des tables d’airain, et de les placer dans le péribole des Lieux saints. » Il est impossible de ne pas reconnaître dans ces récits des Machabées la distinction entre la ville de Jérusalem théâtre de la lutte, la cité de David ou Acra, occupée

D1CT. DE LA BIBLE.

jusqu'à Simon par les Syriens, et le mont Sion, emplacement du Temple.

4° Arguments topographiques. — Il ne faut pas oublier ici qu’il s’agit d’une acropole chananéenne, qui fut le noyau primitif de Jérusalem. Or, la colline sudest offre des avantages topographiques que n’a pas celle du sud-ouest.

i° Beaucoup plus facile à défendre, elle possédait en outre la seule source de Jérusalem ; elle se rattache nécessairement à l’ensemble des constructions élevées par David et Salomon. Voir Jérusalem, Sous David et Salomon, t. iii, col. 135L-1357, où ces raisons sont assez longuement développées.

2° Elle répond bien à l’idée que les découvertes récentes nous donnent des anciennes acropoles et cités "chananéennes. La grande objection qu’on fait généralement contre l’emplacement de Sion sur Ophel porte sur l’exiguité de la colline. C’est précisément là un des caractères des anciennes villes, même dans leur développement le plus considérable. « Et cette exiguité impressionne bien autrement encore lorsqu’en remontant les périodes historiques indiquées par les fouilles, on se trouve en présence de l’aire tout à fait primitive de la cité. L’observation a déjà été faite par MM. Perrot et Chipiez, à propos des villes grecques archaïques. La plus célèbre de toutes, grâce à la muse d’Homère, Troie, dont les ruines ont été mises à jour sur le coteau à'Hissarlih, eût tenu très à l’aise dans certaine cour du Louvre. Il en va de même pour les cités chananéennes, réduites, en somme, au rôle de simples acropoles, avec néanmoins en chacune un château plus fortifié qui constituait selon l’occurrence le palais, le sanctuaire, et la citadelle. » H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 27. Nous empruntons au même auteur, ibid., n. 3, quelques chiffres qui permettent de comparer Ophel aux antiques villes de Chanaan. La superficie totale de Tell-el-Hésy (Lachis), évaluée d’après le plan de FI. Pétrie, atteindrait à peu près 12 hectares ; maisBliss montre que la ville proprement dite, à l’angle nord-est, était moitié moins grande et l’acropole n’excédait pas 65 mètres de côté. À TellZakariyâ, la plus grande longueur du plateau est de 305 mètres, sa largeur maxima de 152 m 50 ; mais la forme triangulaire du plateau en réduit la superficie à 3 hectares et demi tout au plus ; dans cet espace, l’acropole ne couvre qu’une aire de 60 mètres sur 37 en chiffres ronds. Le plateau central de Ta’annak mesure 140 mètres sur 110, et le plus grand développement de la ville, mesuré sur le plan général, n’excède pas 300 mètres sur 160, soit 4 hectares 80. La colline d’Ophel (voir fig. 395) offre une superficie de 4 hectares et demi, en calculant seulement l’esplanade supérieure déterminée par le mur méridional du Haram, la ligne du mur oriental retrouvée par MM. Warren et Guthe et les premiers escarpements du rocher à l’ouest sur la vallée du Tyropœon. La Jérusalem primitive n'était donc guère moins grande que Mageddo [Tell el-Mutesellim, 5 hectares 02) et on peut l’estimer plus grande que Ta’annak, au moment le plus prospère de leur histoire.

L’argument principal des partisans de la colline sudouest est la tradition. Depuis le IVe siècle, c’est là qu’on place le mont Sion. Nous le reconnaissons. Mais ce qu’ils appellent « la parole vivante » ne peut réduire au silence « la parole écrite ». Il n’y a pas de tradition qui tienne devant des textes bibliques aussi formels que ceux dont nous avons donné l’interprétation. Aucun d’eux ne peut s’appliquer à la colline en question, qui d’ailleurs n’avait nul droit au titre de « montagne sainte ». En supposant même, en effet, que David y ait eu son palais, et que l’arche d’alliance y soit restée temporairement, est-ce que ce séjour transitoire eût suffi pour que les prophètes célébrassent la sainteté spéciale du mont, en face de la colline du Temple, qui

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