Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/914

Cette page n’a pas encore été corrigée
1783
1784
SINAÏ — SINAITICUS (CODEX)


à l’école de leurs maîtres de la vallée du Nil. Ils purent donc sans difficulté construire au sein du désert les instruments d’un culte qui, malgré son caractère spécial et divin, se rattachait par certaines prescriptions au rituel égyptien. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. ii, p. 510-560. Nul pays ne convenait mieux que le Sinaï à la formation d’un peuple qui devait avoir une si grande influence sur la vie religieuse et morale du monde : spectacles sublimes de la nature, silence où l’on n’entend que la voix de Dieu, solitude qui brise tout contact avec les nations païennes. Cette voix de Dieu a retenti à travers tous les pays et tous les siècles. Selon la parole du Deutéronome, xxxiii, 2, c’est bien « du Sinaï que le Seigneur est venu, » qu’il est parti à la conquête de l’humanité déchue. Ce premier pas devait le conduire à la crèche et finalement au calvaire. Telle est, d’un seul mot, la synthèse de l’histoire dont la première page est écrite aux lieux sacrés que nous venons de parcourir.

VI. Bibliographie. — Aux ouvrages déjà nombreux que nous avons indiqués dans le corps de cet article, nous ajouterons les suivants : J. L. Burckhardt, Travels in Syria and the Holy Land, Londres, 1882, p. 457630 ; J. Rappel, Reisen in Nubien, Kordofan und dern Petrâischen Arabien, Francfort-sur-le-Main, 1829 ; Léon de Laborde, Voyage dans l’Arabie Pétrée et au mont Sinaï, Paris, 1830 ; Commentaire géographique sur l’Exode et les Nombres, Paris et Leipzig, 1841 ; Wellsted, Travels in Arabia ; Sinai, Survey of the Gulf ofvkabah, Londres, 1838, t. ii, p. 1-168 ; Lepsius, Reise von Theben nach der Halbinsel des Sinaï, Berlin, 1845 ; Lottin de Laval, Voyage dans la péninsule arabique du Sinaï, Paris, 1857, 2 vol. in-4° ; H. Brugsch, Wanderung nach den Tùrkis-Minen und der Sinai-Halbinsel, Leipzig, 1866 ; F. W. Holland, On the Peninsula of Sinai, dans Journal of Royal Geogr. Soc, 1868, p. 237-257 ; Récent explorations in the Peninsula of Sinaï, dans Proceedings of Royal Geogr. Society, 1868, n. 3, p. 204-219 ; E. H. Palmer, The Désert of the Exodus, Cambridge, 1871, 2 vol. in-8° ; A. P. Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866 avec cartes en couleurs ; W. H. Adams, Mounl Sinai, Petra and the Désert, Londres, 1879 ; Isambert, Itinéraire de l’Orient, Paris, 1881, t. ii, p. 718-756 ; Raboisson, En Orient, Paris, 1889, t. i ; E. Hull, Mounl Seir, Sinai and Western Palestine, Londres, 1889, avec carte géologique ; G. Bénédite, La péninsule Sinaïtique, Paris, 1891 ; M. Jullien, Sinaï et Syrie, Lille, 1893 ; P. Barnabe Meistermann, Guide du Kil au Jourdain par le Sinaï et Pétra, Paris, 1909 ; J. de Kergorlay, Sites délaissés

d’Orient, Paris, 1911.

A. Legendre.
    1. SINAITICUS##

SINAITICUS (CODEX). Ce manuscrit est parmi les plus célèbres et les plus importants de la Bible grecque (fig. 392). Au printemps de 1844, Tischendorf visitant le monastère de Sainte-Catherine, au mont Sinaï, en découvrit des feuillets détachés qu’on avait jetés au rebut ; il put les acquérir, quarante-trois au total, et les rapporter à Leipzig, où ils appartiennent aujourd’hui à la bibliothèque de l’Université, et il les édita dans une publication intitulée Codex Friderico-Augvstanus, Leipzig, 1846, du nom du roi de Saxe Frédéric-Auguste qui avait fait les frais de sa mission au Sinaï. En 1845, deux fragments du même manuscrit furent trouvés dans des reliures de manuscrits plus récents, et communiqués à Tischendorf, qui les publia dans son Appendix Codicum celeberrimorum, Leipzig, 1867. En 1853, Tischendorf revint au Sinaï, et il mit la main sur un fragment de la Genèse du même manuscrit, et un feuillet contenant la fin d’Isaïe et le commencement de Jérémie : il publia ces morceaux, partie dans ses Monumenta sacra inedita, t. i, Leipzig, 1855, partie, ibid., t. ii, Leipzig, 1857. En 1859 enfin, le

4 février, il eut la bonne fortune de découvrir le manuscrit dont il n’avait encore eu que des morceaux ; il en exécuta aussitôt une copie. Les moines du Sinaï l’autorisèrent, 28 septembre 1859, à transporter le précieux manuscrit en Europe pour l’éditer ; l’édition fut entreprise aussitôt, et achevée en 1862. Mais le manuscrit ne revint pas au Sinaï. Le 10 novembre 1862 Tischendorf le remit à Zarskoie Selo entre les mains du tsar Alexandre II de Russie. Sept ans plus tard, en 1869, le manuscrit passa des archives du ministère russe des affaires étrangères dans la bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg. Tout n’est pas très clair dans cette histoire : il est vraisemblable que les moines du Sinaï se sont dessaisis un peu naïvement de leur trésor. Les Russes font valoir que plus tard, en 1869, les supérieurs de ces moines firent donation au tsar du manuscrit, et qu’en retour le tsar donna 7000 roubles (le rouble vaut quatre francs), à la bibliothèque du mont Sinaï, 2000 au couvent du mont Thabor, et des décorations russes à quelques-uns des moines susdits : il resterait à établir que le manuscrit est venu en Europe du plein consentement des moines, et que la donation que les moines en ont faite au tsar a été spontanée. Le moins qu’on puisse dire est, avec M. Nestlé, que toute cette histoire de la découverte et de la réception du Codex Sinaiticus est presque romanesque. E. Nestlé, Einfûhrung in das griechisches Neues Testament, Gœttingue, 1897, p. 28. C. R. Gregory, Prolegomena, p. 350-353, présente la défense de Tischendorf.

Le Codex Sinaiticus est un manuscrit de parchemin in-folio (43x37 cent.), comptant 346 feuillets 1/2. Chaque feuillet compte quatre colonnes, chaque colonne quarante huit lignes. Le parchemin est d’une extrême finesse, et fait de peaux d’ânes ou d’antilopes, croit-on. L’écriture est onciale, d’une admirable pureté, sans esprits, ni accents, ni majuscules, les initiales débordant seulement sur la marge. Les sectionnements du texte sont marqués par une ligne laissée en blanc. Tischendorf distingue quatre scribes différents qui auraient travaillé au Sinaiticus ; en d’autres termes, la copie du. manuscrit total aurait été partagée entre quatre copistes. Voir Gregory, p. 345 ; H. B. Swete, The old Testament in Greek, Cambridge, 1887, t. i, p. xxi. Le copiste qui a écrit à peu près tout le Nouveau Testament Ferait le même qui aurait copié ce que nous avons de la Genèse, et quelques autres portions de l’Ancien Testament ; les prophètes seraient l’œuvre d’un second copiste ; les livres poétiques reviendraient au troisième ; Tobie et Judith au quatrième. Puis, des mains de correcteurs seraient intervenues, cinq dans l’Ancien Testament, sept dans le Nouveau : la plus ancienne serait contemporaine de la confection du manuscrit, la plupart des autres seraient du vie-vne siècle, la plus récente du xiie.

Pour déterminer l’âge du Sinaiticus, on se fonde sur l’aspect de son écriture, qui est d’une onciale répondant à la plus ancienne qu’on connaisse. Le texte lui-même représente un état ancien : ainsi les douze versets de la finale de saint Marc (xvi, 9-20) manquent. Au Nouveau Testament sont joints l’épltre de Barnabe et le Pasteur d’Hermas, comme s’ils appartenaient au canon. Tischendorf a posé en thèse que le Sinaiticus avait été copié au milieu du ive siècle ; et il a énoncé l’hypothèse qu’il devait être un des cinquante exemplaires de la Bible que, au témoignage d’Eusèbe, Vita Constantini, iv, 36-37, t. xx, col. 1184-1185, l’empereur Constantin fit faire en 331, « par des copistes habiles dans l’art d’écrire » ; mais c’est aller trop loin, et il reste simplement que le Sinaiticus peut être du IVe siècle. Voir la discussion de V. Gardthausen, Griechische Palæographie, Leipzig, 1879, p. 133-148. On ne peut f ien conclure de la souscription qui, dans le Sinaiticus, se lit à la fin du livre d’Esther, et qui énonce que le texte en a été collationné sur i un très vieux exem-