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SINAÏ


politique, qui devait faire des enfants d’Israël une nation à part au milieu du monde, que furent déterminés tous les détails du culte divin, exécutés les objets sacrés qui devaient en être les instruments. Cf. Exod., xix-xl. C’est là que la race d’Abraham ajouta aux liens du sang ceux d’une législation qui en fît un peuple admirablement organisé, appelé à un rôle providentiel. On comprend dès lors l’impression profonde que ressent l’âme du voyageur en face de ces souvenirs, devant le spectacle grandiose des lieux qui les rappellent. « Je constate, dit le P. Lagrange, dans la Revue biblique, 1896, p. 641, qu’à ce moment les doutes s’évanouissent, une terreur religieuse s’abat sur les sens à l’aspect de cette montagne triple et une. Cette plaine, isolée dans le chaos des montagnes, paraît disposée comme un rendez-vous avec Dieu sur les hauteurs. Et cette impression n’est pas nouvelle, car du temps de sainte Sylvie, on tombait à genoux pour prier en apercevant la montagne de Dieu. Oui, il faut remercier Dieu d’avoir mis tant d’harmonie dans ses œuvres, d’avoir promulgué sa loi éternelle du haut de cet escabeau de granit, d’avoir répandu dans les esprits sa vérité pendant que sa lumière baignait les pics éblouissants, d’avoir parlé où il semble qu’on ne peut entendre que lui. Vraiment Dieu se révèle ici. La nature et l’histoire crient à l’envi et on est tenté de crier avec elles le nom du Seigneur Dieu. »

C) Du Sinaï à Cadès. — Les Israélites restèrent près d’un an au pied du Sinaï. De là ils se dirigèrent vers Cadès par une suite de stations qu’il nous reste à examiner. Pour atteindre ce point, ils pouvaient aller au nord-ouest franchir un des cols du djebel et-Tîh et gagner Qala’at en-Nakhl, ou prendre la route du nordest vers’Aqabah. Il y a tout lieu de croire qu’ils suivirent cette dernière direction. « La seconde année après la sortie d’Egypte, le second mois, le vingt du mois, la nuée se leva de dessus le tabernacle, et les enfants d’Israël partirent, division par division, du désert du Sinaï, et la nuée s’arrêta dans le désert de Pharan, midbar Pâ’rân. » Num., x, 11-12. Ce désert, dans un sens large, devait s’étendre jusque vers le massif du Sinaï, voir Pharan 1, col. 187, où le texte cité indique plutôt une direction générale.

La première station mentionnée Num., xxxiii, 16, est celle de Qibrôt hat-ta’âvâh, « les Sépulcres de concupiscence », ainsi nommée à cause du châtiment infligé aux Israélites à la suite de leurs murmures contre la manne, lors du second envoi des cailles. Num., xi, 4-6, 31-34. Beaucoup d’auteurs supposent que cette station est identique à celle de Tab’êrâh, ou « l’Embrasement », nom qui fut donné en raison de l’incendie d’une partie du camp, punition provoquée par les murmures du peuple contre Dieu et contre Moïse. Num., xi, 1-3. D’après les explorateurs anglais, le site le plus vraisemblable de Qibrôt hat-la’âvâh est celui d’Erweis el-Ebeirig à un peu plus de dix heures de marche lente du couvent de Sainte-Catherine. Pour y arriver, les Hébreux n’eurent qu’à suivre Vouadi Sa’al. Voir

    1. SÉPULCRES DE CONCUPISCENCE##

SÉPULCRES DE CONCUPISCENCE, Col. 1665.

La seconde station est celle d’Haseroth, hébreu : ffâsêrôf. Num.. xi, 34 ; xxxiii, 17. Elle est depuis longtemps identifiée avec’Ain H.adrah ou Ifudrah, à huit heures de la précédente. Voir Haséroth, t. iii, col. 415. A partir de là, il devient difficile de suivre l’itinéraire des Israélites. À Vouadi el’Ain, la route d"Aqabah tourne dans la direction du sud pour descendre vers la côte. Si les Hébreux avaient pris ce chemin, le texte aurait sans doute mentionné la mer. Ils durent gagner directement le plateau de Tih. Les stations indiquées sont les suivantes :

Rethma (hébreu : Rifmdh). Num., xxxiii, 18-19. Inconnue. Voir Rethma, col. 1076.

Remmonpharès (hébreu : Rimmôn Parés). Num.,

xxxm, 19-20. On cherche cet endroit au sud-est du djebel et-Tamad, à l’ouest de l’extrémité septentrionale du golfe d"Aqabah. Voir Remmonpharès, col. 1040.

Lebna (hébreu : Libnâh). Num., xxxiii, 20-21. Ce nom signifiant « blancheur » pourrait correspondre à celui A’el-Reida, « la Blanche », que porte une région située sur le bord de Vouadi Djérâféh. Voir Lebna 1, t. iv, col. 143, et Remmonpharès, col. 1040.

Ressa (hébreu : Rissdh). Num., xxxiii, 21-22. On croit généralement que c’est la Rasa de la carte de Peutinger ; elle serait à Vouadi Suega, au point où la route d"Aqabah à Gaza coupe en écharpe un chemin qui mènerait directement de Vouadi el-’Aïn à Lussân (Lysa) et à Gaza. Voir Ressa, col. 1061 ; cf. M. J. Lagrange, L’itinéraire des Israélites, dans la Revue biblique, 1900, p. 277-278.

Céélatha (hébreu : Qehêlâfdh). Num., xxxiii, 22. Cette station doit correspondre à la Gypsaria de la carte de Peutinger et à l’actuel Contellet Quréiyéh. Cf. M. J. Lagrange, op. cit., p. 277.

Mont Sépher (hébreu : har-Sâfér). Num., xxxiii, 23-24. Peut-être le djebel’Araïf, à six heures de Vouadi Quréiyéh. Voir Sépher (Mont), col. 1620.

Arada (hébreu : Eiâràdâh). Num., xxxiii, 24. Inconnue. Voir Arada, t. i, col. 873.

Macéloth (hébreu : Maqhêlôf). Num., xxxiii, 25-26. Inconnue. Voir Macéloth, t. iv, col. 479. Il y a probablement ici, de même que pour les deux noms suivants, un embarras textuel. Cf. M. J. Lagrange, op. cit., p. 278.

Thahath (hébreu : fâhat). Num., xxxiii, 26-27. Inconnue. Voir Thahath.

Tharé (hébreu : fârah). Num., xxxiii, 27. Inconnue. Voir Tharé.

Methca (hébreu : Mifqdh). Num., xxxiii, 28-29. Inconnue.

Hesmona (hébreu : #a3mô » iâh).Num., xxxiii, 29-30. Inconnue. Cependant on pourrait peut-être rapprocher cette station d’une ville frontière de Juda, Asémona (hébreu : ’Asemônâh), Num., xxxiv, 4, située à l’extrémité méridionale de la Terre Sainte. Il est vrai que l’orthographe des deux noms est différente, avec heth, , schin d’un côté, ’Ain et tsadé de l’autre. Mais les Septante pendent le texte massorétique très douteux et la situation des deux endroits nous conduit à peu près au même point. Or, Asémona a été identifiée avec les ruines qui sont proches de l’Ain Qaséiméh, à l’est du djebel iluweiléh. Voir Asémona, 1. 1, col. 1079. Nous sommes ainsi dans les deux cas tout près de Cadès. C’est une raison qui s’ajoute à celle du contexte pour admettre ici, Num., xxxiii, 30, une transposition, c’est-à-dire pour transporter les versets 36 b -41° après le ꝟ. 30°. Voir Moséroth, t. iv, col. 1318.

De cette façon, l’on arrive à Cadès, hébreu : Qàdès, Num., xxxiii, 36, bien identifié avec’Ain Qedeis. Voir Cadès 1, t. ii, col. 13. De Cadès, les Israélites redescendirent vers Asiongaber, Num., xxxiii, 36 b -41% 30 b -35, pour remonter du côté de Moab.

D) Remarque sur l’Itinéraire. — Nous terminerons ce tracé de l’itinéraire des Israélites par une simple remarque. Nous avons suivi pas à pas les Hébreux depuis la sortie de la mer Rouge jusqu’à la frontière de Palestine, à travers le dédale des chemins de la péninsule sinaïtique. Sans doute, bien des points restent obscurs ; toutes les stations ne peuvent être identifiées comme il serait possible de le faire dans un pays habité. Nous avons cependant des points de repère suffisants pour fixer avec une très grande probabilité la voie des enfants d’Israël. Il y a un tel accord entre la topographie de ce pays compliqué et les données bibliques qu’il est impossible d’y voir un pur effet du hasard. Si, comme le prétendent les rationalistes, le récit sacré n’était qu’oeuvre d’imagination, ou si la tradition hébraïque avait perdu tout souvenir du Sinaï