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SINAÏ


de toute civilisation ne pouvait lui donner un nom dans les annales des peuples. Seule, la richesse de ses mines devait attirer ses voisins d’Egypte, et c’est grâce à eux que nous pouvons remonter très loin dans l’histoire de ce petit coin de terre. Leurs inscriptions, en effet, depuis qu’elles sont déchiffrées, nous ont révélé un passé depuis longtemps inconnu. Il faut ajouter cependant que la Bible a entouré le nom de Sinaï d’une gloire qui a traversé les siècles jusqu'à nous. Mais la péninsule n’a été pour les Hébreux qu’un lieu de passage, qu’il ne nous ont pas suffisamment fait connaître. Il nous a fallu les voyages, surtout les explorations scientifiques de nos temps, pour pénétrer la nature et l’histoire de cette contrée. Ce que nous savons aujourd’hui nous permet de mieux comprendre le récit biblique. Nous rattachons cette histoire aux principaux peuples qui ont eu des rapports avec le Sinaï. 1° Les tribus primitives et les Égyptiens. — Les Égyptiens avaient appliqué à la contrée que nous avons décrite l'épithète caractéristique de Ta-Su, « le pays sec, le désert ». Ils donnaient à ses habitants le nom générique de Monitu. Cf. W. Max Mùller, Asien und Èuropa nach altâgyptischen Denkmâlern, Leipzig, 1893, p. 17-24. Ils les nommaient encore Hiru-Sditu, « les Seigneurs des Sables », Nomiu-Sdilu, « les Coureurs des Sables », et ils les rattachaient aux Amu, c’est-à-dire à la race sémitique. On retrouve, en effet, dans le type de ces barbares, celui des Sémites, tête forte, nez aquilin, front fuyant, barbe longue, chevelure épaisse et souvent frisée. Voir fig. 385. Leur vie était, à peu de chose près, celle des Bédouins actuels du Sinaï. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 350. On comprend que les richesses accumulées dans le Delta égyptien aient souvent excité leurs convoitises et leurs instincts pillards. Les annales de l’Egypte mentionnent, dés les commencements de l’histoire, leurs incursions et les précautions prises par les pharaons pour leur opposer une barrière. De bonne heure aussi, ils découvrirent, au flanc de leurs montagnes, des veines abondantes de minerais métalliques et des gisements de turquoises. Ces richesses excitèrent, à leur tour, la convoitise des pharaons, qui établirent de vive force dans les cantons miniers des escouades de travailleurs. L’ensemble de ces cantons, situés au nord-ouest, s’appelait Mafkaît, le pays des turquoises. Le district le plus anciennement exploré n'était pas très loin du rivage, ce qui rendait l’exploitation plus facile. On en parlait comme de la « contrée des Grottes », à cause des nombreuses galeries qui y avaient été creusées ; le nom actuel i’ouadi Uaghârah, « vallée de la Caverne », traduit donc simplement en arabe le vieux terme égyptien. Les Monitu défendirent leurs droits, mais ils succombèrent sous les coups des troupes égyptiennes, d’abord sous Smerkhet, roi de la première dynastie, puis sous Snefru, de la troisième. Les mines furent abandonnées de la VIe à la XIIe dynastie ; il faut ensuite venir jusqu'à la XVIIIe pour trouver un dernier monument de l’occupation. Les Égyptiens, en effet, ont laissé en cet endroit des bas-reliefs et inscriptions qui ont permis d’en refaire l’histoire. Les monuments se rapportent aux dynasties suivantes, avec les noms des rois qui y sont mentionnés ; I re dyn., Smerkhet ; IIIe, Sa-nekht, Zeser, Snefru ; IVe, Khufu (Khéops) ; Ve Sahu-Ra, Ra-n-User, Men-Kau-Hor, Assa ; VIe, Pepi I er, Pepi II ; XIIe, 'Amenemhat III, Amenemhat IV ; XVIIIe, Thothmès III. Aujourd’hui le site archéologique de Maghârah n’est plus qu’un souvenir ; les inscriptions, détachées des roches, ont été transportées dans les musées, les mines antiques sont détruites, un seul bas-relief est resté à sa place, celui de Smerkhet, qui fut, au début, sur ces murailles, la première empreinte d’un ait remarquable.

Les monuments que nous venons de signaler ne représentent qu’une partie de l’histoire égyptienne au Sinaï. Elle se déroule en même temps dans un autre centre minier, Sardbît el-Khâdim, qai devint important surtout sous la XIIe dynastie. C’est alors qu’on entreprit la construction du temple qui couronne le sommet du plateau, et qui, dans la suite, a été agrandi, restauré et orné par un grand nombre de souverains. Les ruines de cet édifice représentent, sur une longueur de 200 mètres, une suite de salles, de cours, de portiques, qui aboutissent au sanctuaire de Hathor, la déesse de ces lieux, entièrement taillé dans le roc. Ce qui frappe en cet endroit, c’est l’extraordinaire abondance des stèles de pierre, rassemblées dans les petites cours intérieures et annexes du temple, et qui donnent à Sardbît l’aspect d’un cimetière. Les représentations et inscriptions rappellent principalement les rois Amenemhat I, III, IV, de la XIIe dynastie, Thothès III, IV, Amenhotep III de la XVIIIe, Ramsès IV, VI, de la XXe. On trouve d’autres inscriptions sur paroi rocheuse, à l’entrée ou aux abords des mines. Une remarque importante a été fuite en explorant les ruines du temple. On a reconnu que, déjà avant l’arrivée des mineurs égyptiens, un culte purement sémitique se pratiquait sur la montagne, auquel les pharaons se conformèrent dans la suite. Les monceaux de cendres, les petits autels destinés » recevoir l’encens, les pierres coniques et les bassins à ablutions appartiennent, en effet, au culte en usage chez les Sémites, et non à celui des Égyptiens. Voir Archéologie, col. 1779. La Dame de la Turquoise était donc probablement la déesse Istar, qui devint pour les Égyptiens Hathor aux cornes de vache.

Nous n’ajouterons qu’un mot à ce rapide résumé. On a objecté contre le passage des Hébreux à travers la péninsule sinaïtique la crainte qu’ils devaient avoir de rencontrer à Maghârah ou à Sardbît el-Khddim les troupes égyptiennes. Il est facile de répondre qu’il n’y eut jamais au Sinaï de garnison permanente ni d'établissement de mineurs à longue durée. Les expéditions partaient d’Egypte ordinairement au mois de janvier et s’en retournaient à la fin de mars ou au mois d’avril, au commencement des grandes chaleurs. Les Israélites, en tout cas, n’avaient pas à redouter une poignée de soldats, venus pour escorter les ouvriers, encore moins quelques centaines de travailleurs, pour la plupart des prisonniers ou des esclaves, plutôt prêts à s’unir à ceux qui savaient secouer le joug. — Voir, sur cette partie de l’histoire : Ordnance Survey ofthe Peninsula of Sinaï, t. i, p. 168-193 ; G. Ebers, Durch Gosen zum Sinaï, Leipzig, 1881, p. 144-173, 459-467 ; Flinders Pétrie, Researches in Sinai, Londres, 1906, p. 34-121 ; R. Weill, Recueil des Inscriptions égyptiennes du Sinaï, Paris, 1904 ; La presqu'île du Sinaï, p. 141-183.

2° Les Israélites. — A) L’itinéraire : de la mer Rouge au Sinaï. — Nous indiquons seulement ici les différentes stations des Israélites à travers la péninsule, renvoyant pour les détails aux articles qui concernent chacune d’elles.

Au sortir de la mer Rouge, les Hébreux entrèrent dans « le désert de Sur », hébreu : midbar Sûr, Exod., xv, 22, ou » d'Étham », hébreu : 'Éfâm, Num : , xxxiii, 8. Le mot Sur veut dire « mur » ; c’est bien ainsi que durent leur apparaître les monts er-Râhah et et-Tîh qui bordent la plaine par laquelle s’ouvre au nordouest la presqu'île sinaïtique. Voir Sur ; Etham 2, t, ii, col. 2003. « Après avoir marché pendant trois jours, sans trouver d’eau, ils vinrent à Mara (hébreu : Mdrâh), dont ils ne purent boire les eaux, parce qu’elles étaient amères ; d’où le nom de Mdrâh qui fut donné à cet endroit. » Exod., xv, 22-23 ; Num., xxxiii, 8. Moïse adoucit mira-