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SINAÏ


fournit, par sa démolition, les matériaux du désert de sable : tels le Debbet er-Ramléh et quelques petites plaines ondulées, dans certains coins du granit et du grès.

Malgré leur rareté et la rapidité de leur écoulement, les pluies ne passent pas sur le désert sans alimenter une certaine circulation souterraine. Le sable, qui s’en imprègne, absorbe une partie de l’eau, qu’il rend plus ou moins vite. D’autre part, l’averse ne coule pas sur la surface des plateaux, le flanc des montagnes et des vallées, sans qu’il pénètre un peu de cette eau dans les couches profondes par les fissures superficielles. Circulant alors le long des pentes naturelles de drainage, elle se rassemble à la limite des couches imperméables et finit par sourdre à l’extérieur. Ce principe mécanique de la formation des sources s’applique, quoique dans une moindre proportion, à la péninsule sinaïtique ; mais l’application varie suivant la nature géologique du sol. Aussi distingue-t-on trois régions différentes au point de vue hydrologique. Au nord, le plateau calcaire du Tîh, peu élevé, ne reçoit qu’une petite quantité d’eau ; de plus, celle qui ne s’en va pas directement dans les ouadis du désert, et de là à la mer, se perd dans la profondeur des couches poreuses. La végétation y est donc très rare, et nous verrons que cette contrée a été plutôt faite pour la route des caravanes que pour l’habitation des hommes. De l’est à l’ouest, la région du grès a un relief très accidenté et une porosité beaucoup moins grande ; l’eau y estplus abondante, les sources y rendent le voyage assez facile, et, en d’autres endroits, l’humidité est suffisante pour que le sable des vallées produise de beaux arbres ou des broussailles qui servent de nourriture aux animaux. La vie nomade y est déjà possible. C’est également une région minière, que les égyptiens connurent de très bonne heure. Au sud enfin, dans la montagne granitique, se trouvent seulement réalisées les conditions les plus indispensables de la vie sédentaire. La neige qui, en hiver, tombe sur les hauts sommets, ruisselle lentement, d’un bout de l’année à l’autre, et l’eau se trouve retenue au fond des innombrables vallées et ravins ; partout où elle sort du sable, s’épanouit une belle végétation de caractère tropical. Ainsi sont formées les oasis, dont la plus étendue est celle de Féirân. Cet aperçu géologique nous montre déjà ce que sera dans l’histoire chacune des zones de la péninsule : le plateau de Tih, désert sans eau et sans végétation, simple voie de communication qu’on franchit rapidement ; la région du grès et des mines, station temporaire des travailleurs étrangers, des bergers et des nomades ; le massif granitique, district, à certaines époques, de la vie sédentaire. — Cf. E. Weill, La presqu’île du Sinaï, p. 1-74. On peut voir aussi, sur la géologie du Sinaï : F. W. Holland, Notes on the Geology of Sinai, dans Quart. Journ. of the Geolog. Soc, Londres, t. xxii (1866), p. 491-493 ; 0. Fraas, Ans dem Orient, Stuttgart, 1867, p. 5-32 ; H. Bauerman, Note on a Geological Reconnaissance made in Arabia Petrsea in the Spring of 1868, dans Quart. Journ. of the Geolog. Soc, t. xxv (1869), p. 17-38 et pi. i ; Raboisson, Contribution à l’histoire stratigraphique du relief du Sinai, et spécialement de l’âge des porphyres de cette contrée, dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, Paris, t. xcvi (1883), p. 282-285 ; Exploration géologique de la péninsule sinaïtique, dans le Bulletin de l’Institut égyptien, 1900, p. 25-31, 33-75 ; E. Hull, Memoir on the Geology and Geography of Arabia Petrxa, Palestine and adjoining districts, Londres, 1889, avec carte ; Mount Seir, Sinai and Western Palestine, Londres, 1889 ; J. Walther, Die Korallenriffe der Sinaihalbinsel, dans Abhandl. der kôn. sâchs. Ges. der Wissenschaft., t. xxiv (1888) p. 439-500, carte et planches ; W. F. Hume, The topo graphy and geology of the Peninsula of Sinai (South-Eastern Portion), Le Caire, 1906 ; T. Barron, The topography and geology of the Peninsula of Sinai (Western Portion), Le Caire, 1907, etc.

3° Climat, flore, faune. — Ce qui caractérise le désert, c’est l’irrégularité des pluies, toujours très courtes, abondantes et réparties dans d’étroites limites. En général, elles ne tombent guère qu’une vingtaine de jours par an, du mois de décembre au mois de mars. Lorsqu’un orage éclate, les eaux descendent des cimes et des versants dénudés de la montagne, se précipitent avec fracas au fond des gorges et des vallées, où elles forment promptement des torrents impétueux. La tourmente passée, le fleuve temporaire baisse rapidement, et, le lendemain, n’est plus qu’un filet d’eau que le sable finit par absorber. Les pluies d’hiver raniment ainsi, d’année en année, la maigre végétation de la péninsule. Alors la verdure reparait dans certains fonds, dans les plaines, parfois sur les flancs de quelques collines. Mais à partir de mars, le soleil donne une chaleur ardente, parfois le khamsin déchaîne des tempêtes de sable, l’humidité s’évapore et l’aridité dessèche les plantes, qui, quoique brûlées, servent cependant de pâture aux animaux. Nous avons vu néanmoins que le désert renferme de charmantes oasis. Voir Élim 1, t. ii, col. 1680 ; Raphidim, col. 980. Le ciel est presque toujours sans nuages, l’air est sec et pur, l’atmosphère d’une merveilleuse transparence, la lumière resplendissante. La température varie naturellement selon l’altitude et la saison, et surtout du jour à la nuit, entre lesquels le thermomètre marque quelquefois une trentaine de degrés de différence. Pendant la journée, la chaleur est tolérable sur les hauteurs, mais excessive dans les plaines et les vallées. Pendant la nuit, la rosée est parfois très abondante.

Les arbres paraissent partout où affleure l’eau. Les espèces principales sont : le palmier sauvage et le palmier dattier ; l’acacia seyal, le ëittîm des Hébreux, au tronc robuste, au bois très dur, quoique fort léger (voir Auacia, t. i, col. 101) ; le tamaris, lamanix rnannifera, le farfah des Arabes. Voir Manne, t. iv, col. 656. Dans les vallées de la région granitique méridionale, on rencontre la flore vigoureuse et variée de Youadi Feirdn, avec les tamaris, les-figuiers nabk, les palmeraies cultivées, dont les dattes sont recherchées à l’égal de celles de Tôr, de nombreuses espèces d’ari bustes et de buissons, au milieu des prairies baignées par le ruisseau. Dans les jardins du couvent de Sainte Catherine, on remarque des cyprès noirs de grande taille. Parmi les espèces de buissons domine, surtout dans le nord, le genêt blanc, Rétama Rœtam des botanistes, le rôpém des Hébreux, le rétém des Arabes. Voir Genêt, t. iii, col. 183. À la base des rochers, on trouve le câprier, capparis spinosa, le lasafdes Arabes. Parmi les plantes aromatiques, nous citerons : Yarlemisia judaica, arabe : ’abeithirân ; la myrrhe, pyrethrum santolinoides ; le fenouil, ferula sinaica, arabe : schômer. Pour compléter ces indications sommaires sur la flore sinaïtique, on peut voir : YOrdnance Survey of the Peninsula of Sinai, Southampton, 1869, 1. 1, p. 247-249 ; H. Chichester Hart, À Naturalist’s journey to Sinai, Petra and South Palestine, dans Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, Londres, 1885, p. 231-255 ; G. E. Post, Flora of Syria, Palestine and Sinai, Beirouth, s. d. (cf. H. Christ, Zur Flora der biblischen Lânder, dans Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, t. xxiii, 1900, p. 79-82).

Dans une contrée où l’eau est rare et la végétation maigre, on ne peut, s’attendre à voir la vie animale aussi développée que dans les régions plus favorisées par la nature. Elle existe cependant à un plus haut degré qu’on pourrait le croire au premier abord. Signalons seulement : le léopard, Felis leopardus, arabe :