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SINAI


appartient au plateau égypto-syrien, dont dépend la Palestine cisjordane et transjordane. Le massif cristallin, qui la domine de 1500 mètres, à une faible distance, se rattache à ceux qui bordent les deux golfes de Suez et d"Aqabah, du côté de l’Egypte et de l’Arabie. Il suppose donc une grande rupture géologique. Il forme, en effet, une sorte d’îlot arrêté de toutes parts à des lignes de rupture, resserré à l’est et à l’ouest par les deux effondrements rectilignes qui se rencontrent à angle aigu dans le grand fossé syrien (voir Palestine, Géologie, t. iv, col. 218), et se heurtant au nord au butoir égypto-syrien. Il est beaucoup plus rapproché de la falaise granitique de la côte arabique que de celle de la côte égyptienne. Lorsque ce massif polygonal eut surgi comme un coin, les assises sédimentaires quj le recouvraient se trouvèrent tellement fracturées et déformées par les dislocations que les agents atmosphériques finirent par les balayer entièrement. Alors la niasse cristalline des roches primitives apparut à nu sur le sommet et sur le flanc des montagnes qu’on appelle maintenant le dj. Serbal, le dj. Mûsa, le dj. Umm Somer, etc. (fig. 383). Cette dénudation s’accomplit avec uneinlensité décroissante en s’éloignant du noyau central, de telle sorte qu’en descendant vers le nord, on voit paraître d’abord les grès primaires reposant sur les granits, et, plus loin, les calcaires reposant sur les grès. Il en résulte une zone d’affleurement périphérique pour chaque étage de roches.

Depuis les environs de Suez jusqu’à 80 ou 90 kilomètres dans la direction du sud, la crête de la falaise de Tlh se tient régulièrement à une trentaine de kilomètres de la côte. La zone littorale est une plage soulevée, dont I’émersion est antérieure aux dépôts d’alluvion qui forment sa surface et reposent sur le gypse, constaté à’Ayûn Mûsa, puis affleurant plus loin, L’ouadi Gharandel (fig. 383), orienté vers le nord-est, présente la première ligne de rupture en relation avec le phénomène sinaïtique ; elle est transversale par rapport aux grandes lignes du versant, qui sont parallèles à la côte. C’est dans cette faille, au fond de la vallée, non loin de la mer, que jaillissent les eaux chaudes du Hammam Fir’ùn. La montagne qui porte le même nom est formée de calcaires jaune clair, revêtus, au nord et à l’est, d’une croûte peu épaisse de gypse argileux, dont le voisinage des sources sulfureuses explique la formation. A l’embouchure de Vouadi Tayibéh, on remarque, sur la rive gauche, un ample dyke de basalte, dont la couleur sombre contraste avec la blancheur des roches crayeuses environnantes ; c’est la première manifestation que nous rencontrons du vaste épanchement volcanique qui précéda, au Sinaï, les phénomènes de déplacements verticaux de l’écorce. Par l’ouadi Hamr, nous entrons dans la zone des grès. Il longe la base méridionale d’une hauteur, le Sarbut el-Djémel (fig. 383) dont le flanc oriental nous permet d’étudier la succession des terrains. On voit ainsi apparaître successivement sous les couches de calcaire les différents étages de grès secondaire et primaire, et, tout au fond, un affleurement de schiste ; au-delà, sur l’anticlinal, le terrain se relève et les grès réapparaissent dans le même ordre, puis, après une grande faille, orientée nord-nord-ouest, les assises reprennent leur horizontalité. Cette masse de grès comprend deux étages d’aspect différent : l’un, inférieur, est constitué par un grès tabulaire rouge foncé, assez tendre, auquel on a donné les noms de grès sinaïtique et grès du désert ; l’autre, supérieur, comprend un grès plus compact et plus dur, d’une teinte plus claire et identique au grès de Nubie. Entre les deux se trouvent de minces couches de grès métallifères renfermant des turquoises, comme on le voit à Sardbit et Kkâdim et à Maghdrah. Ces deux régions, intéressantes au point de vue historique, ne le sont pas moins au point de vue géologique.

Elles laissent voir, avec les différents terrains qui composent le sol sinaïtique, les failles qui en marquent la rupture. On remarque, en effet, dans cette partie occidentale de la péninsule, un système de failles principales et secondaires, parallèles à la côte. Les plus importantes. se suivent facilement dans les ouadis Schellal Buderah, Moltatteb, Feirân, Nasb, Sûwig, Khamîléh, etc., et ont ainsi, avec les progrés de l’érosion, donné naissance aux principales voies de la contrée. Il* nous suffira, pour présenter une idée de la structure et des accidents du terrain, de tirer une ligne partant du golfe de Suez et traversant la presqu’île jusqu’au plateau de Tih, en passant par les districts que nous venons de mentionner. Voir fig. 382. On y verra la succession et la superposition des différentes couches depuis le granit jusqu’aux épanchements basaltiques, les failles successives qui ont plissé le sol. Les mêmes phénomènes de rupture reparaissent, du côté de l’est, vers le fond du golfe d"Aqabah. La pointe méridionale de la péninsule est constituée par les roches de granit, porphyre, diorite, gneiss et différentes espèces de schistes.

Mais il nous importe maintenant de connaître les phénomènes principaux qui ont donné à la presqu’île sinaïtique sa forme actuelle. Trois grands agents, provenant de forces indépendantes, mais dont les effets se subordonnent les uns aux autres, ont exercé et exercent encore leur puissance pour modeler le massif géologique dont nous avons examiné la composition ; ce sont la chaleur, le vent et l’eau. Dans ce pays, la désagrégation superficielle des roches ne vient pas principalement, comme dans nos contrées, de l’humidité, que l’absence de végétation empêche d’agir profondément, et dont les effets sont simplement locaux, très lents et secondaires. Elle tient aux variations de température qui s’attaquent aux couches extérieures des minéraux, tandis que la température intérieure reste constante. Cette influence finit par ébranler, puis séparer par écaillement les matériaux. Les parties désagrégées tombent alors en morceaux au bas des pentes, pour former des éboulis, et c’est le cas le plus ordinaire dans les roches stratifiées, ou bien les parcelles détachées de la surface sont emportées par le vent, dont la puissance au désert est considérable. Cette seconde action mécanique, appelée ablation éolienne ou déflation, a une intensité considérable par sa continuité, s’exerçant en tout temps, et par sa généralité portant sur tous les matériaux. Enfin les pluies, irrégulières, toujours très courtes, mais très abondantes et souvent d’une extrême violence, continuent, par l’érosion, le travail des deux agents précédents. Les trombes d’eau balaient la surface des roches et les ravins avec d’autant plus de facilité qu’elles ne rencontrent la plupart du temps’aucun manteau de végétation, mais des éboulis mobiles. Ces différents phénomènes expliquent comment, à l’embouchure des vallées dans la plaine, le plus souvent au bord de la mer, s’étend un large éventail de débris de toute grosseur et de tout âge. Cette vaste zone de débris forme ainsi lisière tout autour du massif granitique dénudé, principalement au sud-ouest, où la grande plaine d’£ï-Qd’ah a été en partie conquise sur la mer par les. décombres issus des ravins. De même, en remontant vers le nord-ouest, le littoral est presque partout séparé du pied des montagnes par un glacis de déjections analogues : telles sont la plaine d’El-Markha et la. plaine côtière qui se rattache, à sa partie supérieure, aux soubassements calcaires du djebel et-lîh. L’ablation sèche d’une montagne stratifiée donne naissance au désert de pierres, débris de couches résistantes, fossiles, corps durs rebelles à la déflation, amoncelés en quantité croissante et provenant de tous les étages du massif détruit. De son côté, la montagne cristalline :