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SINAÏ


sente quelques traits orographiques bien saillants. Une chaîne dé montagnes, qui prend naissance à l’est des lacs Amers et du canal de Suez sous le nom de djebel er-Ràhah, se prolonge au sud-est, puis au nord-est jusqu’au golfe (V’Aqabah, sous le nom de djébél et-Tîh. C’est une vaste muraille, dont les deux parties se rencontrent à angle droit vers le centre de la péninsule et forment comme le saillant d’une immense forteresse. Ses plus grandes hauteurs vont de 1 000 à 1 200 mètres. Elle divise la presqu’île en deux zones bien distinctes. Au nord s’étend le Bâdiet et-Tîh ou « désert de l’Égarement ». Ce plateau calcaire, hérissé de collines et semé de galets, s’incline légèrement vers la Méditerranée. Il n’est guère coupé que par quelques ouadis, qui, sauf l’ouadi Djéraféh, tributaire de l’Arabah, constituent les ramifications de Vouadi el-’Arisch, ou « Torrent d’Egypte », dont l’embouchure est près du village du même nom, à mi-chemin entre l’ancienne Péluse et Gaza. Cette large vallée, sans eaux courantes, est cependant arrosée par l’eau des pluies en quantité suffisante pour que des bouquets de tamaris en atténuent çà et là la désolation. Le plateau de Tih n’en est pas moins une vaste solitude aride et nue. Il forme le prolongement méridional des terrasses de la Judée ; mais, en avançant vers le nord, les sources, les terres productives, les oasis deviennent plus nombreuses. Au sud-ouest et au pied du djebel et-Tîh s’étend une large zone plate et sablonneuse, appelée Debbet er-Ramléh, qui le longe comme le fossé d’une fortification. Surgit ensuite le massif triangulaire des montagnes sinaïtiques, qui avance sa pointe jusqu’à l’extrémité méridionale de la péninsule. C’est là que se trouvent le djebel Mûsa ou « montagne de Moïse » (2244 mètres d’altitude), flanqué au sud du djebel Katherin (2 602 m.), le sommet le plus élevé de toute la péninsule. Plus au sud, se dressent d’autres cimes, parmi lesquelles on distingue le dj. L’mm Schomer (2 575 m.), et le dj. Thebt (2403 m.). À droite et à gauche de cette ligne d’axe s’étendent les deux zones littorales, différentes d’aspect. Celle qui longe le golfe d"Aqabah se rapproche beaucoup du rivage, ne laissant entre la montagne et la mer qu’une étroite ceinture de terres basses. Cette chaîne côtière comprend en particulier le dj. Sôra et le dj. Samkhi, qui se dirigent parallèlement au littoral. Dans celle qui longe le golfe de Suez, les montagnes sont en général assez éloignées de la mer. On rencontre cependant sur le bord de celle-ci des hauteurs peu importantes comme le dj. Gabeliyéh et, plus au nord, le dj. Hammam Fir’ûn. À l’ouest du dj. Mûsa, s’élève le dj. Serbal (2052 m.), dont nous aurons à reparler. Ces montagnes du Sinaï, immense amas de granit, de gneiss et de porphyres, ont un relief extraordinaire et un aspect des plus grandioses, que E. Reclus, Asie antérieure, Paris, 1884, p. 712, décrit’ainsi, et dont la peinture de Gérôme, fig. 381, donne bien l’idée ; « Uniformes par la composition de leurs roches, les monts du Sinaï ne le sont pas moins par l’aridité de leur surface ; ils sont d’une nudité formidable ; leur profil à vives arêtes se dessine sur le bleu du ciel avec la précision d’un trait buriné sur le cuivre. Ainsi la beauté du Sinaï, dépourvue de tout ornement extérieur, est-elle la beauté de la roche elle-même : le rouge brique du porphyre, le rose tendre du feldspath, les gris blancs ou sombres du gneiss et du syénite, le blanc du quartz, le vert de différents cristaux donnent aux montagnes une certaine variété, encore accrue par le bleu des lointains, les ombres noires et le jeu de la lumière brillant sur les facettes cristallines. La faible végétation qui se montre çà et là dans les ravins et sur le gneiss décomposé des pentes ajoute par le contraste à la majesté des formes et à la splendeur de coloris que présentent les escarpements nus ; sur les bords des eaux temporaires dans les oua dis, quelques genêts, des acacias, des tamaris des petits groupes de palmiers ne peuvent en rien voiler la fière simplicité du roc. Cette forte nature, si différente de celle qu’on admire dans les contrées humides de l’Europe occidentale, agit puissamment sur les esprits. Tous les voyageurs en sont saisis ; les Bédouins nés au pied des moutagnesdu Sinaï les aiment avec passion et dépérissent de nostalgie loin de leurs rochers. »

A travers la région montagneuse, les ouadis et les vallées forment un réseau inextricable, qui la divise en massifs irréguliers. Citons à l’ouest, descendant vers le golfe de Suez : Vouadi Gharandel, Vouadi Feirân, qui contourne au nord le massif dominé par le mont Serbal et débouche sur la côte vers l’extrémité septentrionale du djebel Gabeliyéh, Vouadi Hebrân et Vouadi Isléh ; à l’est, vers le golfe d"Aqabah : Vouadi Kidd, Vouadi Nasb et Vouadi el-’Aïn. Les plaines sont rares et n’existent guère que le long de la côte occidentale. La première commence en face de Suez et s’étend dans la direction du sud-est sur une longueur de 90 kilomètres entre la mer et le pied delà montagne. Sablonneuse et nue, presque sans eau et sans végétation, elle mérite bien le nom de désert. Plus bas est la plaine à’el-Markha, séparée de la précédente par une chaîne de hauteurs qui ne laisse parfois qu’un étroit passage entre ses parois et la mer. Elle mesure environ 20 kilomètres de. longueur du nord au sud, et 8 kilomètres de largeur de l’est à l’ouest. Le sol noir et caillouteux, jonché de blocs de granit, de feldspath et de basalte, est en apparence stérile ; cependant les pluies d’hiver y font germer une végétation relativement abondante d’herbes et de broussailles. Enfin, un peu plus au sud, s’étend la vaste plaine d’el Qà’âh, séparée d’abord de la mer par le djebel Gabeliyéh, se prolongeant ensuite sans interruption jusqu’à la pointe méridionale de la péninsule. C’est une plage soulevée, haute de 800 mètres environ à la base des montagnes et inclinée régulièrement vers le rivage. Dans l’intérieur du massif, signalons la plaine A’er-Râliah, au pied du djebel Mûsa. — Le régime hydrographique n’est représenté dans la presqu’île sinaïtique que par des sources et les lits sinueux des ouadis, qui ne laissent couler que les pluies d’hiver et les torrents déversés par les orages. Les plus fameuses sources sont celles A"Ayûn Mûsa ou « Fontaines de Moïse », situées à environ 20 kilomètres au sud-est de Suez, sur le littoral ouest de la péninsule. Légèrement thermales, elles entretiennent une riche végétation dans les jardins qui les entourent. Plus au sud, sur la même côte, se trouvent les sources thermales sulfureuses du Hammam Fir’ûn ou « Bains de Pharaon », et, près de Tôr, celles du Hammam Mûsa ou « Bains de Moïse ». Sur d’autres points de la péninsule, des sources créent de véritables oasis, notamment à Vouadi Gharandel, à Vouadi Feirân, dans les vallées du djebel Mûsa. — Sur cet aspect général de la péninsule sinaïtique, on peut voir : A. P. Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, p. 3-19 ; Vivien de Saint-Martin, Dictionnaire de géographie universelle, Paris, 1879-1895, t. v, p. 943-944 ; P. Loti, Le désert, Paris, 1895 ; A. Sargenton-Galichon, Sinaï, Ma’dn, Pétra, Paris, 1904, p. 1-145, etc.

2° Formation géologique. — Les deux zones nord et sud de la presqu’île diffèrent géologiquement comme elles diffèrent topographiquement. (Voir fig. 382. D’après Hull, Geology of Arabia Petrsea. Frontispice.) Le plateau de Tih est une table calcaire qui a très peu souffert de l’érosion, tandis que le massif montagneux du sud constitue un formidable amas de roches cristallines, granits et porphyres, dont les parties élevées sont dénuées de tout revêtement sédimentaire, mais sur les marges duquel apparaissent, en bandes irrégulières, des roches métamorphiques, des schistes variés et d’importantes formations de grès. La table calcaire du Tih