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PETRA


monopole des transports et la décadence de Pétra commença. Sous les empereurs byzantins, ce n'était plus qu’une simple bourgade. Les Arabes achevèrent sa ruine au vn c siècle, lorsqu’ils en furent devenus maîtres, et elle devint bientôt un lieu de désolation complète. Au moyen âge, entre les années 1260 et 1277, elle reçut la visite du sultan d’Egypte Bibars, qui fut frappé, lui aussi, de la coloration de ses rochers et de ses monuments taillés dans le roc. Voir Quatremère, Mémoire sur les Nabatéens, dans le Journal asiatique, 1835, t. xv, p. 31-34. Puis on la perdit complètement de vue. Elle n’a été retrouvée qu’en 1812, par le célèbre explorateur allemand Burckhardt. Ce furent deux Français, L. de Laborde et Linant de Bellefonds qui levèrent, en 1830, le premier plan exact des ruines ; non sans péril, car les Bédouins qui habitent ou fréquentent ces parages sont agressifs, superstitieux et pillards. On compte les visiteurs qui s’y sont succédé à d’assez rares intervalles. Voir leur liste dans Libbey, The Jordan Valley, t. ii, p. 325. L’antique Séla' n’est plus habitée aujourd’hui que par quelques misérables familles, qui vivent dans les tombes. Elle a eu sa part de la malédiction lancée contre l’Idumée. Cf. Jer., xlix, 14-19. — Au commencement du Ve siècle de notre ère, Pétra était un siège métropolitain, qui dépendait du patriarcat de Jérusalem. On ignore à quelle époque et dans quelles circonstances le christianisme y avait pénétré. La tradition d’après laquelle saint Paul serait venu à Pétra lorsqu’il se retira en Arabie après sa conversion, cf. Gal., i, 17, pourrait bien n'être qu’une légende.

IV. État actuel. — Bien que Pétra ne soit plus aujourd’hui qu' « un immense tombeau », E. Reclus, loc. cit., p. 797, ses ruines comptent parmi les plus remarquables que nous ait léguées l’antiquité.

De la cité même, bâtie dans la vallée, il ne reste à peu près rien. Elle a été « tellement bouleversée, qu’en certains endroits il est difficile de retrouver les traces des rues, des places ou des carrefours. Un grand temple bien délabré, les débris des décorations qui ornaient la voie triomphale sur les bords d’un oued lesséché, des culées de ponts, quelques colonnes et des dizaines d’hectares de pierres culbutées pêle-mêle, sous lesquelles s’abritent des légions de serpents et de scorpions, voilà, à l’heure présente, l’antique ville » de Pétra. Voir la Revue des deux mondes, avril 1907, p. 824.

Dans la partie méridionale de l’emplacement de la cité, on distingue en particulier une plate-forme qui paraît avoir été l’agora ou le forum, les restes d’un temple, un arc de triomphe et surtout, tout à fait à l’ouest, le Qasr Fir’aoûn ou « Château de Pharaon », vaste édifice carré qui était probablement un temple. C’est l'édifice le mieux conservé de la ville proprement dite ; mais son style n’a rien d’extraordinaire, et il date sans doute d’une époque relativement tardive. Au sud-est an admire, entièrement taillé dans le roc, un amphithéâtre qui a jusqu'à 33 rangées de gradins, et qui pouvait contenir 3000 spectateurs. Dans la partie septentrionale, au nord de la rivière, spécialement du côté 8e l’est, on voit quelques-uns des monuments les plus somptueux de Pétra. Ce sont des tombeaux également creusés et sculptés dans le rocher : entre autres, une grande tombe à trois étages de colonnes — on en compte jusqu'à dix-sept au second étage — une tombe corinthienne, un autre tombeau muni d’une terrasse et de nombreuses colonnes doriques. Dans toutes les directions, et particulièrement au nord et à l’ouest du parallélogramme formé par la vallée, les. montagnes qui entourent Pétra sont remplies de tombes plus simples, taillées elles aussi dans le rocher et ne présentant aucun ornement extérieur. On peut les compter par milliers. Les tombes plus riches sont élégamment

ornées de façades, de colonnes ou de pilastres, de frontons, etc. Le tout est monolithe, le grès se prêtant aisément, par la souplesse de son grain, à toutes sortes de sculptures. L’architecture de ces divers édifices est extrêmement variée : on y trouve les styles égyptien, syrien, grec, romain. Les tombes sont souvent superposées et elles atteignent presque les sommets les plus élevés des montagnes ; on avait pratiqué des escaliers dans le roc, pour arriver jusqu'à elles. En un endroit, on voit un vrai colombarium. Quelques tombeaux ont 10, 15, 20 m. de hauteur. Parfois, la chambre sépulcrale était de dimensions considérables ; une entre autres, qui a de 10 à 12 m. de haut et 18 iii, de large.

Quelques-uns des monuments de Pétra sont en dehors de son enceinte. Dans le Sik, à une certaine distance de la ville, on aperçoit tout à coup, avec une légitime admiration, à un tournant du défilé, le Kaznéh Fir 32. — Kaznéh Firaoùn. D’après une photographie.

aoûn ou « trésor de Pharaon », taillé dans la paroi rose du rocher et orné de deux rangées de colonnes superposées, avec des bas-reliefs dans l’intervalle ; il est dans un état de conservation remarquable, et c’est une véritable merveille dans ce désert (fig. 32). C’est une tombe d’ordre corinthien ; les salles intérieures sont très simples. Dans la direction opposée, au nordest et environ à une heure de marche de la ville, on trouve le Deir, le « couvent », qui reproduit en grand et avec moins de grâce le plan du Kaznéh. Ses proportions sont colossales : 45 m. de développement sur 40 de hauteur ; l'église de la Madeleine à Paris n’est pas aussi grande. Ainsi qu’il a été dit plus haut, quelquesunes des tombes remontent vraisemblablement jusqu'à l'époque lointaine des Horréens. Deux Hauts-Lieux, découverts récemment, l’un au sommet d’une montagne qui domine la vallée de Pétra, l’autre à l’ouest, du côté du mont Hor, sont pareillement très anciens. Sur le premier, voir Palestine Exploration Fund Quarlerly Statement, octobre 1900 ; Mittheilungen des deutsch. Palàstina Vereins, 1901, n. 2, p. 21, et surtout la Revue biblique internationale, t. xii, avril 1903, p. 280-288. La plupart des édifices proprement dits ne datent que du dernier siècle antérieur à notre ère ou des deux premiers siècles après J.-C.