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SINAI


l’historien sacré ? — 3° En supposant même que les trois jours partent de la limite du désert, Cadès est certainement plus éloigné, et cette donnée à elle seule fait tomber les conjectures critiques. — 4° Massa et Mériba sont deux noms distincts qui se trouvent associés, Exod., xvii, 7, par une sorte de liaison proverbiale. L’histoire complète de Mériba est Num., XX, 1-13. Là, Mériba est appelée mê Meribah (Vulgate : Eau de contradiction, cf. t. ii, col. 1523) ; plus loin, Num., xxvii, 14, mè-Merîbat Qâdês, « les eaux de contradiction de Cadès », de l’endroit où se passa la scène, semblable à celle de Raphidim. Ce nom est donc venu se joindre à celui de Massa dans le récit de l’Exode, xvii, 7, à cause de la similitude des événements. C’est peut-être le fait d’un glossateur ; la Vulgate n’a pas ce mot, soit que saint Jérôme ne l’ait pas trouvé dans son texte, soit qu’il l’ait reconnu comme n’étant pas à sa place. Si Mériba équivaut à Cadès, il n’est donc pas juste de voir Méribat-Cadès dans le passage en question.

On ajoute d’autres arguments tirés du Deutéronome. Il est dit, Deut., i, 2, qu’il y a « onze jours de l’Horeb dans la direction du mont Séir jusqu’à Cadès Barné. » M. von Gall voit là une glose, dont il cherche l’explication ; puis il se demande, op. cit., p. M, « depuis quand l’on va de l’Horeb à Cadès par le mont Séir. » La marche indiquée ici ne se comprend que si l’on place la sainte montagne sur la côte occidentale de l’Arabie. — Notre auteur raisonne d’après l’hypothèse qui identifie le mont Séir avec le djebel Scherra, la chaîne de montagne qui s’étend à l’est de Y’Arabah, entre la mer Morte et le golfe d"Aqabah. Dans ce cas, on pourrait encore, à la rigueur, comprendre la route qui va de l’Horeb dans la directionde Séir, non pas en le traversant, jusqu’à Cadès. En partant du Sinaï, l’on se dirige vers le nord-est, c’est-à-dire vers le mont Séir. Mais une nouvelle hypothèse, qui parait bien appuyée, coupe court à toute difficulté en plaçant cette montagne, non pas à l’est, mais à l’ouest de Y’Arabah, dans le massif qui avoisine’Ain Qedeis. Les onze jours, qui semblent à M. von Gall trop longs de l’Horeb traditionnel à Cadès, sont, au rapport des voyageurs, la distance exacte du djebel Mûsa à Mm Qedeis.

Enfin le même système s’appuie sur Deut., xxxiii, 2, dont le texte porte, d’après les justes corrections de la critique :

Jéhovah est venu du Sinaï,

Il a brillé pour son peuple de Séir,

Il a resplendi du mont de Pharan,

Il est venu à (mieux de) Méribat Qadès.

On tire de ce passage les mêmes conclusions que de Deut., i, 2 : la route de Cadès par Séir a comme point de départie Sinaï de la côte occidentale de l’Arabie ; aucun autre chemin ne conduit en Palestine. Cf. A. von Gall, op. cit., p. 11. Nous répondons que les étapes divines sont beaucoup plus naturelles en plaçant le Sinaï dans la péninsule et le mont Séir au sud de la Palestine ; elles vont directement du sud au nord. Si on lit : « de Meribat Qadès », Dieu se rendant en Palestine, la route : Madian, Séir, Pharan, Cadès, est impossible.

D’après Beke, Gunkel, Gressmann, la théophanie sinaïtique d’Exod., xix, ne serait que la peinture d’une éruption volcanique, tellement fidèle qu’il faut chercher à cet épisode un fondement historique véritable. Aussi E. Meyer, Die Isrælilen und ihre Kachbarslàmme, Halle, 1906, p. 69, est-il heureux de constater que les volcans sont nombreux dans l’Arabie occidentale, notamment au sud-est de Madian, sur la route de Tebûk à la Mecque par Médine. Répondons en deux mots qu’on fausse le récit biblique en y voyant la description d’un phénomène naturel ; ensuite ^que, même dans cette hypothèse, il ne serait pas nécessaire

d’aller si loin chercher des volcans, puisqu’il y en a dans le voisinage de la Palestine.

Contre les partisans de la seconde opinion, qui place le Sinaï aux environs de Cadès, nous invoquerons d’abord l’autorité du catalogue de Num., xxxiii, dont les données s’appliquent incontestablement à la péninsule sinaïtique. De plus, certains textes s’opposent formellement à la proximité des deux endroits : les « onze jours de l’Horeb à Cadès Barné dans la direction du mont Séir, » Deut., i, 2 ; « le grand et terrible désert » par lequel les Hébreux ont passé pour se rendre à Cadès. Deut., i, 19. R. Weill, Le séjour des Israélites au désert, p. 69, admet également le voyage direct des Israélites de la mer Rouge à Cadès, sans passer par le Sinaï. Nous avons déjà réfuté cette assertion. Pour prouver sa thèse, ii ramène autour de Cadès toute l’histoire primitive du peuple juif, en même temps que les différentes tribus avec lesquelles celui-ci fut en contact, Madianites, Amalécites, Cinéens ; il va jusqu’à douter du séjour d’Israël en Egypte, tel que le rapporte le récit mosaïque. Nous ne nions pas l’importance de Cadès dans cette histoire des origines, et nous avons reconnu qu’il ne faut pas limiter trop étroitement le territoire des tribus en question. Mais donner toute l’importance à Cadès, pour refuser au Sinaï une localisation précise, pour en faire « un lieu redoutable, une montagne de flamme où réside le dieu, que nul homme vivant n’a jamais visitée…, » pour voir, en un mot dans Sinaï-Horeb « un concept mythologique » (R. Weill, op. cit., p. 54-55), c’est là une exégèse avec laquelle nous ne pouvons même pas discuter. Nous ne trouvons aucun appui solide sur le terrain qu’elle nous offre, avec un remaniement et un agencement du texte biblique au sujet desquels nos adversaires ne savent pas toujours s’entendre, avec le bouleversement radical de l’histoire et le pur subjectivisme des hypothèses. Il est facile, avec une pareille méthode, d’accuser d’ignorance géographique les auteurs des documents qui, d’après la critique, nous racontent le voyage des Hébreux à travers le désert. Nous avons vu cependant que, dans ses grandes lignes au moins, la tradition qu’ils nous ont conservée, peut se suivre jusqu’à une période assez lointaine de l’histoire, et qu’elle maintient l’emplacement du Sinaï dans la péninsule qui porte son nom. Il est étrange, en vérité, d’entendre nos contemporains affirmer que les Hébreux n’ont pas connu ce pays, ouvert depuis longtemps aux Égyptiens, sillonné par les tribus nomades, ou qu’ils ont oublié, au cours des siècles, le lieu qui tient une des plus grandes places dans leur histoire. — On peut voir sur cette controverse M..-J. Lagrange, Le Sireat biblique, dans la Revue biblique, 1899, p. 369-389.

Nous aurions à chercher maintenant quel est, parmi les sommets de la péninsule, celui qui représente, d’une façon plus ou moins probable, le Sinaï. Notre recherche sera plus facile lorsque nous aurons décrit cette pointe de terre, d’ailleurs si remarquable.

III. Géographie de la péninsule. — 1° Configuration physique (voir fig. 380). — La péninsule du Sinaï forme un triangle dont les sommets sont marqués : au sud par le Râs Mohammed, au nord-est par le fond du golfe à"Aqabah, au nord-ouest par l’extrémité septentrionale du golfe de Suez. La ligne directe qui relie la pointe sud à la pointe nord-est mesure 198 kilomètres ; celle qui la relie à la pointe nord-ouest a 320 kilom. ; celle qui relie les extrémités nord-ouest et nord-est en a 250. Les limites sont nettement fixées à l’est et à l’ouest par les deux golfes ; mais elles sont indécises au nord, et, suivant qu’on y comprend une partie plus ou moins grande du plateau désert de Tih, la superficie varie entre 25 000 et 35000 kilomètres carrés. La presqu’île a exactement la forme d’une pointe de flèche qui s’avance dans la mer, et elle pré-'