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SIN (DÉSERT DE)


l’extrémité occidentale de Debbet er-Ramléh, et après avoir coupé plusieurs vallées latérales, rejoint la route de la côte à trente-huit kilomètres du Sinaï. Dans cette hypothèse le désert de Sin serait le Debbet er-Ramléh, grande plaine de sable qui s'étend au pied du Djebel et-Tih. On peut dire, il est vrai, qu’il est justement au milieu entre l’ouadi Gharandel (Élim) et le massif granitique du Djebel Mouça (Sinaï), en conformité avec l’Exode, xvi, 1 ; mais cet itinéraire est dépourvu de tout souvenir local ; il va contre toutes les données traditionnelles, et il est beaucoup moins praticable pour une grande multitude. Au contraire, la route qui suit la mer Rouge, et traverse la plaine d’el-Markha, est plus praticable pour une multitude aussi considérable que celle des enfants d’Israël ; elle est mieux approvisionnée d’eau ; elle est, de plus, la seule qui passe par l’ouâdi Feiran, avec lequel, dès une haute antiquité, on a identifié Raphidim. Voir Raphidim, t. v, col. 982. En outre, l’identification du désert de Sin avec la plaine <ïel-Markha, qu’on trouve sur cette route, jouit de la faveur de la tradition chrétienne et des préférences de presque tous les savants d’aujourd’hui. La Peregrinatio Sylviee (vers l’an 385), édit. Gamurrini, p. 140, qui en est le premier écho, identifie le désert de Sin avec une vallée large de six mille pas romains ou neuf kilomètres et d’une longueur beaucoup plus grande. La description de la pèlerine est un peu confuse, parce que les montagnes, dont elle parle, ne cadrent guère avec ce désert. Mais on doit avouer que l’unique plaine de cette dimension, qu’elle a pu, rencontrer sur son chemin entre Pharan et Élim, est la plaine d’el-Markha. Saint Jérôme, vers la même époque, indique le désert de Sin entre la mer Rouge et le désert du Sinaï, et plus précisément entre la mer Rouge et Raphidim, De situ et nomin. hebr., t. xxiii, col. 920 ; ce qui nous amène à la plaine d’el-Markha. Ailleurs, cependant, en parlant de toutes les quarante-deux stations des Israélites dans le désert, il dit que la région entière jusqu’au Sinaï s’appelait « désert de Sin ». Cf. Epist. lxxii, ad Fabiolam, t. xxii, col. 705. On trouve cette dernière opinion répétée parmi les auteurs jusqu'à Adrichomius, Pharan, n. 90. Parmi les voyageurs et les savants modernes, l’identification du désert de Sin avec la plaine d’el-Markha est adoptée par Lengerke, Robinson, Ritter, Kurtz, Stanley, Strauss, Bartlett, Ebers, Vigouroux, et beaucoup d’autres. Cf. Bartlett, From Egypt to Palestine, p. 213. Palmer, Ebers, après Robinson, ont appuyé cette identification sur divers arguments. Cf. Lagrange, dans la Revue biblique, 1900, p. 84. Notons, en passant, que l'étymologie même semble favoriser une opinion traditionnelle aussi généralement répandue. Sin, en hébreu, veut dire « boue ». Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 947. Même aujourd’hui, l’aspect topographique de la plaine d’el-Markha, peut justifier jusqu'à un certain point l’appellation de « désert boueux » qu’on lui aurait donné à l'époque de l’Exode.

II. Description. — La plaine d’el-Markha commence à une distance de seize kilomètres au sud de l’ouadi Taiyibéh. Au nord, elle est limitée par les masses sombres du Djebel el-Markha aux flancs bigarrés ; au midi, elle se rattache au désert d’el-Qaah ; à l’est, elle a pour limite le massif granitique entrecoupé par divers ouadis ; à l’ouest enfin elle aboutit à la mer Rouge. La plaine mesure environ vingt-deux kilomètres de longueur du nord au sud, et a une étendue de huit kilomètres de lest à l’ouest. L’aspect de la plaine est tout à fait stérile pendant la plus grande partie de l’année ; cependant les pluies d’hiver y font germer une végétation relativement abondante, qui consiste en herbes et en broussailles, parmi lesquelles se trouvent les premiers acacias seyals. Le sol, noir et caillouteux, contient beaucoup d’oxyde magnétique de fer et des grenats. Il est jonché de blocs de granit rouge, de

feldspath rose et de basalte, charriés, aux temps préhistoriques, de l’intérieur du pays. À ce propos, notons qu’au sud de l’embouchure de l’ouadi Babah, plusieurs éperons de la montagne portent des las de scories de minerais de cuivre et des vestiges de hauts-fourneaux. M. Pétrie suppose que les mineurs égyptiens avaient transporté là les, minerais de l’ouadi Babah et de l’ouadi Nasb où les broussailles sont rares, pour les fondre au bord de la plaine d’el-Markha abondante en combustible. Cf. Flinders Pétrie, Researches in Sinai, Londres, 1906, p. 18. à l’extrémité septentrionale de la plaine coulent deux sources, celle de l’Ain-Dhafary dont l’eau est douce, et celle de l’Aïn-Markha, dont l’eau est aujourd’hui très saumâtre. Autour de cette dernière, marquée par un palmier, existe une dépression du sol, qui, dans les temps plus reculés, devait constituer un marais. Cf. "Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1896, t. ii, p. 460 ; Meistermann, Guide du Nil au Jourdain par leSinaïet Pétra, Paris, 1909, p. 65.

III. Histoire. — Le désert de Sin est devenu particulièrement célèbre dans l’histoire sacrée par la manne qui y tomba pour la première fois. Les enfants d’Israël y campèrent le quinzième jour du second mois après la sortie d’Egypte, Exod., xvi, 1 ; et ils avaient probablement dressé leurs tentes près de YAïn-Dhafary, qui est à vingt-deux kilomètres environ de l’ouadi Taiyibéh. On trouvait en cet endroit l’eau nécessaire au camp ; on y trouvait aussi les maigres pâturages du désert pour les troupeaux, mais rien pour les hommes. Alors toute la foule des enfants d’Israël murmura contre Moïse et Aaron, Exod., xvi, 2-3, manquant ainsi de confiance en Dieu. Le Seigneur leur envoya, pour les nourrir, la manne, qui, pendant quarante ans, à partir de ce jour, ne leur fit jamais défaut jusqu'à l’entrée dans la Terre Promise. Exod., xvi, 4, 13-15, 31, 35 ; cf. Num., xi, 7-9 ; voir Manne, t. iv, col.656663 ; Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., t. i, n. 374, p. 759. La veille du jour où Dieu avait fait pleuvoir la manne, il avait aussi envoyé à son peuple, dans le désert de Sin, des volées de cailles. Exod., xvi, 12-13. Voir Caille, t.. ii, col. 33-37. Dans la suite., il n’est plus question de ce désert de Sin dans la Bible.

A. Molini.

2. SIN (hébreu : midbàr-$in ; Septante : spr)|j.oç S(v, Num., xiii, 22 ; xx, 1 ; xxvii, 14 ; xxxiii, 36 ; xxxiv, 3 ; Deut., xxxii, 51 ; Jos., xv, 18), nom du désert qui, d’après les Nombres, xxxiii, 36, fut la trente-troisième station des enfants d’Israël, pendant leur voyage du pays d’Egypte à la terre de Chanaan. L’opinion générale est aujourd’hui que le désert de Sin dont il est question dans l’Exode, xvi, 1 ; xvii, 1, et dans' les Nombres, xxxiii, 11, est différent du désert de Sin mentionné dans les passages des Nombres, du Deutéronome, et de Josué, cités plus haut. C’est ce que prouve l’orthographe même des deux noms en hébreu, où le premier s'écrit avec un samech, et le second avec un tsadé. S. Jérôme, Epist. lxxii, ad Fabiolam, t. xxii, col. 716 ; Gesenius, Thésaurus, p. 977, 1165. D’après les renseignements explicites du texte sacré, Exod., xvi, 1, le premier désert de Sin était « entre Élim et le Sinaï s ; l’autre, au contraire, est indiqué dans la partie septentrionale du désert de Pharan, Num., xiii, 1, 22 : où était Cadès, xx, 1 ; xxvii, 14 ; xxxiii, 36 ; à la limite occidentale du territoire d'Édom, xx, 16 ; et à la limite méridionale du pays de Chanaan, xxxiv, 3. Voir Cadès, t. ii, col. 21 ; Pharan, t. v, col. 189. Cf. Quaresmius, Elucidatio Terrse Sanclse, Venise, 1881, t. ii, p. 741.

Le désert de Sin, dont il est question ici, occupait donc la partie septentrionale du désert de Pharan, c’est-à-dire la région montagneuse qui formait en grande partie le pays des Amorrhéens, et en même