Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/851

Cette page n’a pas encore été corrigée
1667
1668
SÉPULTURE


les autres âmes. » Lagrange, Études sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 331. Le sort de celui qui gisait sans être enseveli était déplorable. Le poème de Gilgamès se termine par cette remarque : « Celui dont le cadavre gitdans la campagne, l’as-tu vu ? — Je l’ai vu : son ombre ne repose pas dans la terre ! — Celui dont l’ombre n’a pas quelqu’un qui s’en occupe, l’as-tu vu ? — Je l’ai vu : les rogatons du pot, les restes de la nourriture qui gisent dans la rue, il mange ! » Cf. P. Dhorme, Choix de textes religieux assyriens-babyloniens, Paris, 1907, p. 325. La dépouille du mort ne devait pas être changée de place. Il fallait empêcher que la lumière du soleil pénétrât jusqu’à elle. On tenait enfin à ce que le mort fût enseveli auprès de ses ancêtres. Assurbanipal dit des rois d’Élam, contre lesquels il exerçait sa vengeance : « J’ai emporté leurs ossements en Assyrie ; j’ai privé leurs esprits de repos, je les ai privés d’aliments et de libations. » Cf. Keilinschriflliche Bibliothek, t. ii, p. 206. Les Égyptiens étaient également convaincus de la nécessité d’inhumer ensemble et dans leur pays ceux d’une même famille. Dans le conte de Satni-Khamoîs, l’aventure se termine par l’ordre donné au violateur d’une tombe de ramener à Memphis les momies d’Ahouri et de Maihêt en exil à Coptos, et de réunir ceux que la colère de Tliot avait tenus séparés. Cf. Maspero, Les contes populaires de l’Egypte ancienne, p. lxi, 129.

3° Chez les Grecs et les Romains. — Les idées du monde oriental sur la nécessité de la sépulture ont été complètement partagées par le monde gréco-romain. « L’âme qui n’avait pas son tombeau n’avait pas de demeure ; elle était errante. En vain aspirait-elle au repos, qu’elle devait aimer après les agitations et le travail de cette vie ; il lui fallait errer toujours, sous forme de larve ou de fantôme, sans jamais s’arrêter, sans jamais recevoir les offrandes et les aliments dont elle avait besoin. Malheureuse, elle devenait malfaisante. .. On craignait moins la mort que la privation de sépulture. C’est qu’il y allait du repos et du bonheur éternel. Nous ne devons pas être trop surpris de voir les Athéniens faire périr des généraux qui, après une victoire sur mer, avaient négligé d’enterrer les morts… Dans les cités anciennes, la loi frappait les grands coupables d’un châtiment terrible, la privation de sépulture. On punissait l’âme elle-même, en lui infligeant un supplice presque éternel. » Fustel de Coulanges, La cité antique, Paris, 1890, p. 10-12. Les chrétiens épurèrent ces idées à la lumière de la foi. Cf. H. Leclercq, Amendes dans le droit funéraire, dans le Dict. d’archéologie chrétienne et de liturgie, 1. 1, col. 1575-1598. — Ces idées sur la nécessité de la sépulture n’étaient pas spéciales aux anciens peuples dont les mœurs nous sont connues. Elles régnent encore chez la plupart des non-civilisés. À leurs yeux, la sépulture procure un double avantage : elle procure la paix aux morts et elle garantit les vivants contre les incursions malfaisantes des esprits mécontents de voir leurs corps privés de la sépulture convenable. Cf. A. Bros, Le problème de la mort chez les non-civilisés, dans la Revue du clergé français, l Br octobre 1908, p. 46-56.

II. La sépulture chez les Hébreux. — 1° Ceux qui en ont le moyen s’assurent la possession d’une sépulture de famille. Ainsi fait Abraham. Gen., xxiii, 4-20. Dans la caverne de Macpelah, à Hébron, viennent successivement reposer Sara, Abraham, et Isaac, ainsi <t réuni à son peuple ». Gen., xxxv, 29. Jacob, qui passe les dernières années de sa vie en Egypte, tient aussi à être réuni à son peuple et est inhumé dans la caverne de ses pères. Gen., xlvii, 29 ; xlix, 29 ; L, 5, 13. Joseph veut qu’un jour les Hébreux emportent ses ossements pour les faire reposer dans le pays que Dieu leur donnera. Gen., L, 25 ; Exod., xiii, 19 ; Jos., xxiv, 32.

On tenait beaucoup à être « réuni à son peuple », c’est-à-dire à reposer avec les siens, dans le lombeau de famille. Gen., xxv, 17 ; xxxv, 29 ; xlix, 32 ; I Mach., ir, 69 ; xiv, 30. Il est fréquemment rapporté que des personnages importants, surtout des rois, se sont couchés avec leurs pères, ou ont été ensevelis dans le sépulcre de leur père. II Reg., ii, 32 ; vii, 12 ; xvii, 23 ; xix, 37 ; III Reg., i, 21 ; ii, 10 ; xi, 21, 43 ; xiv, 20 ; xv, 8, 24 ; xvi, 6, 28 ; xxii, 40, 51 ; IV Reg., viii, 24 ; ix, 28 ; x, 35 ; xii, 21 ; xiii, 9, 13 ; xiv, 16, 20, 22 ; xv, 7, 22, 38 ; xvi, 20 ; - xx, 21 ; xxi, 18 ; xxiv, 5. — 2° C’était un châtiment que de ne pas entrer dans le sépulcre de ses pères ; on cherchait du moins à être enseveli en sainte compagnie. III Reg., xiii, 22, 31. — 3° On devait toujours donner la sépulture aux morts. Comme l’âme est dans le sang, voir Sang, col. 1451, le sang répandu, même celui d’un animal, devait être recouvert de terre. Lev., xvii, 13 ; Ezech., xxiv, 7 ; cf. Gen., iv, 10. Le supplicié devait être enterré le soir même. Deut., xxi, 23. On ne refusait pas la sépulture à des étrangers, II Mach., iv, 49 ; Matth., xxvii, 7, ni même à des ennemis. IV Reg., ix, 34. À plus forte raison la procurait-on aux autres. Les gens de Jabès, en Galaad, inhumèrent Saùl et ses fils, tués à la bataille par les Philistins, et David leur en sut grand gré. I Reg., xxxi, 11-13 ; II Reg., ii, 5-7. À la suite des combats, on donnait la sépulture aux morts. III Reg., xi, 15 ; II Mach., xii, 39-43. Tobie exerçait la charité envers les morts, en leur procurant la sépulture, et il en fut récompensé. Tob., i, 21 ; ii, 4-9. Il était recommandé expressément de donner les soins nécessaires au corps des morts et de ne pas négliger leur sépulture. Eccli-, xxxviii, 16. Notre-Seigneur ne contrevient pas à cette loi quand il recommande de laisser les morts ensevelir leurs morts. Matth., viii, 22 ; Luc, IX, 60. Il veut seulement que celui qui aspire à le suivre pour mener une vie parfaite ne s’attarde pas aux longues cérémonies des funérailles et ne s’expose pas au contact des morts, qui entraînait une impureté légale et séparait momentanément de la société. Ces choses n’avaient pas d’inconvénients pour les morts, c’est-à-dire pour ceux qui ne vivaient pas de la vraie vie spirituelle. — 4° La privation dé sépulture constituait une peine très grave. Elle fut infligée à Jézabel. IVReg., ix, 10. L’impie lamenterait ; ainsi l’Ecclésiaste, viii, 10, s’étonne-t-il que les impies soient ensevelis et entrent dans le repos. Isaïe, xiv, 19, 20, annonce au roi de Babylone un sort semblable à celui qu’Assurbanipal devait infliger au roi d’Élam :

Roi, on t’a jeté loin de ton sépulcre, Gomme un rameau qu’on méprise…

Comme un cadavre qu’on foule aux pieds… Tu ne seras pas avec eux dans la tombe.

Amos, ii, 1, reproche à Moab, comme une chose abominable, d’avoir brûlé les ossements du roi d’Édom pour en faire de la chaux, au lieu de les ensevelir. Jérémie menace fréquemment les Israélites infidèles de la privation de sépulture. Les os des rois, des prêtres et des prophètes seront tirés de leurs tombeaux, exposés devant le soleil et la lune qu’ils ont adorés et réduits à l’état d’engrais. Jer., viii, 1, 2. Par la famine et l’épée mourront ceux qui écoutent les faux prophètes, et personne ne leur donnera la sépulture. Jer., xiv, 16. Les coupables mourront, ils n’auront ni larmes ni sépulture, ils seront comme du fumier sur le sol et les bêtes de proie les dévoreront. Jer., xvi, 4, 6 ; xxv, 33. Le roi Joakim sera enterré comme on enterre un âne, qu’on traîne et qu’on jette hors des portes de la ville, et dont les chacals, les hyènes et les autres animaux de proie font leur pâture. Jer., xxii, 19. Un pareil sort semblait si déplorable qu*au jugement de l’Ecclésiaste, vi, 3, un avorton est plus heureux que celui qui, après une vie sans joie, est privé de sépulture. Les perse-