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SEPTANTE (VERSION DES)


séjour, que tous les Livres Saints de la Bible hébraïque n’étaient pas encore traduits en grec. Il laisse entendre que la loi, les prophètes et une partie au moins des autres livres, c’est-à-dire des hagiographes ou ketûbîm, avaient déjà passé en cette langue, puisque les étrangers mêmes peuvent devenir par leur moyen très habiles à parler et à écrire, puisque ces livres aussi présentent une très grande différence, lorsqu’on les lit dans leur propre langue. Cependant, quelques livres hébreux, qui contiennent une grande et estimable doctrine, ont été laissés sans traduction. De ce nombre était l’ouvrage de son aïeul Jésus, qu’il a pris soin de publier en grec en faveur de ceux qui veulent s’instruire et apprendre de quelle manière ils doivent régler leurs mœurs, quand ils ont résolu de mener une vie conforme à la loi du Seigneur. Ces dernières paroles nous apprennent quel mobile poussait les traducteurs israélites à donner leurs Livres Saints dans une langue étrangère. L’auteur nous apprend aussi quelles difficultés il a dû vaincre pour mener son œuvre à bonne fin, surtout relativement au choix des termes, car les mots hébreux perdent de leur force, lorsqu’ils sont traduits dans une autre langue. Il a constaté cette particularité dans la traduction de la loi, des prophètes et des autres livres, antérieure à celle qu’il a faite du livre de son grand-père. Puisque ce traducteur écrivait la 38e année, non de son âge, mais du règne d’un Ptolémée Évergète, il ne peut être question que de Ptolémée Évergète II ou Physcon (170-117) qui seul a régné plus de 38 ans, et non de Ptolémée III (247-222). Voir t. ii, col. 1445 ; t.v, col.85^ cf. col. 856. Loin d’être superflue, comme on le prétendait, la préposition éro après etel est couramment employée dans les inscriptions de l’époque. Voir Deissmann, Bibelstudien, Marbourg, 1895, p. 255257. La traduction grecque de l’Ecclésiastique a donc été faite en 132. Il en résulte que la version grecque <le la majeure partie de la Bible hébraïque existait en 132. Les livres qui n’étaient pas encore traduits appartenaient à la série des kefiibim. Or, nous possédons des renseignements sur la version de quelques-uns 4’entre eux.

Eupolème, qui vivait sous Démétrius Soter (162-150) et qui écrivait en 158-157, s’est servi de la version grecque des Paralipomènes, puisqu’il a tiré de II Par., ii, 2-15, la correspondance de Salomon avec Hiram, ainsi que l’a démontré Freudenthal, Alexander Polyhistor, 1875, p. 119. Cf. Schùrer, t. iii, p. 311, 353. Les deux livres d’Esdras et de Néhémie, qui ont été longtemps réunis aux Paralipomènes, ont peut-être été traduits en même temps qu’eux. L’historien Aristée, qui est antérieur à Polyhistor et qui vivait au plus tard dans la première moitié du I er siècle, s’est servi de la version grecque du livre de Job, dont il connaît la finale inauthentique. Freudenthal, p. 139 ; Schûrer, t. iii, p. 311, 357. Selon une note du Codex Alexandrinus, le livre de Job aurait été traduit sur la Bible syriaque. Dans la suscription du texte grec d’Esther, si, 1 (Vulgate), Lysimaque de Jérusalem est désigné comme le traducteur de la lettre concernant la fête de Purim, et la version aurait été apportée à Alexandrie par le prêtre Dosithée, la 4e année du règne de Ptolémée et de Cléopâtre. On pense généralement que ce roi est Ptolémée Philométor (181-175), sans que ce soit absolument certain, voir col. 855, parce que quatre Ptolémées V, VI, VII et VIII) ont eu chacun une femme du nom de Cléopâtre. Quelques critiques pensent à Ptolémée VIII et placent la traduction d’Esther à l’année 114. Willrich, Judaica, Gœttingue, 1900, p. 2, a même voulu y voir, quoique sans grand fondement, Ptolémée XIV (48-47). Le Psaume lxxviii (lxxix), 2, est cité en grec. I Mach., viii, 17. Or, la version grecque du I er livre des Machabées aproba

blement été faite au I er siècle avant notre ère. On attribue la traduction du Psautier en grec à la première moitié du IIe siècle.

Il faut noter que la version grecque, dite des Septante, a compris, dès l’origine, les livres et les parties deutérocanoniques, dont le texte primitif était hébreu. Ainsi la version d’Esther avait les additions de cette nature, quelle qu’en soit d’ailleurs la provenance. Les fragments de Daniel sont écrits en grec dans la même langue que la version du livre protocanonique. C’est donc vraisemblablement le même interprète qui a traduit le tout vers le milieu du n « siècle avant notre ère. A. Bludau, De alexandrinse interpretationis libri Daniel indole critica et hemieneutica, Munster, 1891, p. 5 ; Die alexandrinische Ubersetzung des Bûches Daniel, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 8. La version de Jérémie était complétée par celle du livre de Baruch et de la Lettre’de Jérémie. Il y a une allusion à cette Lettre, Baruch, vi, dans II Mach., ii, 2, 3. Notre IIIe livre d’Esdras, qui est apocryphe, est le [, r de ce nom dans la Bible grecque.

Cette Bible existait dans son entier au v siècle avant notre ère. Elle a été utilisée dans la partie juive des Oracles sybillins. Philon, qui vivait à cette époque, se servait de la version grecque des Livres Saints, quoique L. Cohn en ait douté, Neue Jahrbùcher fur dos klass. Alterthum, 1898, t. i, p. 521 sq., et il en a cité de nombreux passages. On n’a relevé dans ses œuvres aucune citation de Ruth, de l’Ecclésiaste, du Cantique, d’Esther, des Lamentations, d’Ézéchiel et de Daniel. C. F. Hornemann, Spécimen exercitationum criticarum in versionem LXX interpretum ex Philone, Gœttingue, 1773 ; C. Siegfried, Philo und der ûberlieferte Text der LXX, dans Zeitschrift fur wissenchaftliche Théologie, 1873, p. 217 sq., 4Il sq., 522 sq. ; Ryle, Philo and Holy Scripture, Londres, 1895, p. xxxi-xxxii. Mais ces livres existaient alors en grec : Ruth était joint aux Juges, et les Lamentations à Jérémie. De ce que Philon ne les a pas cités, on ne peut pas conclure qu’ils n’étaient pas encore traduits en grec, pas plus qu’il n’en résulte qu’ils n’étaient pas alors reconnus comme sacrés et canoniques. Les écrivains du Nouveau Testament citent souvent les livres de la Bible hébraïque d’après la version grecque, sauf Esdras, Néhémie, Esther, l’Ecclésiaste, le Cantique et quelques petits prophètes, qu’ils n’ont pas eu l’occasion de citer. Il faut en conclure que la version grecque circulait parmi les Juifs de Palestine. Voir plus loin. Josèphe a connu cette version et s’en est servi ; il ne nous a malheureusement rien transmis sur son contenu ni sur son origine, en dehors de la Lettre d’Aristée. Spittler, De usu versionis alexandrinse apud Josephum, Gœttingue, 1779 ; Scharsenberg, De Josephi et versionis alexandrinse consensu, Leipzig, 1780 ; A. Mez, Die Bibel des Josephus untersucht fur Buch V-VIII der Archàologia, Bâle, 1895. Cf. Swete, op. cit., p. 369-380.

V. Langue. — Tout le monde admet que la traduction grecque de la Bible hébraïque a été faite dans le grec vulgaire ou la xoivri SiàXExto ; , et elle apparaît à l’époque où cette langue domine dans le bassin de la Méditerranée. Nous n’aurions pas à revenir sur l’origine et les caractères de cette langue, qui ont été exposés à l’article Grec biblique, t. iii, col. 315-319, si depuis la publication de cet article on n’avait émis sur sa nature, à la suite de la découverte de nombreux papyrus grecs, des considérations nouvelles, qu’il est nécessaire d’indiquer au moins sommairement ici.

On a voulu souvent faire du grec dans lequel l’Ancien Testament a été écrit un idiome particulier, qu’on qualifiait ou bien d’idiome hellénistique (grec de synagogue, disait Richard Simon ; grec judaïque, a-t V. - 52