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SEPTANTE (VERSION DES)


p. 150-156, où Grâtz prétend que la traduction du Lev., xxiii, 16, indique une différence d’opinion entre les Sadducéens et les Pharisiens sur la date de la Pàque. Voir t. iv, col. 2101. Plus généralement cependant, on la rapporte au règne de Ptolémée Philadelphe. Quelques-uns pensent qu’elle avait déjà été commencée sous Ptolémée Soter, fils de Lagus, parce que quelques Pères nomment ces rois en parlant des Septante.

Il paraît plus vraisemblable qu’elle a vu le jour sous Ptolémée Philadelphe. La Lettre d’Aristée la rattache à ce prince. Or, quels qu’aient été les embellissementsde la légende, on peut reconnaître au récit d’Aristée un fond de vérité. En effet, si cette Lettre a été rédigée vers 200, cinquante ans environ après la mort de Philadelphe, elle n’aurait guère pu être reçue et se répandre si tout le contenu en était fictif et si l’époque indiquée ne répondait même pas à la réalité. La fiction sans aucun fondement historique n’aurait eu aucun succès ; il fallait qu’elle gardât au moins quelque vraisemblance. Ptolémée Philadelphe aurait été mentionné dans la Lettre, parce que la version avait été réellement faite sous son règne. Le Talmud de Jérusalem, traité Meghilla, I, 9, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 213, qui reconnaît que la seule langue étrangère permise pour la transcription de la Loi est le grec, parce que, après examen, on a observé que le texte peut le mieux être traduit en cette langue, ajoute, p. 217218, que les sages ont modifié pour le roi Ptolémée 13 passages bibliques : Gen., i, 1, 25, 27 ; ii, 2 ; xi, 7 ; xvin, 12 ; xlix, 6 ; Exod., iv, 20 ; xii, 40 ; Lev., xi, 6 ; Num., xvi, 15 ; Deut., iv, 9 ; xvii, 3. La raison de ces’modifications n’est indiquée que pour le 10 « : « Au lieu du mot lièvre (Lev., xi, 6), dans l’énumération des animaux impurs, on dit « la bête aux courtes pattes » ; car la mère du roi Ptolémée portait le nom d’Arnatha. » On pense que ce nom ressemblait assez à celui A’amebeth, « lièvre », pour que le roi ait pu s’offenser de la traduction littérale. M. Wogue y a vu sans raison suffisante une allusion à Ptolémée Soter, dont la mère était femme de Lagus (), avùç, lièvre). Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, Paris, 1881, p. 138-139. Les traducteurs y ont pu préférer le nom 8a<rjitou ; à XaY<iç par respect pour n’importe quel prince Lagide.

Il est moins sûr que le désir de Ptolémée Philadelphe d’enrichir sa bibliothèque de la traduction de la législation hébraïque ait été l’occasion de la version du Pentateuque. Ce désir lui aurait été attribué à cause de sa magnificence à accroître les collections de la bibliothèque du Musée, qu’avait fondée Ptolémée Soter. Tout en admettant la possibilité de ce désir du roi, Munk ajoutait : « Mais l’origine immédiate de la version est suffisamment motivée par les besoins religieux des Juifs d’Egypte. Quoique nous ne sachions dire de qui elle est émanée, il est certain qu’elle est l’œuvre d’un ou de plusieurs Juifs d’Egypte, d’éducation grecque. » Palestine, Paris, 1881, p. 487. Les Juifs, en effet, étaient fort nombreux alors en Egypte, et notamment à Alexandrie. Voir t. i, col. 353-354, 355356. Ils avaient un temple à Léontopolis, et il leur importait de posséder dans la seule langue que la plupart connaissaient, leur loi qu’ils ne comprenaient plus en hébreu. La traduction grecque du Pentateuque a donc été faite par des Juifs alexandrins et pour les Juifs alexandrins. On eût peut-être difficilement trouvé à Jérusalem des hommes sachant assez de grec pour traduire le Pentateuque en cette langue. La version porte la marque d’une connaissance peu parfaite de l’hébreu ; elle est faite dans l’idiome vulgaire, parlé à Alexandrie. On y a même relevé des mots d’origine égyptienne, tels que âyju, Gen., xli, 2, 3 ; Jer., six, 7 ; xôv5-j, Gen., xliv, 2 ; ïëi « , Lev., xi, 17 ; Deut., xiv, 16 ; p’Wo ; , Exod., xxv, 4 ; xxvi, 1 ; eî6e ; , Exod., ii, 3, etc.

Mais l’emploi de ces mots ne prouve rien, puisqu’ils appartenaient à la langue vulgaire, parlée même en dehors de l’Egypte. Cependant, les traducteurs de la lettre des Purim dans Esther et du livre de l’Ecclésiastique étaient des Juifs palestiniens ; mais le dernier vivait en Egypte depuis longtemps. Certaines particularités de la traduction du Pentateuque répondent aux idées répandues dans le monde hellénique à l’époque des premiers Ptolémées. Ainsi, les traducteurs ont atténué les anthropomorphismes. Au lieu de se repentir d’avoir fait l’homme, Gen., vi, 6, Dieu pense et réfléchit qu’il l’a créé. Tandis que, dans le texte hébreu, Moïse prie Dieu de se repentir du mal qu’il voulait infliger à son peuple et que Dieu s’en repentit réellement, Exod., xxxii, 12, 14, dans la version grecque, Moïse lui demande seulement d’avoir pitié du malheur de ce peuple, et Dieu en a pitié. Au lieu de voir « la face » de Dieu, Num., xii, 8, on ne voit que sa « gloire ». On a cru remarquer que les deux récits de la création avaient été traduits en conformité avec des idées platoniciennes qu’on retrouve dans Phi-Ion. La terre était « invisible », Gen., i, 2 ; Dieu se reposa de toutes les œuvres qu’il avait commencé à faire, Gen., ii, 3, etc. Trochon, Introduction générale, t. i, p. 372. Mais cette observation est contestable, et il est plus probable que la philosophie grecque n’a pas eu d’influence directe sur les traducteurs de la Bible. A. Loisy, op. cit., p. 146-149. Cf. Freudenthal, Are there traces of greek philosophy in the Sepluagint ? dans Jewish Quarterly Review, 1890, t. ii, p. 205-222. Plusieurs critiques modernes pensent que les auteurs de cette version n’avaient aucune mission officielle. D’abord œuvre simplement individuelle, la traduction grecque du Pentateuque a été bientôt adoptée par la communauté juive. M. Nôldeke cependant la regarde comme l’œuvre de la communauté et comme le modèle de la traduction des autres livres de l’Ancien Testament. Histoire littéraire de l’Ancien Testament, trad. franc., Paris, 1873, p. 359-360.

Le traité Sopherim, c. i, du Talmud de Babylone dit que chacun des cinq livres de Moïse aurait été traduit par un traducteur spécial, et on a remarqué que le même mot hébreu est rendu par des mots grecs différents dans plusieurs de ces livres et dans le même livre. Ainsi ii, « étranger », est traduit tantôt par-reiwpa ; ,

Exod., xii, 19, tantôt par Tipo^/uToc, Exod., xii, 48, 49 ; Lev., xix, 34. ]>n est simplement transcrit iv, Lev.,

xxiii, 13, mais traduit par jroOç, Lev., xix, 36. rotf est

traduit àvâira-jcrt ; , Exod., xxiii, 12, et dàgëa-ca, Exod., xxxi, 13, et les deux traductions sont réunies, Exod., xvi, 23 ; xxxi, 15 ; xxxv, 2 ; Lev., xvi, 31 ; xxiii, 3 ; xxv, 4. Cf. Gràtz, Geschichte der Juden, t. iii, p. 620. Cela prouve seulement que le traducteur, s’il n’y en a qu’un, n’avait pas de principes arrêtés d’interprétation.

Quoi qu’il en soit et à supposer que la traduction grecque du Pentateuque n’ait pas été faite sous le règne de Ptolémée Philadelphe et pour la bibliothèque de ce roi, elle remonte néanmoins au 111e siècle. Des écrivains juifs du IIe et du I er siècle s’en sont servis. On cite l’historien juif Démétrius, qui écrivait sous Ptolomée IV (222-204) ; cf. Schûrer, t. iii, p. 350 ; le philosophe Aristobule dans son explication de la loi mosaïque, qui n’était qu’une libre reproduction du texte du Pentateuque, et le poète juif Ézéchiel qui, à l’imitation d’Euripide, a composé en vers grecs un drame sur la sortie d’Egypte, intitulé : ’EÇa-foi-pi 3° Les autres livres. — Nous manquons de renseignements précis sur la date de la traduction des autres livres de la Bible hébraïque. Le plus sûr nous est fourni par le prologue de la version de l’Ecclésiastique. En l’an 38 de Ptolémée Évergète, le petit-fils de Jésus, ’étant en Egypte, constata, après un assez long