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SENNACHÉRIB

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ma main les prit au milieu de la bataille. » Altaqu et Thamnath furent emportées d’assaut, et tout aussitôt après Accaron, où les chefs et les grands, auteurs de la révolte et coupables d’avoir livré Padi à Ezéchias, furent mis à mort et empalés autour de la ville, les habitants qui avaient participé à la rébellion, emmenés en captivité, et Padi remis en liberté par Ezéchias sans qu’on nous dise en quelles circonstances, replacé sur le trône moyennant un nouveau tribut. De toute la coalition, il ne restait plus que le roi de Juda. Sennachérib (701) commença par dévaster systématiquement son royaume : 46 grandes villes, des places fortes sans nombre furent attaquées par le fer et la flamme ; 200150 hommes réduits en esclavage, rien ne fut épargné : c’est de ces dévastations que nous trouvons soit l’annonce, soit la peinture dans Isaïe, i-x et xxxm. Cf. II Reg., xviii, 20. Le roi de Ninive, sans doute pour menacer à la fois Tirhakah et Ezéchias, descendit jusqu’à Lachis (Tellel-Hésy près de Umm-Lachis) sur le chemin de Gaza à Jérusalem, à la jonction des routes d’Egypte, de Palestine et de la Philistie septentrionale : un bas-relief conservé au Musée britannique de Londres nous représente le monarque recevant les envoyés et les dépouilles de Lachis (voir Lachis, t. iv, fig. Il et 12, col. 23-24) ; c’est là également qu’Ézéchias effrayé lui envoya ses ambassadeurs pour solliciter la paix. Déjà les territoires ravagés avaient été attribués par le conquérant aux princes philistins restés fidèles, à Mitinti d’Azot, à Padi roi rétabli d’Accaron, à Ismi-Bel roi de Gaza. Ezéchias offrait en outre 38 talents d’or, 800 talents d’argent (ou 300 selon le texte hébreu, divergence résultant soit d’un changement de chiffre, soit même de la différence du talent hébreu et du babylonien), quantité d’objets précieux, de pierreries, et quantité d’esclaves. D’après le texte assyrien, tout cela fut envoyé à Ninive par Ezéchias, détail qui cadre assez mal avec les lignes précédentes où Sennachérib est précisément représenté assiégeant Jérusalem et y tenant Ezéchias « enfermé comme un oiseau dans sa cage, après le blocus de la cité, et toute sortie par la grande porte coupée aux habitants de la ville. » On se demande ensuite pourquoi l’ennemi aurait abandonné le siège au lieu de prendre la ville d’assaut, de la livrer au pillage, d’en emmener la population en captivité, d’en détrôner le roi, comme il le fit dans toutes les autres capitales révoltées, à Sidon, à Ascalon et à Accaron : cette clémence du vainqueur serait d’autant plus inexplicable qu’Ézéchias était le plus compromis, et le plus persévérant dans sa révolte. On est de la sorte amené à reconnaître ici l’un de ces insuccès sur lesquels les annales officielles sont obstinément muettes, et qu’il faut apprendre par la relation des adversaires : un peu plus tard Sennachérib nous en fournira un exemple analogue, en s’attribuant dans ses annales le gain de la bataille de Halulê, alors que la victoire est au contraire attribuée aux Ëlamites dans la Chronique babylonienne. La Bible nous donne une explication de ces réticences assyriennes, et présente les faits dans un ordre tout différent : tandis que Sennachérib est à Lachis, Ezéchias sollicite la paix et envoie son tribut ; le tribut est accepté, mais la paix est refusée : au même instant on signale l’approche de Tirhakah et de l’armée égyptienne ; Sennachérib remonte jusqu’à Lobna et Altaqu ; mais il envoie d’abord ses officiers exiger la reddition de Jérusalem : Ezéchias refuse et le rabsacès va rapporter ce refus au roi d’Assyrie à Lobna ; nouvelles menaces de destruction de la ville et de déportation pour le peuple : oracle d’Isaïe assurant à Ezéchias que Sennachérib ne tirera même pas une flèche contre Jérusalem ; désastre final de l’armée assyrienne : « Et il arriva la nuit même que l’ange de Jahvéh sortit et tua 185000 hommes du camp assyrien ; et quand on se leva le matin ce n’étaient que

des cadavres. Et Sennachérib leva son camp, s’en alla et se tint à Ninive. » L’Écriture ne précise pas davantage le lieu ni le mode de cette intervention surnaturelle. Du même coup l’Egypte, menacée depuis la défaite de son armée à Altaqu, se voyait délivrée de toute crainte d’invasion assyrienne ; elle attribua cet anéantissement des forces ennemies à l’intervention du dieu Ptah, Vulcain dans le récit d’Hérodote, lequel sollicité par le pharaon Séthos de lui venir en aide au moment où la caste militaire l’abandonnait sans ressources devant l’invasion de Sennachérib, roi des Arabes et des Assyriens, « envoya une multitude prodigieuse de rats de campagne qui rongèrent les carquois, les arcs et les courroies des boucliers dans le camp ennemi… On voit encore aujourd’hui dans le temple de Vulcain une statue qui représente ce roi ayant un rat sur la main, avec l’inscription : Qui que tu sois, apprends en me voyant à respecter les dieux. y> On sait le rôle attribué aux rats dans la transmission de la peste : peut-être est-ce la statue qui a donné naissance à la légende rapportée par Hérodote, ii, 141. Josèphe explique également par une peste surnaturelle la destruction de l’armée assyrienne. Ant. jud., X, il, 5. Voir Ezéchias. Quant à Tharaca, l’adversaire de Sennachérib, suivant de Rougé, Sayce, et Oppert, il mentionne parmi les peuples qu’il a vaincus Assur et Naharain, les Assyriens et les troupes de Mésopotamie. E. de Rougé, Étude sur les monuments de Tahraka, p. 13. Rawlinson place de même ces événements sous Tharaca, mais il dédouble en deux campagnes (701 et 699) l’invasion palestinienne, le siège de Jérusalem et la lutte contre l’Egypte ; et il fait de Shabatok et de Séthos deux vice-rois de la Basse-Egypte sous la dépendance de Tharaca. History of ancient Egypt, 1881, t. ii, p. 450. Mais les annales assyriennes, dans le prisme de Taylor et dans l’inscription des Taureaux de Koyoundjik, renferment toujours tous ces événements dans la troisième campagne exclusivement.

Le texte hébreu termine son récit en ces termes : « Sennachérib retourna à Ninive… et y demeura. — Et pendant qu’il adorait Nesroch son dieu dans son temple, Adrammélech et Sarasar ses fils le tuèrent à coupsd’épée. » Le texte juxtapose les deux événements parce que seuls ils intéressent désormais l’histoire juive ; il est certain que Sennachérib retourna à Ninive aussitôt après le désastre survenu à son armée ; mais sa mort n’eut lieu qu’en 685 ; dans l’intervalle il conduisit encore plusieurs expéditions contre différents adversaires, mais aucune contre la Palestine ni l’Egypte.

Les menées de Mérodach-Baladan de (Bit)-Yakin, tant de fois détrôné déjà, rappelèrent les Assyriens en Babylonie : avec le secours des Élamites, ce prince avait chassé de Babylone Bel-ibni et s’était de nouveau emparé du pouvoir. Dans une quatrième campagne Sennachérib reparut en Chaldée et mit en fuite Morodach-baladan, le poursuivit sans l’atteindre jusque dans le Bet-Yakin qu’il ravagea : les villes furent rasées, les habitants réduits en esclavage, le pays changé en désert ; finalement il mit sur le trône son propre fils Assur-nadin- (sum), qui ne fut pas plus heureux que ses prédécesseurs. Aussi une sixième, une septième et une huitième campagnes (la cinquième fut dirigée par Sennachérib dans les régions montagneuses et peu accessibles du nord de la Mésopotamie, sans résultats bien intéressants) furent encore nécessaires contre les mêmes ennemis toujours vaincus, s’il faut croire le témoignage des annales ninivites, mais jamais découragés, Nergal-uâezib et Musezib-Marduk (le Suzub des Annales), remontés sur le trône de Babylone, et leurs auxiliaires Kudur-Nahunti et Ummanminanu, rois d’Élam. Sous ce dernier les Élamites aidés des tribus de Parsua, d’Anzan, d’Ellipi et du bas Euphrate organisèrent avec les Babyloniens une vaste