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SÉLAH


2. D’autres exégètes juifs prennent sélah pour une interjection ou une exclamation analogue aux mots’amén, « fiât », ou’érnéf, « veritas ». Voir Aben Esra, In Ps. III ; David Kimchi, In Ps. in ; Vatable, Bibliotheca sacra, au mot sélah. Peut-être cette explication s’accorderait-elle plus facilement que la précédente avec le contexte. Voir cependant Ps. iv, 3, 5 ; lxxxix (lxxxviii), 49, où l’on attend une négation. Puis on se demande pourquoi le mot sélah ne se rencontre que dans certaines pièces lyriques. Enfin, ici encore, la preuve grammaticale fait défaut.

2° Ceux qui considèrent sélah comme un mot en dehors du texte en font soit un signe grammatical ou prosodique, soit une abréviation, soit une indication musicale. — 1. À l’exception des lettres’s et’d, qui, soigneusement distinguées du texte, servent dans le Pentateuque à établir les divisions pour la lecture publique, pefû/Fiof et sefûmô{, la Bible hébraïque ne contient d’autres signes de lecture, de ponctuation grammaticale ou de notation que les accents massorétiques, placés en dehors du texte. Si le mot sélah n’est qu’une indication de cette sorte, ou s’il n’équivaut qu’à un signe prosodique, à une formule ou à une exclamation pour réclamer l’attention, on se demande pourquoi il se rencontre uniquement dans des pièces lyriques déterminées et pourquoi il y est reproduit un si grand nombre de fois, tandis qu’on ne le lit nulle part ailleurs dans l’Écriture. Au reste, nulle preuve n’est apportée à l’appui de cette assertion, et l’exclamation hâzaq, dans les formules finales des copistes hébreux, , n’a pas d’analogie avec sélah.

2. La clé de l’abréviation de sélah, supposé être un signe acrologique, est proposée de façons multiples. En voici quelques-unes : Sélah Lânû (ou Lî) RaSSém « Le Nom (divin), aide-nous (ou aide-moi) ! » H. Gottlieb Reine. De voce Selah, dans Ugolini, Thésaurus, t. xxii, p. accxxvij. Plusieurs auteurs se sont ingéniés à découvrir dans l’énigmatique sélah les initiales de mots représentant un verset de l’Écriture, entre autres celui-ci des Nombres : Selah-nâ La’âvôn Ha’âm hazzéh « Remets le péché de ce peuple. » Num., xiv, 19. On peut voir d’autres solutions du problème acrologique dans Noldius, Concordantia particularum hebraicarum, au mot rfiD. Il est difficile d’accepter ces suppositions, dont les unes n’ont aucun rapport avec le texte ou l’exécution des pièces où elles se trouvent, et les autres sont affirmées gratuitement ou manquent de vraisemblance. De plus, les signes et abréviations, fréquents à l’époque talmudique, ne se rencontrent pas dans la Bible elle-même. Nous signalerons toutefois les deux explications suivantes, à cause de leur rapport avec les significations musicales qui seront proposées -ci-après : Sîmdn Luènôt Haqqôl, « signe pour changer de voix » ou de « ton » ; ou bien : Sôb Lëma’âldh, Haisar, « Chantre, élève le ton ».

3° Il nous reste à examiner les arguments de ceux qui considèrent sélah comme une indication musicale. <2’est l’interprétation commune des interprètes grecs et latins, mais ces auteurs sont loin d’être d’accord sur la définition qu’il convient de retenir, et le désaccord entre eux est d’autant plus sensible qu’ils s’efforcent de préciser davantage. Ainsi : — a) parmi les Juifs, quelques rabbins ont accepté, ou du moins mentionné cette première définition musicale : « élévation de la voix », David Kimchi, cit. Mais cet auteur allègue comm&racine Yid, qui grammaticalement aurait donné un dérivé à consonne redoublée. Il conviendrait de se rapporter à tv : d, « élever t. Cf. mâsâh, Rac. ntn, I Par., xv, 27 ; Zach., xii, 1. — 6) D’autre part, n^D, « étendre, prosterner », donnerait t abaissement (de la voix) », d’où, selon Buxtorf, « repos, silence ». Lexic. hebraic., au motnSo. On doit, en effet, comparer nVrf, ~hs, « reposer » ^Lu) et « .1 « c, < être en suspens, attentif, silencieux », et

cette comparaison confirme le sens attribué à sélah ou à sa traduction 81â< ! /oeX(j.a par les interprètes que l’on va citer. Pour saint Grégoire de Nysse, Sii^aly-a est une pause, £irï)pé(iE(j : <. Tract. Il in Ps. x, t. lxix, col. 703, et pour saint Augustin : interpositum in canendo silentium, Enarrat. in Ps. IV, t. xxxvi, col. 80, en opposition avec <TÛ(j.^a).[ia, l’accord des voix et des. instruments. On trouve de même : intervalla psalmorum. J. Meursy, Glossarium grœco-barbarum, au mot Diapsalma. Voir Eusèbe, De diapsalmale, dans Tommasi, cit., t. ii, p. viij ; « division ou coupure >S de la psalmodie, Siaxoitïj Tfj ; i « >.(i<o81 « i ; , Scarlatus de-Byzance, Lêxicon, Athènes, 1852, au mot 81âi)/aX[i.a ; « pause de pseaume, » Glossarium latino-gallicutn^ dans Ducange, Glossarium novum, supplem., t. ii, . Paris, 1766, p. 92 ; ou encore « signe je séparation entre deux versets, servant à faire observer une pause dans la psalmodie et à régler le chant en écoutant les notes musicales. » Voir Lorenzana, Breviarium gothicum, dans Préface. Patr. lat., t. lxxxvi, col. 22 xxi. Ceci semble se rappporter à l’usage moderne ; toutefois H. Estienne avait déjà fourni l’explication de « mélodie musicale », jjiouffixôv (léXoç, d’après Origène, Selecta in Ps., t. xii, col. 1060, qu’il faut rapprocher de l’une des explications données par Euthyme : àva60Xvjv riva xpc’J|xotTO « , « prélude des instruments ». Dans Schleussner, Novus thésaurus sive Lexicon in LXX, Londres, 1822, t. i, p. 597. L’intervalle des repos strophiques pouvait, en effet, être rempli par le jeu des instruments. Voir encore R. Cornely, Introd. spec, t.n, Paris, 1887, p. 95 ; Munk, Palestine, Paris, 1845, p. 457 ; Suicer, Thésaurus ecclesiasticus, t. i, p. 890.

3° D’autres auteurs ajoutent à ces données. Scarlatus de Byzance représente 8tâ<j/a), |ia comme une « exclamation » intercalée dans le psaume : êTnq><iv7)j/.a, za onoiov tyiWtto év rû> (isxaiiù tb xaS’aûrè iWXp.oû. Lexicon. cit. D’après la préface sur les Psaumes, que l’on trouve à la suite des œuvres de saint Jean Chrysostome, c’est un « changement de chœur », t. lx, col. 533 ; ou encore un « changement de mélodie ou de rythme », Origène, dans Pitra, Analecta sacra, Frascati, 1882, t. ii, p. 435 ; voir aussi Théodoret, Prxf. in Ps., t. lxxx, col. 864, 865 ; un « changement de sens et de mélodie », Euthyme, dans Schleussner, loc. cit. /Maxime, Quae.it., xviii, t. xx, col. 800 ; |jiXouç ivaXXocyvi, Suidas, du mot êiâ+aXjjia ; demutationem aut personse aut sensus, sub conversione metri musici. S. Hilaire, Prologus in Ps. xxiii, t. lx, col. 246. Cf. Tractât, in Ps.,

col. 319, 366, 419, 431. Le dîafsalma, )<*.£ » <*} -T

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version syra-hexaplaire du Psautier, transcription du mot grec en lettres syriaques, est aussi interprété comme un changement de sens et de mélodie par lelexicographe Barali. Payne Smith, Thésaurus syriacus, col. 871, 882, 889. D’après Bar Bahlul, c’est « le changement d’une voix (ou d’un ton) à un autre, » ou un intermède, une sorte de refrain, ûnità. Voir Refrain, col. 1016 ; R. Duval, Lexicon syriacum, auctore H. Bar-Bahlule, Paris, 1890, p. 557.

III. Signification de sélah. — Ces dernières citations nous amènent à établir d’une manière très vraisemblable la signification de sélah et diapsalma comme une indication musicale destinée à marquer les repos et à diviser les strophes : è7TY)pl|iÈ<xe{, intervalla, êiocxoroj. Dans la musique arabe, les strophes ou lesincises du chant sont coupées par de longues pauses, que remplissent au besoin un intermède instrumental ou une sorte de vocalise fredonnée, ou bien des exclamations ou des soupirs. La tradition juive elle-même prouve que les chanteurs du Temple séparaient par