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SEL


dans la composition de ce suc. Il est donc nécessaire qu’un minimum de sel entre dans l’alimentation, et l’expérience montre que le régime végétal en fait sentir le besoin beaucoup plus impérieusement que le régime animal. Cf. A. Dastre, Le sel, dans la Revue des Deux Mondes, 1 er janvier 1901, p. 197-211. Les Hébreux, dont la vie en Palestine était surtout agricole, avaient donc besoin de sel. Ils l’empruntaient à la mer Morte. Dans sa description de la nouvelle Terre Sainte, Ézéchiel, xlvii, 11, prévoit que les eaux de cette mer seront assainies et nourriront des poissons, mais que les lagunes et les mares seront abandonnées au sel. De décembre à avril, le niveau monte dans la mer Morte, à cause de l’apport plus considérable des torrents et du Jourdain. Quand il baisse ensuite, l’eau demeure dans certaines dépressions environnantes et s’y évapore peu à peu à la grande chaleur du soleil. Comme la proportion du sel y atteint plus de 6 pour 100, celui-ci se dépose en grande quantité. Voir Morte (Mer), t. iv, col. 1294, 1300 ; F. -M. Abel, dans la Revue biblique, avril 1910, p. 217-222. « Manger le sel du palais, » I Esd., iv, 14, c’était être nourri aux frais du prince. Il en était ainsi particulièrement des soldats auxquels on donnait de l’argent pour s’acheter du sel ; cet argent s’appelait solarium, « salaire », nom qui, à partir d’Auguste, servit à désigner toute espèce de soldes et d’appointements. Cf. Dion Cassius, lii, 23 ; lxxviii, 22 ; Pline, H. N., xxxi, 7, 41 ; xxxiv, 3, 6. Les rois ne manquèrent pas de tirer profit du besoin que les populations avaient du sel. Le roi de Syrie, Démétrius II, touchait des droits sur le sel et sur les marais salants ; il voulut bien en exempter les Juifs. I Mach., x, 29 ; xi, 35.

2° Dans les sacrifices. — Il était prescrit de mettre du sel sur toute oblation présentée au Seigneur. Lev., ii, 13. Ezech., xliii, 24 ; Marc, ix, 48. Le parfum destiné à être brûlé devant l’Arche devait également être salé, memulld/f. Exod., xxx, 35. Les versions traduisent par |ie[UY[iivov, mixtum, « mélangé », ce qui donne à penser qu’elles ont Ju mimsâk. Les prescriptions de la loi mosaïque sur l’emploi du sel étaient si connues, que les rois de Perse, Darius et Artaxerxès, ordonnèrent de fournir à Esdras tout le sel nécessaire pour le service du Temple. I Esd., VI, 9 ; vii, 22. Le sel ne paraît pas avoir été employé dans le culte des Égyptiens et des Assyriens ; il le fut plus tard dans celui des Grecs et des Romains. Comme il préserve de la corruption, il était un symbole de pureté et de vie incorruptible. Cf. Bàhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 326, 336. On mettait du sel sur tout ce qui s’offrait à l’autel, cf. Josèphe, Ant.jud., III, ix, 1, excepté le vin des libations, le sang et le bois. Cf. Siphra, ꝟ. 78, 2 ; 79, 2. Les victimes le recevaient sur la rampe même qui conduisait à l’autel, cf. Gem. Mcnachoth, 21, 2 ; au sommet de cette rampe et auprès de l’autel même, on salait la farine, l’encens, les gâteaux offerts par les prêtres, ceux qui accompagnaient les libations et les holocaustes d’oiseaux. On se servait de préférence de sel de Sodome, c’est-à-dire de celui qui provenait de la mer Morte et dont les qualités étaient plus appréciées. À défaut de ce sel, on en faisait venir d’Ostracine et du lac Sirbon, sur la côte d’Egypte, entre Péluse et Rhinocolure. Voir la carte, t. ii, col. 1606. Cf. Reland, Palxslina illustrata, Utrecht, 1714, p. 60. Dans le second Temple, il y avait au nord une chambre du sel, pour l’usage de l’autel. Dans une chambre voisine, appelée Parva, on salait les peaux des victimes qui revenaient aux prêtres. Cf Gem. Pesachim, 57, 1. Comme la rampe qui menait à l’autel était fort lisse et devenait glissante par le fait de la pluie ou des matières adipeuses qui tombaient des victimes, on y jetait du sel afin que les prêtres pussent s’y tenir sans danger. Cf. Erubin, x, 14 ; Reland, Antiquitates sacrx, Utrecht, 1741, p. 52, 54, 165.

DICT. DE LA. BIBLE.

3° Dans les alliances. — Le sel qui doit être mêlé aux offrandes est appelé mélah berît, « Xac S(a6rjr.r, c, sal feederis, « sel de l’alliance ». Lev., ii, 13. Cette expression se retrouve ailleurs sous une autre forme. Le don que Dieu fait à Aaron et à ses fils de certains prélèvements sur les choses saintes est appelé berît mélah, « alliance de sel », dans le sens de convention perpétuelle et irrévocable. Num., xviii, 19. Il est dit également que Dieu a attribué la royauté à David et à ses fils par une « alliance de sel ». II Par., xiii, 5. Le sel est un principe conservateur contre la corruption ; à ce titre, il peut donc symboliser la durée et la fidélité d’une alliance que rien ne pourra et ne devra corrompre ni altérer.. Cf. Bàhr, Symbolik, t. ii, p. 324. Mais le sens de cette expression est plus clairement expliqué par les coutumes arabes. Chez les Arabes, « ceux qui mangent la même nourriture sont censés avoir le même rang. La nourriture prise en commun oonfirme la parenté et la fait naître, quoique à un degré moindre. C’est l’alliance du sel, qui unit ceux qui ont pris part au même repas. » Lagrange, Études sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 252. « Ils ont une grande vénération pour le pain et pour le sel, en sorte que lorsqu’ils veulent faire une instante prière à quelqu’un avec qui ils ont mangé, ils lui disent : Par le pain et par le sel qui est entre nous, faites cela. Ils se servent encore de ces termes pour jurer en niant ou en affirmant une chose. » De la Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 137. Cet usage est encore en vigueur. « Deux Arabes qui veulent prendre un engagement réciproque, conclure un traité, cimenter leur amitié, trempent deux bouchées de pain dans le sel et les mangent ensemble. L’alliance ainsi conclue est indissoluble. À celui qui tenterait de la rompre, ils répondraient infailliblement : C’est impossible, il y a entre nous le pain et le sel. Dans leur langage, manger ensemble le pain et le sel signifie faire un traité ou se jurer amitié. Les Persans parlent de même ; pour flétrir le traître, ils l’appellent traître jusqu’au sel. » Jullien, L’Egypte, Lille, 1891, p. 273. Il est fort présumable que cette coutume était en vigueur chez les anciens Hébreux, comme chez leurs voisins du désert, . et que l’expression biblique doit s’expliquer dans ce sens. Le sel avait la même signification symbolique chez les Grecs. « Avoir mangé ensemble un boisseau de sel « voulait dire : « être de vieux amis ». Plutarque, Moral., édit., Dûbner, 94 a. Cf. Bahrdt, De fœdere salis, Leipzig, 1761 ; Rosenmûller, Das alte und neue Morgenland, Leipzig, 1818, t. ii, p. 150.

4° Pour la conservation. — On frottait de sel le corps des enfants à leur naissance. Ezech., xvi, 4. Saint Jérôme, In Ezech., iv, 16, t. xxv, col. 127, dit que les nourrices agissent ainsi pour sécher et raffermir le corps. Galien, .De sanit., 1, 7, observe que cette pratique rendait plus épaisse et plus solide la peau de l’enfant. Aujourd’hui encore, « dans le but de fortifier les membres de l’enfant nouveau-né, les Arabes font dissoudre du sel dans de l’huile (ou, à son défaut, dans de l’eau) et avec cette solution oignent le corps de l’enfant, jusqu’à l’âge d’un an. » A. Jaussen, Coutumes arabes, dans la Revue biblique, 1903, p. 245. — On salait les poissons. Les Hébreux mangeaient beaucoup de poissons séchés ou salés. Tels étaient ceux qui servirent à la multiplication des pains. Matth., xiv, 17 ; xv, 34. Il n’est pourtant question qu’une seule fois de saler nn poisson, celui que le jeune Tobie a pris dans le Tigre. Tob., VI, 6. — Le prophète Elisée assainit la fontaine de Jéricho en y jetant du sel. IV Reg., Il, 20, 21. Voir Elisée (Fontaine d’), t. ii, col. 1696 ; Jéricho, t. iii, col. 1285. Josèphe, Bell, jud., IV, viii, 3, dit qu’auparavant l’eau de cette fontaine produisait toutes sortes d’effets pernicieux. Le sel employé par le prophète ne put être la cause de l’assainissement ; il n’en

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