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écrit, comme le firent plus tard les rédacteurs de la Mischna. D’autre part, elles résultaient de l’accord des docteurs, ce qui nécessitait de perpétuelles discussions des uns avec les autres. L’écho de ces discussions se retrouve dans la Mischna, Pea, vi, 6 ; Terumoth, v, 4 ; Schabbath, viii, 7 ; Pesachim, i, 2, 5, etc. C’est ce qui obligeait les docteurs les plus autorisés à adopter le même séjour, Jérusalem, jusqu’à la ruine de la ville, et plus tard Jabné et Tibériade. Bien que certaines parties du droit ainsi fixé n’eussent qu’une valeur théorique, l’ensemble n’en constituait pas moins un code de vie pratique. Les pharisiens firent prévaloir leurs doctrines dans cette œuvre ; ils étaient en réalité comme des législateurs devant lesquels les sadducéens et le sanhédrin lui-même étaient obligés de s’incliner.

2° Enseignement du droit. — Les scribes avaient ensuite à enseigner le droit. Chaque Israélite, pour se conduire suivant la loi, devait la connaître. Les docteurs les plus célèbres l’enseignaient après la captivité, et avaient pour auditeurs une nombreuse jeunesse. Josèphe, Bell, jud., i, xxxiii, 2, parle de deux docteurs qui enseignaient ainsi à la fin du règne d’Hérode. Les disciples portaient le nom de talmîdîm, I Par., xxv, 8, de lâmad, « enseigner ». Ils avaient surtout à apprendre de mémoire les nombreuses décisions des docteurs, dont l’enseignement consistait principalement à répéter, sândh, d’où le nom de Mischna donné à cet enseignement. Voir Mischna, t. iv, col. 1127. Puis le docteur posait des cas à résoudre, ou les disciples en apportaient eux-mêmes à leur maître. Tout l’enseignement était strictement traditionnel ; le disciple devait retenir ce qu’il avait appris et à son tour l’enseigner aux autres dans les mêmes termes, bilesôn rabbô, « avec la langue de son maître », c’est-à-dire avec ses expressions mêmes. Eduyoth, i, 3. Un bon disciple était comparé à « une citerne enduite déciment, qui ne laisse pas perdre une goutte d’eau. » Aboth, II, 8. Les scribes enseignaient dans des écoles. Voir École, t. ii, col. 1565. À Jérusalem, ils enseignaient dans le Temple. Luc, ii, 46 ; Matth., xxi 23 ; xxvi, 55 ; Marc, xiv, 49 ; Luc, xx, 1 ; xxi, 37 ; Joa., xviii, 20. Saint Paul apprit la loi « aux pieds de Gamaliel ». Act., xxii, 3.

3° Intervention dans les tribunaux. — Les scribes remplissaient aussi les fonctions de juges, auxquelles leurs connaissances juridiques les rendaient plus aptes que les autres. Les petits tribunaux n’avaient souvent que des juges laïques ; les scribes assistaient ces juges ou jugeaient eux-mêmes, comme ils le faisaient au sanhédrin. On les agréait, pour juges au même titre que pour législateurs et l’on avait confiance dans leurs jugements, à cause de leur compétence reconnue, qu’ils fussent seuls, Baba kamma, viii, 6, ou plusieurs opérant ensemble.

4° Travail sur les Saintes Ecritures. — Bien que spécialement voués à l’étude et à l’interprétation de la loi, les scribes ne’pouvaient se désintéresser des autres parties de la Sainte Écriture. À la Halacha, qui s’appliquait aux textes législatifs, ils ajoutèrent donc la Hagada, qui développait et complétait l’histoire. Leurs travaux furent parla suite consignés dans le Midrasch. Voir Midrasch, t. iv, col. 1078. À raison de leur érudition, les scribes prenaient la parole dans les synagogues. Enfin, ils veillaient sur le texte sacré, afin d’en assurer la conservation et l’intégrité. Ils préparèrent ainsi les matériaux qui, à un âge postérieur, furent mis en œuvre par la massore. Voir Massore, t. IV, col. 854.

III. Situation sociale des scribes. — 1° Leur influence. — La science des scribes et leur autorité de législateurs et d’interprètes de la loi assuraient aux scribes une grande place dans la société juive. Il devait naturellement en être ainsi chez un peuple dont toute la vie religieuse et sociale dépendait du livre sacré, et qui


avait d’autant plus besoin d’être authentiquement informé qu’une plus grande importance tendait à s’attacher aux prescriptions extérieures. Les scribes, parles maximes qu’ils mettaienten cours, ne se faisaient pas faute d’attirer à eux les honneurs. Ils disaient : « Les paroles des scribes sont plus aimables que les paroles de la Loi ; car, parmi les paroles de la Loi, les unes sont importantes et les autres légères : celles des scribes sont toutes importantes. » 1er., Berachoth, ꝟ. 3, 2. Par des maximes de ce genre, souvent reproduites dans le Talmud, les scribes se plaçaient au-dessus de Moïse et des prophètes, et à plus forte raison de leurs contemporains. Ils en tiraient les conséquences pratiques : « Le respect pour ton ami va jusqu’à l’honneur dû à ton maître, et l’honneur dû à ton maître touche à l’hommage dû à Dieu. » À both, iv, 12. En bien des cas, le maître devait être préféré par le disciple à son propre père, à moins que ce dernier ne fût scribe lui-même ; car, si le père donnait la vie qui fait entrer dans le monde présent, le maître donnait la sagesse qui fait entrer dans le monde futur. Baba mezia, ii, 11. « Ils aiment la première place dans les festins, les premiers sièges dans les synagogues, les salutations dans les places publiques, et à s’entendre appeler par les hommes rabbi. » Matth., xxiii, 6, 7 ; Luc, xi, 43. « Ils aimaient àse promener en longues robes. » Marc, xi], 38 ; Luc, xx, 46. Cf. Matth., xxiii, 5. On leur rendait donc honneur, mais il est douteux que l’amour accompagnât le respect. Nulle part on ne trouve employée à leur adresse la formule « bon maître », dont on se sert pour Notre-Seigneur. Matth., xix, 16 ; Marc, x, 17,

2° Leurs vues intéressées. — Les scribes faisaient profession de désintéressement. On ne devait pas se servir de l’enseignement de la Loi comme d’un outil avec lequel on gagne de l’argent. Aboth, i, 13 ; IV, 5. Quand on rendait la justice pour de l’argent, le jugement était sans valeur. Berachoth, iv, 6. Pour vivre, les docteurs exerçaient un métier, r donnant peu à ce métier, et s’occupant beaucoup de la Loi. » Aboth, iv, 10. Saint Paul suivit cette tradition. Act., xviii, 3 ; xx, 34, etc. Néanmoins ce désintéressement n’était souvent que de surface. Notre-Seigneur dit des scribes : « Ces gens qui dévorent les maisons des veuves et font pour l’apparence de longues prières, subiront une plus forte condamnation. » Marc, xii, 40 ; Luc, xvi, 14 ; xx, 47. On retrouve dans le Zohar, i, 91 b, édit. Lafuma, Paris, 1906, p. 521, un écho des prétentions intéressées des scribes : « Nous savons par une tradition, Pesachim ; 49 a, dit Rabbi Abba, que l’homme est tenu de sacrifier toute sa fortune pour obtenir en mariage la fille d’un docteur de la loi ; car c’est aux docteurs de la loi que Dieu confie le dépôt des bonnes âmes. » Cf. Schûrer Geschichte des jùdischen Volkes im Zeit. J. C, Leipzig, t. ii, 1898, p. 312-328.

IV. Les scribes célèbres. — 1° Les plus anciens. — La Mischna, Aboth, I, enregistre le nom d’un certain nombre de docteurs dont l’enseignement a fait autorité : Simonie Juste et AntigonedeSocho, José ben Joéser et José ben Jochanan, Josué ben Pérachya et Nittaï d’Arbèle, Juda ben Tabbaïet Simon ben Schetach, Schemaya et Abtalyon, Hillel et Schammaï, Gamaliel et son fils Simon. Simon le Juste n’est autre probablement que le grand-prêtre du même nom. Josèphe, Ant. jud., XII, ii, 4. Sur la plupart des autres, on n’a que de vagues renseignements. Gamaliel est mentionné dans les Actes, v, 34 ; xxii, 3. Voir Gamaliel, t. iii, col. 102.

2° Hillel et Schammaï. — Les plus intéressants sont Hillel et Schammaï, dont les doctrines avaient eu un grand. retentissement et dont l’influence s’exerçait encore puissamment au temps de Notre-Seigneur. Les deux docteurs vivaient à l’époque d’Hérode le Grand. Cf. S. Jérôme, In 1$., iii, 8, t. xxiv, col. 119 ; Schabbath, 15 a. Hillel l’Ancien, de la race de David, 1er. Taa V. - 49