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SAUTERELLE


peuples anciens faisaient entrer les sauterelles dans leur alimentation. Cf. Hérodote, iv, 172 ; Diodore de Sicile, iii, 29 ; Strabon, xvi, 772 ; Pline, H. N., vi, 35. Saint Jérôme, Adv. Jovin., ii, 7, t. xxiii, col. 295, l’atteste pour les Orientaux et les Lybiens. Il est à croire qu’on mangeait aussi des sauterelles chez les Assyriens. Sur une des parois du palais de Sennachérib, à Koyoundjik, on voit représentés des porteurs de différents mets, sans doute destinés à la table royale, et entre autres des serviteurs qui tiennent en mains des brochettes de sauterelles (fig. 316). Sur les invasions de sauterelles en Chaldée, voir Olivier, Voyage dans l’Empire othoman, Paris, 1802-1807, t. ii, p. 424-425 ; t. iii, p. 441. En Grèce, on vendait des sauterelles au marché, cf. Aristophane, Acharn., 1116, et on les employait en médecine. Cf. Dioscoride, ii, 57. En Orient, on les trouve encore sur les marchés et on les mange de différentes manières. On les sèche au soleil, on les réduit en poudre qu’on mélange avec du lait, qu’on pétrit avec de la farine et dont on fait une pâte avec addition de beurre et de sel. D’autres fois, après leur avoir enlevé les pattes, les ailes et la tête, on les fait bouillir ou rôtir ; leur goût rappelle alors celui de l’écrevisse. Cf. Pierotti, La Palestine actuelle et la Palestine ancienne, Paris, 1865, p. 75. En tous cas, c’est un aliment simple, sain, facile à recueillir et à préparer, à la portée des pauvres et de ceux qui, comme le précurseur, vivent au désert, et d’ailleurs agréable aux Orientaux. Lady Blunt, Pèlerinage au Nedjed, berceau de larace arabe, dans le Tour du monde, 1882, 1 er sem., p. 62-63, raconte à ce sujet ce qui suit : « Les sauterelles sont devenues une partie de notre ordinaire de tous les jours… Après en avoir goûté sous plusieurs formes, nous en vînmes à conclure qu’elles étaient meilleures bouillies. On rejette leurs longues jambes, on les tient par les ailes et on les trempe dans du sel avant de les manger. Quant à la saveur de l’insecte, c’est une saveur végétale plutôt que celle de la viande ou du poisson ; elle ne diffère pas trop de celle du blé vert qu’on mange en Angleterre. Pour nous, elle remplacerait les végétaux qui nous font défaut… Le matin est le moment favorable pour faire la chasse aux sauterelles ; elles sont alors engourdies par le froid et leurs ailes mouillées par la rosée, ce qui les empêche de fuir. On les rencontre à cette heure-là groupées par centaines dans les buissons du désert. Il n’y a que la peine de les. ramasser et de les mettre dans un sac ou dans une corbeille. Plus tard, le soleil sèche leurs ailes ; elles sont plus difficiles à prendre, car elles ont assez d’intelligence pour se dérober aux poursuites. Leur vol est assez semblable à celui des mouches de mai ; elles prennent le vent et savent se diriger comme le poisson… Elles dévorent tous les végétaux, et tous les animaux les dévorent à leur tour, alouettes du désert, outardes, corbeaux, faucons, buses… Les chameaux les mangent avec leur nourriture ordinaire, les lévriers les happent au passage tout le long de la journée et en mangent autant qu’ils peuvent en attraper. Les nomades aussi en donnent souvent à leurs chevaux… Cette année un grand nombre de tribus n’ont eu à manger que des sauterelles et du lait de chameau, de sorte que si les sauterelles sont la perte du désert, elles compensent cet inconvénient en servant de nourriture à tous ses Habitants. »

4° Les sauterelles en Palestine. — Les sauterelles sont indiquées à l’avance comme l’un des fléaux qui doit ravager les récoltes des Israélites infidèles. Deut., Xxvin, 38, 42. On priait au Temple pour que ce fléau fût écarté du pays. III Reg., viii, 37 ; II Par., VI, 28 ; vil, 13. L’auteur des Proverbes, xxx, 27, observe que les sauterelles n’ont pas de roi et sortent par bandes. Amos, iv, 9, signale une invasion de sauterelles en Israël : jardins, vignes, figuiers, oliviers, tout a été

dévoré et cependant les coupables ne se sont pas repentis. Le même prophète annonce une autre invasion pour le temps où le regain commence à pousser après la coupe du roi ; les sauterelles achèveront de dévorer l’herbe de la terre. Am., vii, 1. Mais c’est le prophète Joël qui décrit avec le plus de détails les ravages des sauterelles :

Ce qu’a laissé le gâzâm a été dévoré par Y’arbéh, Ce qu’a laissé Y’arbéh a été dévoré par le yéléq, Ce qu’a laissé le yéléq a été dévoré par le hasîl. « Car un peuple est venu fondre sur mon pays, peuple puissant et innombrable ; ses dents sont des dents de lion et il a des mâchoires de lionne. Il a dévasté ma vigne et il a mis en morceaux mon figuier ; il les a dépouillés de leur écorce et les a abattus ; les rameaux sont devenus tout blancs… Les champs sont ravagés, le sol est dans le deuil, car le blé est détruit, le vin nouveau est à sec, l’huile languit. Les laboureurs sont confus, les vignerons se lamentent, à cause du froment et de l’orge ; car la moisson des champs est anéantie. La vigne est desséchée et les figuiers languissent ; grenadier, palmier, tous les arbres des champs sont desséchés. » Joël., i, 4-12. Le Seigneur cependant doit écarter le fléau.

Celui qui vient du septentrion, je l’éloignerai de vous

Et je le chasserai vers une terre aride et déserte,

L’avant-garde vers la mer orientale,

L’arrière-garde vers la mer occidentale ;

Il s’en élèvera une infection…

Je vous compenserai les années dévorées par Y’arbéh,

Le yéléq, le hasîl, et le gâzâm.

Ma grande armée que j’avais envoyée sur vous.

Jo., ii, 20-25.

Cf. Van Hoonacker, Caractère littéraire des deux premiers chapitres de Joël, dans la Revue biblique, 1904, p. 358-364. On remarquera que, sur les quatre espèces de sauterelles nommées par Joël, il n’y en a qu’une, Y’arbéh, qui figure dans l’énumération du Lévitique, xi, 22. Le prophète suppose l’invasion des sauterelles venue par le nord du pays ; elles vont être chassées au désert, vers le sud ; mais l’invasion était si étendue que ses deux extrémités atteindront la mer Morte, à l’Orient, et la Méditerranée, à l’Occident, et que les sauterelles y périront. « Même de nos temps, dit saint Jérôme, In Joël., ii, t. xxv, col. 970, nous avons vu des troupes de sauterelles couvrir la terre de Judée… Puis, comme les rivages des deux mers étaient remplis de monceaux de sauterelles mortes, que les eaux avaient rejetées, leur pourriture et leur puanteur devinrent nuisibles au point d’infecter l’air et d’engendrer la peste pour les animaux et pour les hommes. » Le même Père, col. 955, constate que toute l’industrie humaine était incapable de résister au nombre et à la force des sauterelles. Cf. Tristram, The natural Uistory of the Bible, Londres, 1889, p. 306-318.

5° Les sauterelles dans les comparaisons. — Les sauterelles sont de petite taille. Les explorateurs envoyés par Moïse en Chanaan reviennent en disant qu’auprès des habitants du pays, de la race des géants, eux-mêmes n’étaient que des sauterelles. Num., xiii, 33. Isaîe, XL, 22, dit que devant Dieu les habitants de la terre sont comme des sauterelles. — Les sauterelles forment des multitudes innombrables. On leur compare les nombreux guerriers des Madianites, Jud., vi, 5 ; vii, 12, des Assyriens, Judith, ii, 11, et des Chaldéens. Jer., xlvi, 23 ; Nah., iii, 15. — À un moment donné, les sauterelles s’envolent ; ainsi disparaîtront les défenseurs de Ninive :

La sauterelle ouvre ses ailes et s’envole :

Tes gardes sont comme la sauterelle

Et tes chefs comme un amas de jeunes sauterelles ;

Elles se posent sur les haies en un jour froid ;

Dès que le soleil parait, elles fuient,

Et l’on ne connaît plusleur séjour : oùsont-ellesîNah., 111, 16-17.