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SAUTERELLE


longues antennes ; une gaine, appelle oviscapte et prolongeant l’abdomen, sert à la femelle à déposer ses œufs dans une sorte de tube foré dans la terre ; le mâle fait entendre un chant composé d’une série de sons aigus et criards que l’insecte produit en frottant l’une contre l’autre ses deux entres, munies chacune d’un appareil spécial. Les sauterelles ravageuses appartiennent à la famille des acridiens. Le type des acridiens, le criquet pèlerin, acridiumperegrinum (fi g. 311),

311. — Acridium peregrinum.

a les antennes courtes et rigides. La gaine abdominale est remplacée par quelques pièces rudimentaires, cornées et crochues. Au moment de la ponte, la femelle appuie sur le sol l’extrémité de cet abdomen, y creuse une cavité en quelques instants, si la terre est ameublie, et y dépose ses œufs ; les Arabes disent qu’elle les « plante ». Les œufs de l’acridium peregrinum sont au nombre de 80 à 90 ; chez d’autres espèces, ils sont moins nombreux. Pondus un à un, ils sont réunis en paquet et agglutinés par un liquide spécial qui, avec le temps, devient comme de l’écume sèche et forme autour des œufs un revêtement protecteur. Ainsi déposés en avril, ou mai, les œufs subissent une incubation plus ou moins longue, de 20 à 25 jours pour l’acridium peregrinum, de’àO à 40 pour d’autres espèces et même de neuf mois pour certaines. À partir de son éclosion, l’acridien passe par plusieurs stades (fig. 312),

312. — Stades de croissance de la sauterelle.

séparés par cinq mues, avant d’atteindre son développement parfait et de pouvoir se servir utilement de ses ailes. L’appareil sonore de l’acridien ne réside pas exclusivement à la base des élytres, comme chez le locustien. Les cuisses des pattes postérieures de l’acridien ont une petite côte saillante garnie d’aspérités que. l’insecte, en se tenant sur les quatre pattes antérieures, frotte rapidement le long d’une forte nervure longitudinale des élytres. Ce frottement produit une stridulation qui a fait donner à l’animal, par onomatopée, le nomd’àxpîç, « criquet ».

2° Alimentation. — « Comme tous les vertébrés

herbivores, lesærîdiens sontadmirablement organisés pour transformer les tissus végétaux en tissus animaux ; malheureusement, pour approprier les substances nécessaires à leur accroissement et à leur entretien, ils s’attaquent aux plantes les plus utiles à l’homme. Les graminées constituent la nourriture de prédilection des acridiens ; dans les conditions naturelles, celles qui vivent à l’état sauvage auraient seules à souffrir de leur voracité ; mais l’homme leur offrant d’immenses espaces couverts de plantes savoureuses, blé, seigle, orge, avoine, ils sont trop heureux de faire la moisson pour leur propre compte et ils ne se font pas faute de manger leur blé en vert. La faim toutefois est un grand maître, et lorsqu’ils sont privés de leurs aliments favoris, ils attaquent tous les végétaux cultivés, quels qu’ils soient : bourgeons, feuilles, grappes de la vigne, pousses, feuilles, tiges des arbres, tombent sous leurs mandibules. Pressés par la famine, ils ne dédaignent même pas les plantes qu’ils respectent ordinairement ; lauriers roses, lentisques, palmiers-nains, sont rongés faute de mieux. Mourant de faim, ils s’attaquent aux écorces et l’on en a vii, captifs, dévorer des voiles de bateaux, abrilés sous des hangars, déchiqueter des rideaux, du linge, des habits, et ronger du papier. Malheur à celui qui périt, son cadavre est immédiatement dévoré par ses compagnons. » Kunckel d’Herculaïs, Les sauterelles, les acridiens et leurs invasions, au Congrès d’Oran, 1888, Paris, p. 15.

3° Translation. — Les acridiens sont surtout des sauteurs, qui se servent de leurs ailes pour accroître la longueur de leur saut. En général, ils « sont attachés au sol dont ils ne s’éloignent que pour y revenir un instant après ; mais, sous des influences qui nous échappent, certains d’entre eux deviennent tout à coup des insectes bons voiliers et sont susceptibles de s’élever dans les airs et de parcourir des espaces considérables. Tout concourt chez ces êtres à favoriser le vol : ils ont des muscles puissants qui mettent en jeu des élytres et des ailes qui ont une grande surface et sont admirablement adaptés pour la locomotion aérienne. L’élytre a la consistance du parchemin desséché ; la portion antérieure de l’aile est épaisse et rigide : élytre et aile réunissent ainsi les conditions essentielles pour fendre l’air. Les muscles sont baignés de sang en mouvement perpétuel, qui trouve à sa portée de l’air constamment renouvelé ; de nombreuses ampoules tiennent de l’air en réserve pour assurer un approvisionnement constant. » Kunckel d’Herculaïs, Les sauterelles, p. 13. Les acridiens émigrent quand ils cessent de trouver à leur lieu d’origine la subsistance nécessaire. On a observé que ces insectes ont un habitat fixe et permanent, où se rencontrent les conditions les plus favorables à leur pullulation. De là s’élancent périodiquement des essaims d’invasion, là reviennent les essaims composés des survivants. Cf. A. Dastre, Les sauterelles, dans la Revue des Deux Mondes, l « r août 1901, p. 696-707. Les acridiens sont à la merci du vent qui les transporte d’un endroit à l’autre, souvent à des distances considérables. Quand des vols successifs s’abattent sur une même contrée, ils couvrent des espaces immenses, de 40 à 50 hectares jusqu’à 1000, 2000 et plus, ce qui, dans le dernier cas, représente de 2 à 6 milliards d’êtres affamés.

4° Ravages. — De tous temps et dans presque toutes les contrées, les criquets ont exercé d’énormes ravages. Les monuments anciens, les écrivains de l’antiquité et d’autres de toutes les époques en font mention. Leurs méfaits ne se bornent pas toujours à détruire toute végétation. En 1749, l’armée de Charles XII, vaincue à Pultawa, battait en retraite en Bessarabie, lorsque tout d’un coup, au milieu d’un défilé, une grêle vivante de criquets fondit sur elle, jeta le désarroi parmi les hommes et les chevaux et changea la retraite en déroute.