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SAUL


des Israélites paraissait d’autant plus lamentable que les Philistins étaient leurs fournisseurs d’armes. Il fallait descendre chez eux, même pour faire aiguiser les instruments de culture. Les Philistins avaient accaparé le monopole de l’industrie métallurgique ; ils tenaient ainsi à leur discrétion leurs imprévoyants voisins qui, en cas d’hostilités, en étaient réduits à se passer d’armes et d’outils. Les hommes de Saùl n’avaient donc ni lances ni épées ; seuls, le roi et Jonathas en possédaient. En voyant les Israélites postés à Gabée, les Philistins occupèrent une position en avant de Machmas, en haut de la vallée qui séparait les deux armées. Jonathas mit à profit cette circonstance pour tenter un coup d’audace, avec la confiance que Jéhovah saurait bien lui venir en aide. Seul avec son écuyer, il gravit les rochers, arriva au premier poste des Philistins et leur tua une vingtaine d’hommes. La panique se mit aussitôt dans le camp ennemi et tut encore augmentée par un tremblement de terre. Témoins du mouvement qui agitait le camp philistin, les Israélites s’approchèrent et reconnurent que, dans la confusion provoquée par la panique, les ennemis s’entretuaient. Aussitôt, des Israélites précédemment cachés ou en fuite surgirent de toutes parts et poursuivirent les Philistins jusqu’à Béthaven, à trois ou quatre kilomètres au nord de Machmas. Saül fit alors jurer à tout le peuple que personne ne prendrait rien avant que la déroute des ennemis fût achevée. Jonathas, qui n’avait pas eu connaissance du serment prescrit par son père, mangea un peu de miel en passant par la forêt. La poursuite se continua jusqu’à Aïalon, à vingt-cinq kilomètres à l’ouest de Machmas. Le soir, le peuple se jeta sur le butin et, exténué par la faim, mangea des animaux avec le sang. C’était une faute contre la Loi. Lev., iii, 17. Par son serment inconsidéré, Saùl avait donné occasion à cette transgression. Pour l’expier, il fit dresser une pierre, sur laquelle il donna l’ordre d’égorger les animaux avant de s’en nourrir, et il éleva un autel à Jéhovah. Vers le milieu de la nuit, le roi voulait reprendre la poursuite, quand le grand-prêtre l’avertit d’avoir d’abord à consulter Dieu. Comme aucune réponse ne fut obtenue, on crut qu’une faute cachée motivait le silence de Jéhovah et l’on jeta le sort pour savoir quel était le coupable. Jonathas fut désigné. Il avoua qu’il avait mangé un peu de miel le jour précédent, et Saül voulut le faire mourir. Le peuple s’y opposa énergiquement et Jonathas eut la vie sauve. La poursuite s’arrêta là. Les Philistins survivants regagnèrent leur pays et Saül s’en retourna à Gabaa. Jéhovah avait visiblement secouru les Israélites dans leur situation désespérée ; à combien plus forte raison l’eût-il fait si le roi s’en était tenu fidèlement aux prescriptions de Samuel ! Saül fit encore d’autres guerres contre les ennemis d’alentour, Moab, Ammon, Édom, les rois de Soba et, de nouveau, les Philistins. Mais l’historien sacré se contente de les mentionner. I Reg., xiii, 15-xiv, 47. Voir Jonathas, t. iii, col. 1616.

III. La deuxième faute. — 1° La guerre contre les Amalécites. — Sur l’ordre de Samuel, Saül partit en guerre contre les Amalécites, qui jadis avaient montré tant d’hostilité contre les Hébreux après leur sortie d’Egypte. Exod., xvii, 8-16. Il lui était enjoint de tout exterminer, parce que tout ce peuple avait été voué à l’anathème par Jéhovah. Exod., xvii, 14. Le roi partit avec 200000 hommes de pied et 10 000 de Juda. Il avertit d’abord les Cinéens d’avoir à se retirer du milieu des Amalécites, et il battit ces derniers depuis Hévila jusqu’au désert de Sur, près de la frontière égyptienne. Voir Hévila, t. iii, col. 688, et la carte, t. i, col. 429. Seulement il épargna le roi, Agag, et ce qu’il y avait de meilleur dans les troupeaux. Après la victoire, il se rendit à Carmel de Juda, voir Carmel 1,

t. ii, col. 290, où il s’éleva un monument, une « main » voir Main, t. iv, col. 585, et descendit à Galgala. Samuel parut alors de nouveau et reprocha à Saùl sa transgression. Le roi prétendit qu’il avait gardé les troupeaux pour offrir des sacrifices à Jéhovah ; mais il s’attira cette réponse : « Jéhovah prend-il autant de plaisir aux holocaustes et aux sacrifices qu’à l’obéissance à sa voix ? Mieux vaut l’obéissance que le sacrifice et la soumission que la graisse des béliers. Car la rébellion est aussi coupable que la divination, et la résistance autant que l’idolâtrie et les théraphim. Puisque tu as rejeté la parole de Jéhovah, il te rejette aussi pour que tu ne sois plus roi. » I Reg., XV, 22, 23. Ainsi, après avoir mérité la réprobation pour sa descendance, Saûl la faisait remonter jusqu’à lui-même. Il reconnut sa faute et voulut implorer son pardon, mais ce fut en vain. Tout ce qu’il obtint, c’est que le prophète, pour lui faire honneur devant les Israélites, consentît à demeurer quelque temps avec lui, pour qu’ensemble ils adorassent Jéhovah. Quant à Agag, Samuel le fit comparaître et tailler en morceaux. Puis il partit pour Rama, pendant que Saùl s’en retournait à Gabaa. 1 Reg., xv, 1-35.

2° Les conséquences. — « Jusqu’à quand pleureras-tu sur Saù], que j’ai rejeté, afin qu’il ne règne plus sur Israël ? » dit le Seigneur à Samuel, affligé de la réprobation de celui sur lequel il avait compté. Pour obéir à Dieu, Samuel oignit le jeune David comme roi d’Israël. I Reg., xvi, 1-13. Si l’on s’en rapporte à l’indication de Joséphe, Ant. jud., VI, xiv, 8, Saül n’avait pas encore atteint la moitié de son règne à cette époque. Pendant plus de vingt ans, il était donc destiné à traîner une vie maudite et misérable. « L’Esprit de Jéhovah se retira de lui et un mauvais esprit, venu de Jéhovah, le troublait. » Une noire mélancolie, mêlée d’accès de fureur, s’empara de lui. Cf. W. Ebstein, Die Medizin im A. T., Stuttgart, 1901, p. 115. Pour calmer la surexcitation nerveuse du roi, on chercha quelqu’un qui pût lui jouer de la harpe. Le jeune David fut choisi. Quand les accès du roi commençaient, celui-ci jouait de son instrument, Saül s’en trouvait bien et se calmait. I Reg., xvi, 14-23.

IV. La poursuite de David. — 1° Le combat contre Goliath. — Une nouvelle attaque des Philistins obligea Saûl à rentrer en lutte avec eux. Le géant Goliath vint alors défier insolemment les Israélites, et personne n’osait se mesurer avec lui. Voir Goliath, t. iii, col. 268. Saül promit sa fille à celui qui combattrait le philistin, avec exemption de toute charge pour sa famille. David s’offrit à affronter la lutte et il vint à bout du terrible ennemi, ce qui détermina la fuite des Philistins, le massacre d’un grand nombre d’entre eux et la poursuite des autres jusqu’à Accaron. I Reg., xvii, 1-54. Au retour, on fit une ovation à David. Les femmes chantaient en dansant :

Saiil a tué ses mille,

Et David ses dix mille.

Le roi se montra fort irrité de la préférence ainsi marquée au jeune héros. « Il ne lui manque plus que la royauté ! » disait-il avec amertume, sans se douter que David avait déjà reçu l’onction royale ; et, à partir de ce jour, il le vit de mauvais œil. I Reg., xviii, 6-9.

— Entre les deux passages I Reg., xvii, 54, et xviii, 6, ont été intercalés deux courts morceaux. Dans le premier, Saûl et Abner, son cousin et le chef de son armée, ne connaissent pas David et demandent qui il est. I Reg., xvii, 55-58. Ce fragment a sa place dans le récit de la présentation de David, quand il vint pour la première fois jouer de la harpe devant Saûl. Le second épisode raconte la liaison de Jonathas et de David, qui n’eut lieu qu’après la victoire remportée sur Goliath. I Reg., xviii, 1-5. Ces deux morceaux manquent