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SARGON


de ceux qui y étaient auparavant je fis habiter les hommes des pays que ma main avait conquis ; à ceuxlà je (n’)imposai de tribut (que) comme aux Assyriens. »

Un peu plus loin dans les Annales, après le récit des campagnes de Babylonie et d’Arabie, nous lisons encore : « (DeMérodach-baladanquitint)contre la volonté des dieux la royauté de Babylone, sept ( ? mille) hommes avec leurs biens, je transportai et les fis habiter (dans le pays des) Hatti (c’est-à-dire la Syrie). — Ceux de Tamud, d’Ibadid, de Marsimani, de Hayapa, ces Arabes éloignés, habitants du désert, que ni savant ni envoyé ne connaissait, qui n’avaient jamais payé tribut aux rois mes pères, sous la protection du dieu Asur mon maître je subjuguai, leurs restes je transportai et fis habiter dans la ville de Samarie. »

Ces textes ont leur contre-partie dans l’histoire des Rois : « Et le roi d’Assur monta contre Samarie qu’il assiégea pendant trois ans. La neuvième année d’Osée le roi d’Assur prit Samarie (au chapitre xviii, 10 : Et ils la prirent ou on la prit) et il emmena Israël captif en Assur. Il les fit habiter à Chalach et sur le Chabor, fleuve de Gozan et dans les villes des Mèdes… Le roi d’Assur fit venir des gens de Babylone, de Cutha, d’Avva. de Hamath et de Sépharvaïm (cités babyloniennes, sauf Hamath, qui était au pays des Hatti, c’est-à-dire en Syrie) et les fit habiter dans les villes de Samarie à la place des enfants d’Israël. » II (IV) Reg., xvii, 5, 6, 24.

Il faut remarquer le parallélisme exact de ces récits quant aux faits : en ce qui concerne leur attribution, la variante du chapitre xviii du récit des Rois semble indiquer que le prince qui commença le siège de Samarie ne le termina pas, mais que même en son absence ou après sa disparition, la ville fut prise cependant par les Assyriens. Nous savons qu’en effet l’assiégeant fut Salmanasar IV et que le destructeur fut son successeur Sargon, opérant soit pour le compte de Salmanasar, soit pour son compte personnel, dans les quelques mois qui précèdent la première année officielle de son règne, ina ris" Sarrutiya, suivant le comput habituel des annalistes assyriens. Voir Salmanasar IV.

La conquête du royaume d’Israël était une menace nouvelle pour les royaumes environnants : sur les conseils d’Isaïe qui avait prédit à Achaz le sort de Samarie, Juda semblait vouloir se tenir à l’écart et rester vassal fidèle de l’empire assyrien ; mais au sudouest l’Égj’pte, au nord l’Urarthu (Arménie), au sud-est le pays d’Elam, avaient tout à craindre de leur puissant voisin, et tout intérêt à lui susciter des difficultés sans cesse renaissantes ; au midi Babylone, récemment conquise, supportait impatiemment la domination ninivite. C’est elle qui entra la première en lutte : à . l’instigation et avec l’appui des rois d’Élam, Humbanigas et plus tard Sutruk-nahunta, elle secoua le joug et mit sur le trône un prince chaldéen, Mérodach-Baladan (721). La lutte fut longue et incertaine : les succès que Sargon s’attribue dans ses inscriptions ne furent pas, d’après la Chronique babylonienne, sans mélange de revers : en tout cas Mérodach-Baladan se maintint douze ans sur le trône, malgré le pillage de quelques villes et la transplantation de leurs habitants au pays des Hatti ; ces détails des Annales sont en parfait accord du reste avec le récit de II (IV) Reg., xvii, 24 : « Le roi d’Assur fit venir des gens de Babylone, de Cutha, d’Avva, de Sépharvaïm et les établit dans Samarie à la place des enfants d’Israël. » Il fit de même pour quelques tribus arabes qu’il eut l’occasion de soumettre entre la frontière babylonienne et la Palestine. Pour en finir avec Babylone, Sargon en 710 et 709 entreprit une nouvelle campagne où il réussit à isoler Mérodach-Baladan de l’Élam, le chassa de sa capitale, le poursuivit jusqu’à Dur-Yakin dans la Basse-Chaldée, l’y assiégea et le laissa échapper, tandis qu’il allait se faire couronner lui-même roi de Babylone. Le fugitif

devait reparaître plus tard, sous^Sennachérib, ressaisir sa couronne, et exciter en Syrie de nouvelles révoltes contre l’empire assyrien : c’est dans ce but qu’il envoya une ambassade à Ezéchias. Voir Mérodach-Baladan, t. iv, col. 1001. — À l’autre extémité du royaume, sous Bocchoris le Saïte, d’après M. Maspero, ou sous èabaq l’Ethiopien, d’après la plupart des historiens, l’Egypte, selon sa politique traditionnelle et pour se mettre elle-même à l’abri contre toute agression assyrienne, soudoyait une coalition des rois de Syrie, dont le chef avoué était Yaubid, roi d’Hamath, avec les princes de Damas et d’Arpad, les Tyriens, les Phéniciens, les Philistins et Hanon de Gaza comme auxiliaires principaux : Juda, toujours porté à se laisser entraîner par la politique égyptienne, fut cependant maintenu dans la soumission par Ezéchias et Isaïe. Sargon accourut aussitôt, et par deux victoires consécutives à Harhar et à Raphia (720) anéantit les forces des conjurés : Yaubid d’Hamath fut écorché vif, Hanon de Gaza fait prisonnier, 20 000 captifs furent transplantés en masse, et cantonnés au moins partiellement en Samarie, comme nous l’apprenons par le IIe (IVe) livre des Rois. Quant à l’Égyptien Sab’i-i ou Sib-’i qui porte dans les textes assyriens le titre de turtannu, « général », ou Siltannu, « prince », et non celui de pir-’u, pharaon, roi d’Egypte, il réussit à prendre la fuite sans être autrement inquiété : mais Sargon se vante d’avoir alors reçu madattu êa pir’u $ar Mutsuvi, « le tribut de pharaon, roi d’Egypte ». L’énergie déployée par Sargon dans cette campagne assura la pacification de la Syrie durant sept années consécutives : mais en 7Il la conquête inopinée de l’Egypte par l’Éthiopien Sabacon fit espérer de trouver dans ce prince égyptien un libérateur : et de nouveau Édom, Moab, la Phénicie et la Philistie s’agitèrent. Sargon ne leur laissa guère le temps de s’organiser : son turtannu ou général en chef (voir Is., xx, 1), se précipita sur les conjurés, Azot et les villes révoltées furent prises et saccagées, la population déportée en masse et remplacée par les « habitants des pays du soleil levant. » — Le nord de l’empire n’était guère plus tranquille : l’Arménie (Urarthu) y formait le centre de la résistance : les rois Ursa et Argistis II d’Urarlhu, l’Ararat biblique, Ulussun de de Van (Minni) et quelques princes voisins, de 719 à 713, obligèrent Sargon à entreprendre dans ces’régions d’accès difficile plusieurs campagnes où il déploya toute son énergie et toute sa rigueur sans résultats bien appréciables : elles lui permirent du moins de soumettre au passage quelques États environnants qui n’avaient pas eu la prudence de se tenir à l’écart de ces querelles, comme la Comagène (708) et le territoire de Gargamis (717) ; la Médie fut également parcourue et munie de garnisons assyriennes (715-712) ; les habitants furent aussi déportés en masse, et installés à Hamath à la place de ceux qu’on avait déportés en Samarie : les Mèdes furent remplacés par des Israélites de, Samarie, comme nous l’apprenons par le livre des Rois.

Entre temps, Sargon fut grand constructeur, sans doute pour utiliser ses prisonniers de guerre. Il fit élever à 10 kilomètres au nord de Ninive une ville nouvelle du nom de Dur-Sar-ukin, au village moderne de Khorsabad, Sargoun des géographes arabes : Botta et V. Place ont exploré les ruines du palais qu’il s’y bâtit, en ont reproduit les plans et les bas-reliefs, et copié les nombreuses inscriptions. Une partie des basreliefs du palais de Khorsabad sont conservés aujourd’hui au Musée du Louvre.

Malgré ses conquêtes, Sargon fit une triste fin : Sutruk-nahunta, roi d’Élam, reprit en 706 les provinces qu’on lui avait enlevées quatre ans plus tôt, et s’empara même de quelques villes assyriennes de la frontière ; l’année suivante (705), Sargon mourait, peut-être assas-