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SAPHIR


joue Michée, I, 11 : « Passe, habitante de Sàfir ; dans la nudité et la honte. » Vulgate : Transite vobis, habitatio Pulchra, confusa ignominia. Saint Jérôme, dans son commentaire, In Mich., i, 11, t. xxv, col. 1159, et dans Liber, de situ et nom., t. xxiii, col. 921, l’appelle Saphir. Cette ville n’est nommée nulle autre part dan s l'Écriture. Eusèbe et saint Jérôme la placent dans les montagnes entre Éleuthéropolis et Ascalon, dans la tribu de Juda. Le site est incertain. D’après les uns, c’est Es-Sawafir ou Es-Sûd/ir au nord-est d’Ascalon (Gesenius, Thésaurus, p. 1460), mais ce village est dans la plaine, et non dans la montagne, et cette identification ne s’accorde pas avec celle de YOnomasticon d’Eusèbe. D’autres, comme Tobler, Dritte Wanderung, 47, croient que Saber est l’ancien Saphir, mais comme ce village est près de Es-Sawa/ir, cette opinion est sujette aux mêmes difficultés que la précédente. Toutes les autres hypothèses qui ont été faites sont également sujettes à objection. Voir Palestine Exploration Fund, Memoirs, t. ii, p. 413

    1. SAPHIR##

SAPHIR (hébreu : sappîr ; Septante : erârccpEipoç ; Vulgate : sapphirus), pierre précieuse de couleur bleue.

Le saphir proprement dit est un corindon hyalin d’un beau bleu dont les nuances vont du très foncé jusqu’au clair : c’est le bleu d’azur, limpide, velouté qui est le plus recherché. Le saphir est une alumine cristallisée presque pure dont la coloration est due à l’oxyde de fer. Il tient le milieu entre le translucide et le transparent. Le vrai saphir ou saphir oriental est d’une très grande dureté, égale et souvent supérieure à celle du rubis. Sa pesanteur spécifique est 4, 1. Extrêmement difficile à graver, il ne se laisse entamer que par la pointe de diamant. Sa cristallisation est celle des corindons. Voir Rubis, col. 1262, fig. 267. Pour sa couleur voir la planche en face de la col. 424.

Les anciens ont donné le nom de saphir à des pierres ou des substances bien différentes, en particulier au lapis-lazuli. Cette substance minérale d’un bleu foncé ou d’azur est souvent parsemée de pyrites brillants qui ont l’air de poussière d’or. C’est un silicosulfate d’alumine et de soude avec un peu de sexquioxyde de fer. Sa pesanteur varie de 2, 767 à 2, 945. Cette pierre est opaque, mais translucide sur les bords quand elle est amincie. On la rencontre parfois en très gros morceaux, et elle se laisse graver sans trop de difficulté. Le lapislazuli est rare en cristaux : ceux-ci sont des dodécaètres rhomboïdaux simples ou modifiés sur les arêtes ou les angles. Pour la couleur, voir dans l’article Pierreries la planche placée en face de la col. 424.

Devons-nous voir dans le saphir des textes bibliques le vrai saphir ou le lapis-lazuli ? Le mot sappir, toujours traduit uâicçeipo ; par les Septante et sapphirus par la Vulgate, se rencontre 13 fois dans la Bible avec des qualités plus ou moins caractéristiques. C’est une pierre précieuse d’un grand prix, mais qui ne peut valoir la Sagesse. Job, xxviii, 16. À un saphir taillé et poli, Jérémie, Lam., iv, 7, compare les princes d’Israël bien pris dans leur taille et revêtus de splendides vêtements. Le sein de l'époux des Cantiques, v, 14, est comparé à un chef-d'œuvre d’ivoire couvert de saphirs. La cinquième pierre du rational, la deuxième du second rang, était un saphir. Exod., xxviii, 17 ; xxxix, 13. Le nom gravé sur cette pierre serait Dan (cf. col. 424). Le saphir figure parmi les pierreries qui enrichissaient les vêtements du roi de Tyr. Ezech., xxviii, 13. Les portes de la Jérusalem céleste seront de saphirs et d'émeraudes, d’après le texte de la Vulgate, Tobie xiii, 21. Le texte grec de ce passage diffère et porte : « Jérusalem sera bâtie de saphir et d'émeraude ; ses places seront pavées de béryl, d’escarboucle et de pierres de souphir

(saphir). » La même idée se trouve développée dansls., Liv, 11 : « La nouvelle Sion a ses fondements de saphir, ses créneaux de rubis et ses portes de cristal, s Dans la cité céleste décrite dans l’Apocalypse, xxi, 19, la deuxième pierre fondamentale est un saphir. Dans la vision d'Ézéchiel, i, 26 et x, 1, au-dessus des chérubins s'étendait un firmament et sur le firmament on voyait « comme une pierre de saphir en forme de trône. » De même lorsque Moïse et les anciens contemplent le Dieu d’Israël, Exod., xxiv, 10, ils voient sous ses pieds « comme un ouvrage de saphir, pur comme le ciel même ». D’après ces textes nous pouvons conclure que le saphir hébreu est une pierre très précieuse, d’une belle couleur bleue, qui se laisse assez aisément graver et peut parfois se trouver en très gros morceaux. Le livre de Job, xxviii, 6, nous offre une description très caractéristique du saphir. En montrant l’homme pénétrant jusque dans les entrailles de la terre pour en extraire les pierres précieuses il écrit :

Les roches sont la demeure du saphir, Qui renferme de la poudre d’or.

on ne peut mieux indiquer le lapis-lazuli. Seul parmi les pierres bleues, le lapis-lazuli est semé de petites paillettes de soufre, qui au regard simulent parfaitement l’or. Ni la turquoise ni le vrai saphir ou saphir oriental n’ont ce caractère. De plus les Hébreux ne connaissant pas le vrai diamant, n’auraient pu graver le saphir, au lieu qu’ils pouvaient très bien, à l’exemple des Égyptiens, tailler et graver le lapis-lazuli. Les

Égyptiens nommaient cette pierre

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hesbed Ils s’en servaient pour fabriquer quantité d’amulettes et de parures ; ils en employaient les morceaux broyés et réduits en poudre pour faire la couleur bleue. Ils allaient le chercher dans la terre de Pouantt, c’est-àdire en Afrique sur la côte des Somalis.

Le lapis-lazuli était aussi importé de l’extrême Orient par la Médie, en Assyrie ou à Babylone. Dans ces pays, le bleu dont on se servait pour former le fond des émaux, était du lapis-lazuli pulvérisé. Victor Place, Ninive et l’Assyrie, t. ii, p. 253 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, . p. 239. La description d'Ézéchiel, i, 26 et x, 1, a ainsi parfaitement la couleur locale.

Le saphir des anciens est donc d’ordinaire le lapislazuli. Lorsqu’il parle des pierres qu’on taillait pour en faire des sceaux, Théophraste, De lapid., 23, cite le o-omopeipo ; et le décrit comme une pierre bleue foncée, qui est comme semée d’or. Pline, H. N., XXxvii, 39, dit de même que le saphir est bleu et brille de points d’or. Cependant comme pour le hesbed égyptien et le o-âitçsipo ; grec, il est impossible que le mot hébreu sappir soit compris parfois avec le lapis-lazuli, d’autres substances bleues. Plusieurs auteurs croient que ce mot désigne dans les textes bibliques le vrai saphir : cela ne peut guère se justifier dans des textes où l’on suppose que cette pierre était gravée, comme dans la description du rational. Le vrai saphir est certainement exclu aussi dans la description d'Ézéchiel et surtout dans le texte de Job qui suppose la pierre parsemée de paillettes d’or. Mais dans des textes comme l’Apocalypse, xxi, 19, il n’y a rien qui permette d'écarter le saphir oriental, bien que le lapis-lazuli puisse parfaitement convenir. Voir J. Braun, Vestitus sacerdotum hebrseorum, in-8°, Leyde, 1680, p. 670-683 ; C. R. Lepsius, Les métaux dans les inscriptions égyptiennes, trad. Berend, in-4°, Paris, 1877, p. 29-39 ; Clément-Mallet, Essai sur la minéralogie arabe, in-8°, Paris, 1868, p. 163-173 ; Ch. Barbot, Guide pratique du joaillier, Ed. Baye, in-12, Paris, s. d. ; F. Leteur, Traité élémentaire de minéralogie pratique, in-4°, Paris, p. 97130. E. Levesque.