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SANGLIER — SANGSUE


des fourrés épais, où il ne pénètre qu’avec un fracas qui dénonce sa présence. De là, il sort la nuit, ravage les champs et les vignes et ruine souvent, pour toute une année, les espérances du cultivateur. Les sangliers se rencontrent nombreux sur les bords du Jourdain, de Jéricho au lac de Tibériade, près du lac Mérom, au Thabor, au Carmel, sur les rives du Cison, dans la plaine de Saron, dans le désert de Bersabée et dans les vallées de Moab et de Galaad. Près de Jéricho, ils pullulent dans les ravins humides et fournissent une abondante nourriture aux panthères. Cf. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. ii, p. 148. Voir t. iv, fig. 270, col. 1024, un bas-relief trouvé à Koyoundjik et représentant un sanglier avec ses petits au milieu des roseaux. « On rencontre fréquemment ces animaux dans cette partie du Ghor où ils trouvent une nourriture abondante et des lagunes remplies de roseaux au milieu desquels ils peuvent se cacher facilement. Les Arabes regardent le sanglier comme impur, et à aucun prix ne voudraient le toucher de la

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Le sanglier.

main ; cependant ils le chassent volontiers par simple amusement, pour faire courir, sauter leurs chevaux et pour s’exercer au maniement de leurs armes. Ils le tuent à coups de lance, et abandonnent ensuite sa carcasse aux hyènes, aux chacals et aux vautours. Au delà du lac de Tibériade, les Arabes des villages chrétiens mangent sa chair sans répugnance. Ce cochon sauvage, sus scrofa, est de la même espèce que celui d’Europe, quoique sa taille soit peu considérable et la couleur de son poil beaucoup plus foncée. Il est aussi moins féroce, ne se retourne pas pour tenir tête à l’agresseur ou aux chiens, mais cherche surtout à fuir au plus vite. Ce fauve est très redouté des cultivateurs de Jéricho, car il fait de grands dégâts dans les champs et les vergers. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 466. Quand la crue du Jourdain chasse les sangliers de leurs retraites, ils montent dans le haut pays et se cachent le jour dans les fourrés et dans les creux des rochers. Dans la région de l’Hermon, des sangliers énormes dévastent les champs des montagnards. Cf. Lortet, lbid., p. 649. Dans les districts vignobles, ils dévorent les raisins et ravagent complètement les vignes, quand on ne réussit pas à les surveiller et à les écarter. La chair du sanglier ressemble assez à celle du porc. Ces deux animaux étaient impurs pour les Hébreux. Ceux-ci ne les chassaient donc que pour la protection de leurs récoltes. Cf. Tristram, The natural History of Ihe Bible, Londres, 1889, p. 51-56.

L’extension exagérée qu’on a attribuée au totémisme a porté certains auteurs à voir dans le sanglier, type sauvage du porc domestique, le totem des anciens clans hébreux, c’est-à-dire l’animal avec lequel les premiers ancêtres de la race auraient contracté une sorte de parenté et qui, pour cette raison, serait devenu tabou ou prohibé pour les descendants. Cf. Comptes rendus de

l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1900, 1° juin-10 août ; Revue biblique, 1901, p. 140-141 ; S. Reinach, Cultes, Mythes, Religions, Paris, 1906. L’influence du totémisme est loin d’avoir été aussi générale qu’on l’a prétendu et l’introduction d’une pareille observance chez les Hébreux est encore à prouver. Cf. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p.110-HSjZapleta ^-DerTotemismuswnd die Religionlsræls, Fribourg (Suisse), 1901 ; Ma r Le Roy, La religion des primitifs, Paris, 1909, p. 109-134. L’interdiction du porc peut tenir à plusieurs sortes de causes, en particu lier à l’hygiène. D’autre part, il est certain quele porc était une des victimes préférées en Babylonie et dans la Grèce antique. Les débris retrouvés dans le grand sanctuaire néolithique de Gazer étaient surtout des os de porc. Cf. Macalister, dans le Pales t. Explor. Fund, Quart, stalement, 1903, p. 321 ; 1901, p. 113 ; H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 188. C’est donc en Chanaan même que le porc- était réservé aux sacrifices. N’était-ce pas une raison de plus pour que la loi mosaïque proscrivît ce qui servait plus spécialement aux sacrifices idolâtriques des Chananéens ? L’hypothèse du totémisme est donc ici sans fondement.

H. Lesêtre.
    1. SANGSUE##

SANGSUE (hébreu : ’âlùqâh ; Septante : ëoé).).a ; Vulgate : sanguisuga), annélide suceur, de l’ordre des abranches ou sans branchies, et de la famille des hirudinées ou bdellaires. — La sangsue commune a le corps plissé transversalement et formé de 94 anneaux marqués de taches noires et pourvus de pores qu’on regarde comme des organes respiratoires. Aux deux extrémités du corps, deux cavités contractiles permettent à l’animal d’adhérer fortement aux objets. Cette faculté d’adhérence a valu à la sangsue son nom hébreu, qui vient de’âlaq, « adhérer ». Dans la cavité antérieure se trouve la bouche, armée de trois petites lancettes dentées comme des scies, à l’aide desquelles la sangsue pique la peau des animaux pour pouvoir ensuite sucer leur sang. De ce sang, elle remplit successivement les diverses cavités d’un estomac qui occupe presque les deux tiers de la longueur de son corps (fig. 295). La sangsue est extrêmement vorace ; on connaît des espèces qui se gorgent d’une quantité de sang égale au poids de leur corps. Quant elle est gorgée, elle se laisse choir d’elle-même et met des semaines ou des mois à digérer son repas. Le contact d’un peu de sel lui fait lâcher sa proie. Autrement, le mot d’Horace, De art. poet., 476, se vérifie :

Non missura cutem, nisi plena cruoris, hirudo.

Il existe un grand nombre d’espèces de sangsues, vivant aux dépens des poissons, des crustacés, des mollusques. Les plus connues s’attaquent à l’homme et aux mammifères. Elles ne sont pas toutes aquatiques. Dans les régions chaudes vivent, au milieu des broussailles, des sangsues qui s’en prennent au voyageur et au cheval qui le porte, et les sucent l’un et l’autre, souvent sans qu’ils s’en aperçoivent. Les sangsues aquatiques sont cependant plus communes. À part quelques exceptions, les accidents qu’elles causent sont peu à redouter. Cf. Van Beneden, Les commensaux et les parasites dans le règne animal, Yars, 1883, p. 1C2-105. Toutefois, ces accidents peuvent devenir graves quand l’animal s’introduit dans un organe. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris 1884, p. 470, dit à propos de la source Aîn-el-Haoud, située entre Jéricho et Jérusalem : « L’eau, assez fraîche et bonne, … tombe dans uneauge oblongue, où il ne faut boire qu’avec beaucoup de précautions, car elle est pleine de sangsues fines comme des cheveux, presque incolores et que l’on est exposé à avaler avec la plus grande facilité. Ces annélides (hsemopis sanguisuga) se fixent alors dans l’arrièregorge, où elles amènent, en se gonflant, et par la perte