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SAGESSE (LIVRE DE LA)


24 ; xv, 18, et y revient avec insistance ; il se complaît dans les détails des plaies d’Egypte, xi, 5-15 ; xv, 18xrx, 5. Quelques savants ont voulu attribuer à la Sagesse une origine chrétienne : Kirschbaum, Der jûdiache Alexandrinismus, Leipzig, 181l, p. 52 ; Weisse Veber die Zukunft der evangelischen Kirche, Leipzig, 1849, p. 233 ; Noak, Der XJrspi-ung des Christenthums, Leipzig, 1837, t. i, p. 122, mais tout le livre manifeste la main d’un Juif, écrivant pour des Juifs et parlant en Juif de la loi de Moïse, ir, 12, du peuple d’Israël, m, 8, et de la Terre Sainte, xii, 7.

III. Date. — La date assignée par les critiques à la Sagesse est très différente selon qu’ils l’attribuent à tel ou tel auteur. D’après ce qui vient d’être dit, on doit regarder comme certain qu’il a été écrit à l’époque ptolémaïque et probablement à Alexandrie. L’opinion la plus vraisemblable est celle qui place la date de sa composition entre 150 et 130 avant J.-C. — 1° Il est postérieur aux Septante, car il cite le Pentaleuque et Jsaïe d’après leur traduction : Sap., xi, 4 = Num., xx, ll ; Sap., xii, 8=Deut., vii, 20 ; Exod., xxxiii, 28 ; Sap., xvi, 22= Exod., ix, 24 ; Sap., xix, 20 = Exod., xvi, 22 ; Sap., ii, 12 : ’Eve8p - j<7w[/.sv [Ar|0-w[i£v] tôv St’xaiov ots Sjo-xp^uto ; ^ifiîv iavt, est la reproduction littérale (le premier mot excepté), de la traduction donnée par les Septante d’Isaïe, iii, 10, laquelle leur est propre et diffère du texte hébreu où on lit : « Dites au juste qu’il est heureux, » au lieu de : « assaillons le juste, parce qu’il nous est inutile ; » Sap., xv, 10 ; SnôSo ; ô xocpSt’a aikoO, reproduit Isaïe, xliv, 20, « son [leur] cœur est de la cendre » d’après la version grecque ; l’hébreu porte : « Il se nourrit de cendre ; son cœur [abnsé l’égaré], » — 2° Le livre de la Sagesse ne peut donc pas avoir été écrit avant le règne de Plolémée Philadelphe (285-243), sous lequel on place la traduction des Septante. L’examen du contenu de l’ouvrage permet d’arriver à une détermination moins vague et plus précise de sa date. L’auteur se plaint de la décadence de la foi chez un certain nombre de ses coreligionnaires pour qui le milieu païen de l’Egypte est corrupteur : ils s’éloignent de Dieu, to-j Kupc’ou àœoctâvTSî, m, 10 ; ils recherchent avant tout le plaisir, il, 1-9 ; ils tombent dans l’incrédulité, ils ne peuvent plus supporter le joug de la loi, ii, 14, et se laissent aller à des discours impies, i, 6 ; ii, 1-9, s’ils ne tombent même pas dans l’idolâtrie. La vigueur avec laquelle l’auteur combat l’idolâtrie égyptienne montre bien qu’il y avait des Juifs infidèles qui devenaient apostats. L’écrivain inspiré s’élève avec force contre eux, et, en même temps, il encourage de, toutes ses forces ceux de ses frères qui sont persécutés pour leur religion, à rester fermes et inébranlables. Son langage nous révèle qu’il écrit à un moment où le judaïsme n’est pas en faveur, mais, au contraire, a beaucoup à souffrir des maîtres de l’Egypte, xi, 5 ; xii, 2, 20 ; xv, 14 (sunt inimici populi tui) ; cf. xvi-xix. C’est cette circonstance qui peut servir à fixer la date approximative de la Sagesse. Les premiers Ptolémées furent bienveillants pour les Juifs établis en Egypte, mais Ptolémée IV Philopator (222-224) les traita avec cruauté (voir col. 851), et de même Ptolémée VII Physcon (170-117). Cest donc selon toute vraisemblance sous l’un de ces deux rois que fut composée la Sagesse, et plus probablement sous le second, qui demeura particulièrement un objet d’aversion pour les Juifs. Josèphe, Cont. Apion., ii, 5 ; Grætz, Histoire des Juifs, trad. Wogue, t. ii, 1884, p. 143-144.

IV. Langue. — La langue originale de la Sagesse est le grec, mêlé d’un certain nombre d’hébraïsmes, ce qui fait conclure avec quelques autres traits à son origine alexandrine. Secundus [le livre de la Sagesse], apud Hebrseos nusquam est, guin et ipse stylus grsecam eloquentiam redolet, dit avec raison saint Jérôme,

Prstf. in lib. Salomonis, t. xxviii, col. 1212. S. Mar-. goliouth a voulu prouver, Journal of the royal Asiatic Society, 1890, p. 263-297, qu’il avait été composé en hébreu, mais il a été réfuté par J. Freudenthal, dans la Jewish Quarterly Review, juillet 1891, p. 722-753. L’auteur fait un usage fréquent des mots composés et des adjectifs, qui sont si rares, même dans les œuvres des autres Juifs hellénistes : àSsX<poxT<5vo « , x, 3 ; xaxdts ^voç, I, 4 ; xv, 4 ;-pTf SVÏ lî> VI1’^ » tp<oTo’7rXao"roe, VI l> "1 ! x, 1 ; o ; ioio7tx8^ ; , vii, 3 ; itïv£W(Vjco7coç, vii, 23 ; itavro8-jvoc[j.9{, vii, 23 ; 17uépjxaxoç, X, 20 ; XVI, 17 ; o-nXaYXo<piyoç, xii, 5 ; texvôçovo ; , xiv, 23, etc. — Il se sert d’expressions grecques qui n’ont point de termes correspondants en hébreu : upuTocveiç, xiii, 2 ; Ar, 6ï], le fleuve de l’oubli, xvi, 11 ; xvll, 3 ; SSou, pao-ÎX£iov, I’Hadès, l, 14 ; cf. xvi, 13 ; àp-ëpoo-c’a Tpoq » ; , la manne, xix, 20, àY<ôva6pa§eyeiv, x, 12 ; cf. iv, 12, etc. ; ainsi que les âitalj Xïfôtteva, tels que XuOpwSi] ; , xi, 7 ; fEveoi’apx^C, xiii, 3 ; ](ev£<jioupY<5ç, xiii, 5 ; èitc[iiE, xiv, 25 ; xaxôiiox^oÇi xv > 8, etc. Il emprunte des termes techniques et des locutions à la philosophie platonicienne et stoïcienne ; itvc-jjjia voepriv, vii, 22 ; 8c7Jxetv xal x<Dpeîv 81à TtâvTtov, vii, 24 ; 0X7) ajioppo ; , xi, 17 ; irpovoia, xiv, 3, xvii, 2. — De nombreuses allitérations et paronomases grecques confirment l’origine hellénique du livre : àY « 7cr, <jaTe — ippovriaocTs — Sit^o-xis ; — èv aYa8<fcïiTt — à7cX’jTr|Ti, 1, 1 ; — o5ç — dpoCj, i, 10 ; — irapoSeOo-w — a-uvofis-jau, VI, 22 ; — « PY » — êpyj ! , XIV, 5 ; — aêtxa — Six*], I, 8 ; — Suvatoi 8è êcvarâç, VI, 6 ; £-J<18<oo-£ — 8u<58eu<t£v, XI, 1 ; xii, 12, 15, 25 ; xiii, 11, 19, etc. — D’un autre côté, les hébraïsmes dont le livre est parsemé attestent que l’auteur est de race juive, par exemple : emXÔTïjî xocpSt’aç, i, 1 ; [A£pf ; , xXvjpoî ; ii, 9 ; XoYfÇ£<r9ac £i{ ti, II, 16 ; àp£<rrov i-i oySaXnoït tivoc, IX, 9 ; itXï|po0v ypôvov, iv, 13 ; uc’oi àv6ptiitwv, ix, 6 ; o^ioi toO 0£oô, iv, 15, etc. L’auteur ne sait se servir que d’un petit nombre de particules grecques, xai’, SI, Yâp, àXXi, quoiqu’il puisse construire des périodes grecques, xii, 27 ; xiii, 11-15. Il applique enfin régulièrement les régies du parallélisme hébreu à sa composition. Grimm, Dos Buch der Weisheit erklârt, 1860, p. 7 ; Deane, The Book of Wisdom, 1881, p. 2830.

V. Style. — Il est remarquable dans plusieurs chapitres, mais il n’est pas toujours égal : très élevé dans le portrait de l’épicurien incrédule, n ; dans le tableau du jugement dernier, v, 15-24 ; dans la description de la sagesse, vii, 26-vni, 1 ; incisif et mordant dans la peinture de l’idolâtrie, xiii, 11-19, il est diffus et redondant dans d’autres endroits, surchargés d’épithètes, vu, 22-23, etc. Lowth, De sacra poesi Hebrseorum, Prælect., xxiv, 1763, p. 321-322. La fin du livre renferme des répétitions, xi, xvi-xix.

VI. Contenu et division. — On peut diviser le livre de la Sagesse de plusieurs manières : en trois parties : i, 1-vi, 21, la sagesse source du bonheur ; — vi, 22-ix, 18, nature de la sagesse ; — x, 1-xix, 22, bienfaits et avantages de la sagesse prouvés par l’histoire du peuple de Dieu. — La division la plus simple est celle qui partage le livre en deux parties, l’une théorique, i-ix, et l’autre historique, x-xix. L’auteur se propose de comhattre l’incrédulité et l’idolâtrie, en montrant l’excellence de la sagesse. Pour donner du poids à sa parole, il parle au nom deSalomon, si renommé pour sa sagesse, et s’adresse à ceux qui jugent la terre, I, 1. La marche générale de la pensée est facile à suivre, mais les subdivisions ne sont pas toujours nettement marquées. Voici comment on peut les distinguer.

l n partie, i-ix. — La sagesse au point de vue spirituel et moral. — Première section : la sagesse source du bonheur et de l’immortalité, i-v. — 1° Ce qu’est la sagesse : elle consiste dans la rectitude du cœur, i, 1-5, et dans la rectitude du langage, 6-11. — 2° Origine de