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SADDUGEENS


prêtres, qui occupaient le premier rang dans la nation, y avaient exercé l’autorité principale sous la domination des Grecs et même des Perses. À l'époque romaine, les grandes familles sacerdotales étaient sadducéennes. Act., v, 17 ; Josèphe, Ant. jud., XX, IX, 1. Cependant, il n’y a nullement identité entre le sacerdoce juif et le sadducéisme. Un très grand nombre de prêtres n'étaient pas sadducéens et n’avaient aucune antipathie contre le pharisaïsme, auquel même beaucoup d’entre eux finirent par adhérer à l'époque qui précéda immédiatement la ruine de Jérusalem. D’autre part, les Pharisiens ne nourrissaient aucune animosité contre les prêtres ; ils recommandaient l’obéissance aux obligations que la loi prescrivait à leur égard et se montraient eux-mêmes fidèles à les observer. Mais l’antagonisme n’existait qu’entre le pharisaïsme et le haut sacerdoce, non pas à raison de ses fonctions, mais à cause de ses idées et de ses tendances. — 2° L’origine de cet antagonisme doit tenir à une cause d’ordre politique. L’aristocratie sacerdotale, qui exerçait l’autorité sur la nation à l'époque des dominations étrangères et jouissait des honneurs et des profits attachés à ses fonctions, avait naturellement intérêt à maintenir cet état de choses. L’intérêt national réclamait également que satisfaction fût donnée, autant que possible, aux maîtres étrangers de qui dépendaient les destinées du pays. Ainsi s’explique la tendance des prêtres fonctionnaires à se rapprocher de plus en plus de l’hellénisme, et leurs efforts pour diminuer la distance qui séparait le judaïsme d’avec le monde païen. Il leur semblait qu’ils travaillaient ainsi au bien de la nation, non moins qu'à leur avantage particulier. Ces tendances, déjà très accentuées sous la domination grecque, survécurent à la période de réaction machabéenne. Pendant que, profondément antipathiques au joug et aux idées étrangères, les Pharisiens s’attachaient plus étroitement à la loi et ne craignaient pas d’en tirer les extrêmes conséquences, l’aristocratie sacerdotale s’efforçait de diminuer plutôt que d’augmenter les causes de divergence avec la gentilité, en acceptant du monde païen tout ce qui n'était pas foncièrement inconciliable avec le fond essentiel de la loi mosaïque. On vit alors les grands-prêtres Jason, Ménélas et Alçime verser à l’excès dans l’hellénisme. — 3° Les grands-prêtres macchabéens, Jonathas et ses successeurs, à raison même de leurs antécédents, se rangèrent au parti pharisien, qui était le parti du patriotisme et de l’observance étroile de la loi. Les Sadducéens furent alors tenus à l'écart, mais ils ne disparurent pas et conservèrent toujours quelques-uns des leurs dans les hautes fonctions. Ils apparaissent tout d’un coup sous Jean Hyrcan pour jouer un rôle qui prouve leur réelle importance. Plusieurs des Pharisiens voyaient d’un mauvais œil la puissance civile et le souverain pontificat réunis dans les mains du même prince. Ils manifestèrent publiquement leur mécontentement, et l’un d’eux, Éléazar, alla même jusqu'à élever des doutes sur la légitimité de la naissance de Jean Hyrcan. Jonathas, ami intime du prince et sadducéen, lui persuada que tous les Pharisiens étaient dans les mêmes idées et lui inspira la résolution de faire juger par eux le calomniateur. Ceux-ci ne condamnèrent Éléazar qu’au fouet et à la prison. Hyrcan, outré de cette indulgence, passa au parti des Sadducéens, embrassa leur doctrine et prit des mesures rigoureuses contre ceux qui observaient les pratiques du pharisaïsme. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 5, 6 ; Babyl. Berachoth, fol. 29 a. Aristobule I er, et surtout Alexandre Jannée, persévérèrent dans ce parti. Ce dernier, violemment attaqué par le peuple à l’instigation des Pharisiens, fit massacrer six mille hommes par sa garde, et soutint ensuite pendant six ans une guerre civile durant laquelle périrent cinquante mille Juifs. Ant. jud., XIII, xiii, 5. Cependant, avant de mourir,

il recommanda à la reine Alexandra de se concilier les Pharisiens en leur donnant part au pouvoir. Josèphe, Ant. jud., XIII, - xv, 5. Ceyux-ci, redevenus puissants sous Alexandra, exercèrent des représailles contre les Sadducéens et en firent mourir un bon nombre, entre autres Diogène, ancien ami d’Alexandre Jannée. Aristobule, fils cadet d’Alexandra, intervint alors en faveur des Sadducéens. La reine, pour les soustraire à la vengeance de leurs ennemis, les envoya dans des forteresses dont elle leur confia la garde. Josèphe, Ant. jud., XIII, xvi, 2-3. C'était une force toute préparée dont Aristobule se servit, à la mort de sa mère, pour s’emparer de la royauté, au détriment de son aîné Hyrcan. — 4° Sous Hirode et sous les procurateurs romains, si impatiemment supportés par les Pharisiens, les Sadducéens s’accommodèrent aisément du régime imposé à la nation. Ils remplissaient alors les principales charges religieuses. Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 4, remarque même que « quand ils exerçaient quelque magistrature, ils se rangeaient à l’opinion des Pharisiens, bien qu'à contre coeur et sous le coup de la nécessité, parce qu’autrement le peuple ne les eût pas supportés. » Ils savaient donc faire fléchir leurs principes dans l’intérêt de leur pouvoir. On les voit intervenir de temps en temps à travers l’histoire évangélique, faisant souvent cause commune avec les Pharisiens contre Jésus, mais pour des motifs tout différents. Ce qu’ils voient en lui, c’est le novateur qui cherche à troubler l’ordre établi et qui peut attirer contre la nation la colère de (a puissance romaine. Joa., xi, 48. Ils cherchent cependant à défendre leurs doctrines particulières, Matth, , xxii, 23-34 ; Act., iv, 1, 2, pour ne pas avoir l’air de se désintéresser des choses d’ordre intellectuel. Mais la politique est leur principale raison d'être. Ils n’existent que pour tirer des circonstances le meilleur parti possible, en se pliant à toutes les dominations qui pèsent sur leur nation, pourvu que leurs intérêts soient saufs. Aussi disparaissent-ils sans laisser presque aucune trace, quand la ruine de la nationalité juive ne permet plus à leur habileté de s’exercer avec profit. Leur influence ayant été beaucoup plus pratique que doctrinale, c’est à peine si les docteurs juifs feront encore mention des Sadducéens dans leurs longs commentaires. Ils en viendront même à ne plus trop savoir ce que ces sectaires ont pensé et ce qu’ils ont été.

III. Leur doctrine. — Chez un peuple qui attachait une si grande importance à sa foi religieuse et qui y cherchait la règle de sa conduite, le fondement de ses espérances et le motif de ses revendications, un parti comme celui des Sadducéens ne pouvait se désintéresser totalement de la question doctrinale, bien que ses visées fussent principalement politiques et utilitaires. Voilà pourquoi ces sectaires admettaient un certain nombre de principes dont ils tiraient les conséquences pratiques. — 1° Sur l'Écriture et les traditions. — D’après les Sadducéens « il ne faut accepter pour régler sa conduite, que ce qui est écrit, sans s’astreindre aux traditions des anciens… Ils prétendent qu’il n’y a à observer que la loi et qu’il est honorable de contredire les maîtres de la sagesse. » Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 6 ; XVIII, i, 4. C'était le principe opposé à celui des Pharisiens, qui trop souvent faisaient passer avant la loi les traditions purement humaines. Matth., xv, 3-6. Un certain nombre de Pères ont pensé que les Sadducéens ne recevaient parmi les livres sacrés que le Pentateuque. Cf. Origène, Cont. Cels., i, 49, t. xi, col. 767 ; Philosophum., ix, 29, édit. Cruice, p. 469 ; Tertullien, De prsescript., 45, t. ii, col. 61 ; S. Jérôme, Cont. Luciferian., 23, t. xxiii, col. 178 ; In "Matth., iii, 31, t. xxvi, col. 165, etc. On a cherché à corroborer cette assertion en observant que, pour réfuter les Sadducéens, Jésus-Christ se contente d’alléguer un