Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/683

Cette page n’a pas encore été corrigée
1331
1332
SACRIFICE


2° Dispositions morales. — Le culte de Dieu ne pouvait se borner à un simple formalisme. Mais la tendance des Israélites à exagérer l’importance des rites extérieurs était telle, que les écrivains sacrés se croient obligés d’insister très fréquemment sur la nécessité des dispositions morales. Plus les sacrifices tenaient de place dans le culte, plus les sentiments religieux devaient en tenir dans le cœur. Aussi, 1, les sacrifices des impies sont abominables aux yeux du Seigneur. Prov., xv, 8 ; xxi, 27 ; Is., lxvi, 2, 3 ; Jer., xiv, 12 ; Ose., ix, 4 ; Eccli., xxxiv, 19-21. Dans Isaïe, xliii, 2224, Dieu se plaint de son peuple qui, malgré tous ses sacrifices, lui a été à charge par ses péchés et l’a fatigué par ses iniquités. Amos, iv, 4, 5, reproche à ses compatriotes d’amener chaque matin leurs sacrifices et en même temps de pécher de plus en plus. — 2. Dieu ne désire pas les sacrifices, c’est-à-dire qu’il n’en retire aucun avantage et n’y attache pas une importance essentielle. Ps. xl (xxxix), 7 ; li (l), 18 ; Is., i, 11 ; Jer., vi, 20 ; Ose., viii, 13. Amos, v, 22, va même jusqu’à dire qu’il les hait, ce qui s’applique d’une manière absolue aux sacrifices des impies, et seulement d’une manière relative aux autres sacrifices. Dieu, maître de toutes les créatures, n’a nul besoin des victimes que lui présentent les hommes. Ps. L (xlix), 815. — 3. L’idée exprimée pour la première fois par Samuel, que l’obéissance vaut mieux que les sacrifices, I Reg., xv, 22, revient fréquemment sous différentes formes dans la Sainte Écriture : aux sacrifices, Dieu préfère la justice, Prov., xxi, 3, la docilité à sa voix, Eccle., iv, 17 ; Jer., vii, 21, 22, la piété, Ose., vi, 6, la miséricorde. Mich., vi, 6-8 ; Matth., ix, 13 ; xii, 7. Quand les sacrifices ne sont plus possibles, la prière d’un cœur contrit et humilié vaut les plus riches holocaustes. Dan., iii, 38-40. En somme,

Observer la loi, c’est faire dd nombreuses offrandes, S’attacher aux commandements vaut un sacrifice pacifique, Rendre grâces, c’est une offrande de fleur de farine, Pratiquer la miséricorde, c’est offrir un sacrifice de louange. Gb qui plaît au Seigneur, c’est qu’on s’éloigne du mal, Ce qui obtient son pardon, c’est la fuite de l’injustice.

Eccli., xxxv, 1-3.

Aussi Notre-Seigneur fait-il cette recommandation à celui qui, en apportant son offrande à l’autel, se souvient d’un dissentiment avec son frère : « Laisse là ton offrande devant l’autel et va d’abord le réconcilier avec ton frère. » Matth., v, 23, 24. Un jour, , il complimenta de sa sagesse un scribe qui lui disait que l’amour de Dieu et du prochain, « c’est plus que tous les holocaustes et tous les sacrifices. » Marc, xiii, 33. Il n’y avait donc pas à se tromper sur l’esprit de la loi mosaïque au sujet des sacrifices : ils devaient être offerts conformément aux prescriptions légales, mais ilsétaient nuls et même odieux aux yeux de Dieu, si de dignes sentiments de justice, de piété, d’obéissance, de miséricorde et d’amour ne les accompagnaient.

VIII. Efficacité des sacrifices mosaïques. — Les sacrifices de l’ancienne loi avaient une triple valeur légale, symbolique et typique.

1° Valeur légale. — Les sacrifices conféraient aux Israélites la justice légale, c’est-à-dire les purifiaient des souillures qui empêchaient de participer au culte divin, tel qu’il était institué sous l’ancienne loi. Mais ils ne pouvaient pas par eux-mêmes effacer le péché. Ceci ressort des textes qui viennent d’être cités et dans lesquels on voit que Dieu n’attache qu’une valeur secondaire à ces rites extérieurs, dont la célébration n’était que trop souvent accompagnée de dispositions intérieures fort répréhensibles. Mais « il est impossible que le sang des taureaux et des boucs enlève les péchés. » Heb., x, 4. « Les oblations et les sacrifices offerts ne peuvent amener à la perfection, au point de vue de la conscience, celui qui rend ce culte. »

Heb., ix, 9. Malgré les sacrifices pour le péché et pour le délit, la conscience demeurait donc dans un état imparfait, c’est-à-dire n’était pas purifiée de tout ce qui la souillait. Ainsi les sacrifices n’avaient pas de valeur sacramentelle qui leur fût propre ; le péché de ceux qui les offraient n’était remis que s’ils avaient au cœur des sentiments capables d’en obtenir le pardon. L’Église enseigne que ni les gentils par la puissance de la nature, ni les Juifs par la lettre des lois de Moïse, n’ont été délivrés du péché et n’ont pu s’en relever. Conc. Trid., sess. VI, De justificat., cap. I.

2e Valeur symbolique. — Les sacrifices exprimaient symboliquement ce que devaient être les dispositions du cœur pour louer Dieu dignement, pour le remercier, solliciter ses bienfails et implorer son pardon. Ils pouvaient par conséquent exciter dans les âmes des sentiments d’adoration, de reconnaissance, de regret et de religion. À ce but tendaient toutes les prescriptions de la loi. — 1. On immolait des animaux utiles à l’homme et se nourrissant d’aliments purs, ce qui excluait les porcs et les poules : de là une double leçon de générosité et de pureté. — 2. Ces animaux étaient mis à mort, pour signifier que l’homme est digne de mort à cause de ses péchés et que les péchés ne sont expiés que par la mort. Les sacrifices lévitiques n’étaient donc étrangers ni au sentiment moral du péché et de l’expiation, ni à l’idée de substitution et de satisfaction pénale, ainsi que le reconnaissent §mm&, Alites lamentliche Religionsgeschichte, Fribourg, 1899, p. 326-332, et Holtzmann, Lehrbuch derN. T. Theologie, Fribourg, 1897, t. i, p. 68. — 3. Dans les holocaustes, la victime était consumée toute entière, pour rappeler que Dieu est le souverain Maître et que l’homme lui appartient tout entier avec tout ce qui est à lui. — Dans les sacrifices pour le péché, la victime était en partie consumée, en partie mangée par les prêtres, pour indiquer que l’expiation du péché dépend de Dieu, mais par le ministère des prêlres. Pourtant si ceux-ci offraient la victime pour eux-mêmes, ils n’en pouvaient pas manger, parce que rien ne devait leur rester du péché et qu’il ne convenait pas que ce qui venait de leur péché tournât à leur avantage. — 5. Dans les sacrifices pacifiques, il y avait trois parts, une que consumait le feu, une autre que mangeaient les prêtres et une troisième que mangeaient ceux qui offraient le sacrifice, afin de montrer que Dieu, les prêtres et les hommes en général concourent ensemble au salut de chacun. — 6. Le sang était toujours versé à l’autel et la graisse consumée, parce que la vie, représentée par le sang, et l’abondance de la vie, représentée par la graisse, viennent toutes deux de Dieu et doivent contribuer à^son honneur. — 7. Le prêtre recevait pour sa part, dans les sacrifices pacifiques, la poitrine et l’épaule droite, parceque la sagesse du cœur, qui est dans la poitrine, et la force, représentée par l’épaule droite, lui sont nécessaires pour l’exercice de son ministère. Cf. S. Thomas, Summ. theol., Ia D>, q. en, a. 3, ad 2 et 8. — Ainsi compris, les différents actes dont se composaient les sacrifices devaient constituer pour les Israélites un haut enseignement de religion. Car « le sacrifice qui est extérieurement offert est le signe du sacrifice spirituel intérieur par lequel l’âme s’offre elle-même à Dieu comme au principe de sa création et à la fin de sa béatitude… Aussi, ce qui compte, dans le sacrifice, ce n’est pas le prix de la victime immolée, mais sa signification d’honneur rendu au souverain Maître de tout l’univers. » S. Thomas, Summ. Iheol., II a II*, q. lxxxv, a. 2. Sans doute, l’appareil sanguinaire et grossier que nécessitait l’exécution des sacrifices mosaïques, surtout quand les victimes étaient nombreuses, choquerait ceux qui ne conçoivent qu’un culte spirituel de la divinité. Il faut reconnailre cependant qu’il n’en était pas de même pour les anciens, habitués aux